Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 03/Analise transcendante, article 6

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ANALISE TRANSCENDANTE.

Examen d’un cas singulier, qui nécessite quelques
modifications dans la théorie des maxima et des
minima des fonctions de plusieurs variables ;
Par M. J. F. Français, professeur à l’école impériale de
l’artillerie et du génie.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

Soit

et soient posés, pour abréger

Les conditions que l’on prescrit ordinairement, pour le maximum ou le minimum de la fonction sont

ce qui assujettit et à être de mêmes signes ; et alors le maximum ou le minimum a lieu, suivant qu’on a ou

Je me propose ici de faire voir que la condition (2) exige trop ; et que, pourvu que ne soit pas négatif, cette quantité peut être nulle, sans que le maximum ou le minimum cesse d’avoir lieu.

La règle en usage pour la détermination des maxima et minima ne se rapporte qu’à des points isolés : elle est en défaut, lorsqu’il s’agit de déterminer une suite de points maxima ou minima, formant une courbe continue. On se convaincra aisément de la vérité de ce que j’avance, par l’exemple suivant : si l’on fait tourner une ellipse autour d’une droite parallèle au grand axe, considérée comme axe des le sommet de l’ellipse décrira un cercle dont les coordonnées parallèles à l’axe des seront évidemment des maxima ; cependant on trouve, pour ce cas (comme pour tous les cas semblables) Je vais expliquer la raison de cette singularité, et compléter ainsi les conditions qui doivent indiquer l’existence des maxima et minima.

La première condition pour l’existence d’un maximum ou d’un minimum est d’avoir à la fois  ; ces deux équations déterminent les coordonnées correspondant au maximum ou au minimum cherché, lorsqu’il ne s’agit que d’un ou de plusieurs points isolés. Mais, lorsqu’il doit y avoir une infinité de maxima ou minima, formant une courbe continue, les deux équations doivent être de nature à être satisfaites en même temps, sans quoi il n’y aurait plus qu’un nombre limité de solutions ; il faut donc que ces deux équations aient lieu, par un facteur qui leur soit commun ; ainsi, on devra avoir

(3)

étant le facteur commun qui, égalé à zéro, remplira à la fois les deux conditions (1) ; et pouvant être des fonctions quelconques de et

L’équation qui déterminera les maxima et minima sera donc

(4)

on tirera ensuite des équations (3), par la différentiation, en ayant égard à l’équation (4)

(5)

retranchant du produit des deux équations extrêmes le produit des deux autres, il viendra, en réduisant

(6)

la condition (2) ne sera donc pas satisfaite. Examinons si néanmoins, dans ce cas, le maximum ou le minimum ne pourrait pas avoir lieu.

Soient des valeurs de qui rendent maximum ou minimum ; et soient respectivement des variations simultanées et très-petites de ces quantités, répondant à une valeur de voisine de ce maximum ou minimum. À cause des équations (1), on aura simplement

(7)

Il faut pour le maximum, que cette quantité soit toujours plus petite que et pour le minimum, qu’elle soit toujours plus grande, quels que soient d’ailleurs les signes de pourvu que ces deux variations ne cessent pas d’être comprises dans des limites très-resserrées. On conclut facilement de là qu’il faut que la quantité

(8)

conserve toujours le même signe négatif s’il s’agit du maximum, et positif s’il s’agit du minimum ; et on démontre que la première condition est toujours satisfaite lorsqu’on a, à la fois

et que la seconde l’est, si l’on a, au contraire,

Tout cela est parfaitement exact, et ces conditions sont en effet suffisantes pour que le maximum ou le minimum ait lieu ; mais il faut ajouter que, si elles sont suffisantes, elles ne sont pas néanmoins toujours nécessaires ; et que la fonction (8) sera également de signe invariable, lorsqu’on aura simplement

puisqu’alors elle se trouvera être un quarré, pris en moins ou en plus, suivant que, sera négatif ou positif.

On doit pourtant remarquer que, dans ce cas, la fonction (8) peut devenir nulle, pour des valeurs particulières de et  ; et il est même aisé de voir qu’elle sera nulle, en effet, lorsque ces deux variations seront liées entre elles par la relation

(9)

équivalente alors à On pourrait donc croire, d’après cela, que, lorsque l’équation (6) a lieu, les conditions, soit du maximum soit du minimum, cessent d’être satisfaites ; mais il est aisé de se convaincre du contraire. Si, en effet, on élimine, entre les deux premières équations (5), il viendra

(10)

équation qui, combinée avec l’équation (9), donnera

(11)

équation qui fait voir que sont les coordonnées de la tangente à la courbe maximum ou minimum, et que, dans ce cas, doit simplement se réduire à La fonction (8), en vertu de la condition (6) reste donc constamment positive, dans le cas du minimum, et négative, dans le cas du maximum, pour tous les points qui ne sont pas situés sur la courbe minimum ou maximum. Les maxima ou minima peuvent donc exister, quoique la condition (2) n’ait pas lieu ; et la précédente analise prouve qu’il en est ainsi, en effet, pour une suite de maxima ou minima, formant une courbe continue.

Nous tirerons de tout cela les conclusions suivantes, savoir : 1.o que les conditions que l’on donne ordinairement pour celles des maxima et minima des surfaces courbes sont incomplettes, et ne peuvent donner que des points isolés jouissant de cette propriété ; 2.o que pour trouver une suite de maxima ou minima, liés entre eux par une courbe continue, il faut que et s’évanouissent, par un facteur commun ; 3.o que est alors la condition nécessaire pour l’existence d’une courbe maximum ou minimum ; 4.o qu’enfin le cas que nous venons de considérer est un complément nécessaire à la théorie des maxima et minima des surfaces courbes[1]

Il ne serait pas difficile d’étendre cette théorie aux fonctions de trois ou d’un plus grand nombre de variables ; mais comme, pour chaque nouvelle variable, il y aurait une condition (2) de plus ; il faudrait appliquer à chacune de ces conditions des raisonnemens analogues à ceux que nous avons faits sur la condition (2). De plus, la condition (1) serait composée d’autant d’équations qu’il y aurait de variables indépendantes. Supposons que ces équations soient

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elles pourront être toutes essentiellement distinctes, auquel cas on n’aura qu’un certain nombre de maxima ou minima absolument déterminé, ou bien elles pourront être rangées en plusieurs classes dont une seule renfermant des équations essentiellement distinctes, tandis que, dans chacune des autres ; toutes les équations pourront être satisfaites par l’égalité à zéro d’un seul facteur qui leur sera commun. Il serait intéressant d’examiner l’influence de ces diverses circonstances sur les conditions analogues à la condition (2) ; ce serait alors seulement que la théorie des maxima et minima, dans les fonctions de plusieurs variables, pourrait être regardée comme complète.

  1. Il y a ici une distinction à établir. Si, suivant les notions admises jusqu’à présent, le caractère de l’ordonnée maximum on minimum est que les ordonnées environnantes soient toutes plus petites ou toutes plus grandes que celle-là, les ordonnées de la courbe considérée ici par M. Français ne seront point proprement des maxima ou minima ; mais si, comme il parait plus convenable de le faire, on exige seulement de l’ordonnée maximum ou minimum qu’aucune des ordonnées environnantes ne soit plus grande, ou qu’aucune de ces ordonnées ne soit plus petite qu’elle, alors les ordonnées des différens points de la courbe maximum ou minimum deviendront, en effet, de véritables maxima ou minima.

    Au surplus, quelque parti qu’on prenne à cet égard, la discussion dans laquelle s’est engagé M. Français, n’en conservera pas moins tout son intérêt.

    Il convient peut-être de rappeler ici que, si la condition ne se trouvait remplie que parce qu’en vertu de l’équation on aurait à la fois on ne pourrait alors rien prononcer sans avoir soumis à la discussion les coefficiens différentiels des ordres ultérieurs.

    J. D. G.