Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 03/Correspondance, lettre 7

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CORRESPONDANCE.

Lettre de M. Serres, professeur de mathématiques à
l’école de Sorèze,
Au Rédacteur des Annales ;
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Monsieur,

J’ai lu, avec intérêt, dans le numéro du mois d’août dernier de vos Annales, page 41 le mémoire de M. de Maizière, sur les limites des racines des équations ; et j’ai eu lieu, plus d’une fois, d’admirer la sagacité de son auteur. Mais j’ai été étrangement surpris, lorsque, tombant par hasard sur une équation particulière, dont les racines sont 2, 4, 6, j’ai cependant trouvé, pour limite, en vertu de la 3.e observation, qui m’a suggéré l’idée de mettre l’équation sous la forme Le facteur trinôme étant essentiellement positif ; j’ai dû en conclure que je pouvais regarder les trois premiers termes comme positifs, et prendre pour limite Cette conclusion ne pouvant s’accorder avec la racine 6, j’ai pensé qu’il devait y avoir quelque vice dans cette troisième observation ; et voici à quel résultat mes réflexions sur ce sujet m’ont conduit.

Il ne saurait être permis de dénaturer le 1.er terme de l’équation, pour le grouper avec les deux suivans, à moins que toute l’équation ne puisse se décomposer en plusieurs groupes positifs, comme au n.o 6 des observations. En effet, la démonstration générale, qui donne la limite porte essentiellement sur ce que le 1.er terme seul , en vertu de cette limite, est rendu plus grand que tous les termes négatifs ensemble ; il faut donc que ce 1.er terme reste isolé, pour remplir cette condition ; et on ne peut grouper que les termes suivans, pour en faire un ou plusieurs polynômes positifs, de manière à reculer le terme négatif, dont le rang doit déterminer le degré de la racine à extraire du plus grand coefficient négatif qui vient à la suite de ces différens groupes.

Si l’on veut faire entrer le premier terme dans ces transformations ; il me paraît qu’alors il est nécessaire de vérifier la limite à laquelle on parvient ; en examinant si le groupe, plus la somme des termes positifs qui pourront le suivre immédiatement, donnent un nombre plus grand que la somme des termes négatifs suivans : afin qu’au de là de cette limite, le résultat général demeure toujours positif. Par exemple, dans notre équation ci-dessus, après avoir trouvé 5 pour limite, il faudrait s’assurer si cette limite donne ce qui n’est pas ; la limite 5 est donc trop faible, et doit conséquemment être rejetée.

Si vous pensez, Monsieur, que ces observations soient fondées, et qu’elles puissent être utiles à vos lecteurs, vous voudrez bien, je pense, leur accorder une place dans votre estimable journal.

Agréez, etc.

Sorèze, le 13 décembre 1812.