Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 02/Géométrie, article 6

La bibliothèque libre.

QUESTIONS RÉSOLUES.

N. B. Le défaut d’espace, le grand nombre des solutions obtenues pour les mêmes problèmes et l’analogie entre ces solutions obligeront souvent à l’avenir les Rédacteurs des Annales à les comprendre toutes dans un seul article et à n’en présenter qu’une courte analise. Ils auront soin, au moins, d’être équitables et de ne rien omettre de ce qui pourra piquer la curiosité de leurs lecteurs.

Solutions des deux problèmes proposés à la page 384
du premier volume des
Annales ;
Par MM. Rochat, Vecten, Fauquier, Pilatte, etc.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

Problème 1. À un triangle donné circonscrire un triangle semblable à un autre triangle donné, et qui soit le plus grand possible ?

PROBLÈME II. À un triangle donné inscrire un triangle semblable à un autre triangle donné, et qui soit le plus petit possible ?

MM. Rochat, professeur de navigation à Saint-Brieux, Vecten, professeur de mathématiques spéciales au lycée de Nismes, et Fauquier, élève du même lycée, ont également fondé les solutions qu’ils ont données de ces deux problèmes sur les considérations suivantes.

1.o Deux triangles et étant donnés d’espèce, et deux autres triangles respectivement semblables à ceux-là, étant inscrits l’un à l’autre, à par exemple ; si est le plus petit des triangles semblables à qu’il soit possible d’inscrire à , ce triangle sera le plus grand des triangles semblables à qu’il soit possible de circonscrire à , et réciproquement.

Voici à peu près de quelle manière M. Rochat démontre cette proposition. Soit (fig. 5) un triangle semblable à et soit le plus petit de tous les triangles semblables à qu’il soit possible de lui inscrire. Si n’est pas le plus grand des triangles semblables à qu’il soit possible de circonscrire à on pourra circonscrire à ce dernier un triangle semblable à plus grand que  ; soit ce triangle ; soient coupés les côtés de en comme le sont ceux de en , et soit formé le triangle . Ce dernier étant disposé par rapport à de la même manière que l’est le triangle par rapport au triangle , on doit avoir évidemment

si donc on pouvait avoir , on devrait avoir aussi  ; ainsi, contrairement à l’hypothèse, le triangle

semblable à comme , et inscrit comme lui à , serait moindre que .

La réciproque de cette proposition n’est pas plus difficile à établir. Soit en effet le plus grand des triangles semblables à qu’il soit possible de circonscrire à  ; si n’est pas le plus petit de tous les triangles semblables à qu’il soit possible d’inscrire à , on pourra lui en inscrire un autre plus petit que et toujours semblable à  ; soit ce triangle ; par , soient menées trois droites , faisant avec ses côtés les mêmes angles que font , avec leurs homologues dans le triangle  ; le triangle se trouvant alors, par rapport au triangle , ce qu’est le triangle par rapport au triangle , on aura

si donc on pouvait avoir , il faudrait qu’on eût aussi  ; ainsi, contrairement à l’hypothèse, le triangle , semblable à t comme , et circonscrit comme lui à , serait plus grand que .

2.o Si deux cercles se coupent, de toutes les droites menées par l’une de leurs intersections et terminées à leurs circonférences, la plus longue est la parallèle à la droite qui joint leurs centres, ou, ce qui revient au même, la perpendiculaire à leur corde commune ; et la longueur de cette droite est double de la distance entre les centres des deux cercles[1].

Ces principes établis, voici à quoi se réduit la solution des deux problèmes proposés.

Solution du 1.er problème. Soit (fig. 6) un triangle donné, auquel il faille circonscrire un triangle semblable à un autre triangle donné , et qui soit le plus grand possible.

Sur les côtés et du triangle soient décrits extérieurement des arcs respectivement capables des angles et  ; soient et les centres des cercles dont ces arcs font partie ; soit l’intersection de ces cercles, et soient menées et . Par le point soit menée parallèle à , ou perpendiculaire à , et terminée en et aux deux arcs ; en menant ensuite et concourant en , le triangle sera le triangle demandé.

Solution du II.e problème. Soit (fig. 7) un triangle donné, auquel il faille inscrire un triangle semblable à un autre triangle donné , et qui soit le plus petit possible.

Au triangle soit circonscrit (problème I.) un triangle , semblable au triangle , et le plus grand possible ; soient coupés les côtés du triangle en , de la même manière que le sont ceux du triangle en  ; formant enfin le triangle , ce sera le triangle demandé.

Ce qui précède suppose tacitement que l’on a indiqué, à l’avance, à quels côtés du triangle donné d’espèce seulement, doivent être homologues ceux des côtés du triangle à circonscrire qui doivent passer par chacun des sommets du triangle donné à la fois d’espèce et de grandeur ; ou à quels angles du triangle donné d’espèce seulement, doivent être homologues ceux des angles du triangle à inscrire dont les sommets doivent être sur chacun des côtés du triangle donné à la fois d’espèce et de grandeur. S’il n’en était pas ainsi, il est clair que chacun des deux problèmes pourrait, en général, admettre six solutions ; et qu’ainsi il y aurait lieu à un maximum maximorum ou à un minimun minimorum. M. Rochat à qui l’on doit cette remarque, a calculé les expressions de l’un des côtés du triangle cherché qui répondent à ces six solutions ; mais il n’a pas eu le loisir de les discuter.

Ces six solutions se réduisent à une seule lorsque le triangle à construire est équilatéral. M. Vecten observe à ce sujet que, si, dans ce cas on mène du point (fig. 6) des droites aux points , ces droites, respectivement perpendiculaires aux côtés du triangle , feront, autour du point , des angles égaux entre eux et au tiers de quatre angles droits, d’où il suit qu’alors le point sera celui dont la somme des distances aux sommets , du triangle donné, est la plus petite.

Ainsi, le plus grand triangle équilatéral qu’il soit possible de circonscrire à un triangle donné est celui dont les côtés sont perpendiculaires aux droites qui joignent aux sommets de ce triangle donné le point dont la somme des distances à ces sommets est la plus petite.

Et, comme la somme des distances aux trois côtés d’un triangle équilatéral d’un point quelconque pris dans son intérieur, est égale à la hauteur de ce triangle, il en faut conclure que la hauteur du plus grand triangle équilatèral qu’il soit possible de circonscrire à un triangle donné, est égale à la somme des droites menées aux sommets de ce triangle du point dont la somme des distances à ces sommets est la plus petite.

M. Pilatte, professeur de mathématiques spéciales au lycée d’Angers, ancien élève de l’école polytechnique, a traité ces deux problèmes par l’analise et d’une manière tout à fait différente de celle qui vient d’être expliquée. Il a d’abord soin d’observer que, par triangle circonscrit à un triangle donné, il faut entendre un triangle dont les côtés, prolongés s’il le faut, passent par les sommets du triangle donné : et que, par triangle inscrit à un triangle donné, il faut entendre un triangle dont les sommets sont sur les côtés ou sur les prolongemens des côtés du triangle donné. Il se propose ensuite ces deux problèmes :

1.o Connaissant les coordonnées des sommets d’un triangle , déterminer l’expression de la surface d’un triangle circonscrit à celui-là et semblable à un triangle donné  ?

2.o Connaissant les coordonnées des sommets d’un triangle , déterminer l’expression de la surface d’un triangle inscrit à celui-là et semblable à un triangle donné  ?

Ces problèmes étant l’un et l’autre indéterminés, les expressions trouvées par M. Pilatte pour et , sont fonctions d’une certaine arbitraire et qui est la tangente tabulaire de l’angle que fait l’un des côtés du triangle cherché avec l’axe des  ; ainsi les triangles et peuvent être assujettis à une nouvelle condition choisie comme on voudra.

Supposant donc 1.o que les triangles et doivent être à la fois égaux et semblables au triangle , se trouve donné pour l’un et l’autre par des équations du second degré, et les deux problèmes proposés à la page 318 du 1.er volume des Annales se trouvent ainsi résolus.

Supposant, 2.o que les surfaces et doivent être des maxima ou des minima, M. Rochat trouve pour un maximum fini et un minimum zéro et pour un minimum fini et un maximum infini.

Passant alors au cas particulier où le triangle demandé doit être équilatéral, M. Rochat détermine les valeurs de qui, dans ce cas, conviennent au maximum de et au minimum de , et il enseigne à construire ces valeurs.

Retournant ensuite aux valeurs générales de et et supposant que l’indéterminée est la même dans l’une et dans l’autre, ou, ce qui revient au même, que les côtés homologuas des triangles et , le premier circonscrit et le second inscrit à sont parallèles ; il obtient, en multipliant ces valeurs, d’où il conclut cet élégant théorème.

Si à un triangle quelconque on en circonscrit un autre aussi quelconque  ; qu’à celui-ci on en circonscrive un troisième , ayant ses côtés respectivement parallèles à ceux de  ; puis, qu’on circonscrive à un nouveau triangle , dont les côtés soient respectivement parallèles à ceux de , et ainsi de suite, les aires des triangles , lesquels seront semblables de deux en deux, formeront une progression par quotiens.

Nous croyons devoir, à ce sujet, mentionner ici un autre théorème fort analogue à celui-là, et qui se démontre facilement, soit par l’analise, soit par la géométrie.

Si des triangles , sont tels que les côtés de chacun soient respectivement égaux aux droites qui, dans celui qui le précède, joignent les sommets des angles aux milieux des côtés opposés ; les aires de ces triangles, lesquels seront semblables de deux en deux, formeront une progression décroissante par quotiens dont la raison sera

Nous terminerons par observer que les deux problèmes qui font le sujet principal de cet article, ont été résolus par M. Lhuilier, dans les Élémens d’analise géométrique et d’analise algébrique, ouvrage remarquable par le grand nombre des problèmes qui y sont traités.

  1. Voyez les pag. 24 et 26 de ce volume.