Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 03/Géométrie élémentaire, article 7
GÉOMÉTRIE.
impériale de Genève.
La doctrine des solides réguliers a beaucoup occupé les anciens géomètres. Euclide l’a approfondie dans [es trois derniers livres de ses élémens. Quelques mathématiciens ont même prétendu que c’était vers ces solides qu’était dirigé le plan de son ouvrage ; en se fondant sur l’importance des applications que les Platoniciens croyaient pouvoir faire de ces solides à l’harmonie de l’univers.
Quoique les modernes n’attachent aucun poids à ces idées chimériques des anciens, ils ont dû regarder ces solides comme dignes de leur attention, et tout au moins, comme donnant lieu à des exercices intéressans de recherches et de calcul. Ainsi Legendre, dans sa Géométrie, traite avec soin de leur composition et du calcul de leurs dimensions ; et, en dernier lieu, M. le professeur Bertrand a consacré plusieurs pages de ses Élémens à épuiser la doctrine de ces solides.
Comme il ne peut y avoir que cinq angles solides réguliers, il ne peut y avoir que cinq solides réguliers. Il est aisé de déterminer, par la proposition fondamentale de polyèdrométrie d’Euler, le nombre des faces et le nombre des angles solides qui entrent dans la composition de ces polyèdres, s’ils sont possibles[1]. Mais il n’est pas aussi facile de démontrer leur possibilité, et d’exécuter leur construction, tout au moins pour l’icosaèdre-dodécagone, et pour le dédocaèdre-icosagone.
Si ces polyèdres ont lieu, ils peuvent être décomposés en pyramides régulières qui peuvent convenir, qui ont leurs faces pour bases, et dont le sommet commun est au centre de la sphère qui leur est inscrite ou circonscrite. Dans ces pyramides, l’inclinaison de deux faces latérales est connue, savoir ; cette inclinaison est le tiers, le quart ou la cinquième partie de quatre angles droits, suivant que chaque angle solide du polyèdre est formé par trois, par quatre ou par cinq angles plans.
La doctrine des solides réguliers m’a paru susceptible d’être exposée d’une manière abrégée, lumineuse et régulière, en partant de la possibilité de ces pyramides, pour déterminer la composition des solides réguliers par leur répétition.
Définitions. J’appelle pyramide droite, une pyramide dont la base est un polygone circonscriptible au cercle, et dont le pied de la hauteur coïncide avec le centre de ce cercle.
J’appelle pyramide régulière, une pyramide droite dont la base est un polygone régulier.
Dans tout ce qui suit, l’angle droit est pris pour l’unité des angles plans ; et l’angle solide rectangle ou l’octant est pris pour l’unité des angles solides,
I. Soit une pyramide régulière, à base triangulaire. Que l’inclinaison de deux faces latérales de cette pyramide soit le tiers de quatre droits. On demande la valeur de son angle solide au sommet ?
On a la proportion donc Partant : l’angle solide au sommet de notre pyramide vaut deux octans, et quatre de ces angles solides remplissent l’espace autour d’un point.
Application. Quatre de ces pyramides, égales entre elles, disposées autour d’un point qui est leur sommet commun, forment le tètraedre-tétragone régulier.
II. Soit une pyramide régulière, à base triangulaire. Que l’inclinaison de deux faces latérales de cette pyramide soit le quart de quatre droits ou un droit. On demande l’angle solide au sommet de cette pyramide ?
On a la proportion donc Partant : l’angle solide au sommet de cette pyramide est égal à l’octant ; et huit de ces angles solides remplissent l’espace autour d’un point.
Application. Huit de ces pyramides, égales entre elles, disposées autour d’un point qui est leur sommet commun, forment l’octaèdre-hexagone régulier.
III. Soit une pyramide régulière, à base triangulaire. Que l’inclinaison de deux faces latérales de cette pyramide soit la cinquième partie de quatre droits. On demande l’angle solide au sommet de cette pyramide ?
On a la proportion donc Partant : l’angle solide au sommet de cette pyramide vaut le cinquième de deux octans ou le vingtième de huit octans ; et vingt de ces angles solides remplissent l’espace autour d’un point.
Application. Vingt de ces pyramides, égales entre elles, disposées autour d’un point qui est leur sommet commun, forment l’icosaèdre-dodécagone régulier.
IV. Soit une pyramide régulière, à base carrée. Que l’inclinaison de deux faces latérales de cette pyramide soit le tiers de quatre droits. On demande l’angle solide au sommet de cette pyramide ?
On a la proportion donc Partant : l’angle solide au sommet de cette pyramide vaut le tiers de quatre octans ou le sixième de huit octans ; et six de ces angles solides remplissent l’espace autour d’un point.
Application. Six de ces pyramides, égales entre elles, disposées autour d’un point qui est leur sommet commun, forment l’hexaèdre-octogone régulier, ou le cube.
V. Soit une pyramide régulière, à base pentagone. Que l’inclinaison de deux faces latérales de cette pyramide soit le tiers de quatre droits. On demande l’angle solide au sommet de cette pyramide ?
On a la proportion donc Partant : l’angle solide au sommet de cette pyramide vaut le tiers de deux octans ou le douzième de huit octans ; et douze de ces angles solides remplissent l’espace autour d’un point.
Application. Douze de ces pyramides, égales entre elles, disposées autour d’un même point, qui est leur sommet commun, forment le dodécaèdre-icosagone régulier.
Il est facile d’appliquer les premiers principes de la trigonométrie sphérique, relative aux triangles rectangles, à cette manière de concevoir la génération des solides réguliers.
En effet, par une des arêtes latérales de la pyramide, soit mené un plan perpendiculaire à la base. Il se forme, à l’extrémité de cette arête, un angle solide triangulaire, dont deux des faces sont perpendiculaires l’une à l’autre ; un des angles solides dièdres restans est connu : savoir, la demi-inclinaison de deux faces latérales de la pyramide ; un des angles plans est aussi connu, savoir, le demi-angle de la base de la pyramide. De là on détermine l’inclinaison d’une face à la base, ou la demi-inclinaison de deux faces du polyèdre ; et, partant aussi, le rapport du rayon du cercle inscrit à la face du polyèdre au rayon de la sphère inscrite. On détermine aussi l’angle plan de cet angle solide, dans le plan perpendiculaire à la base, ou l’inclinaison d’une arête latérale de la pyramide au plan de la base ; et partant, le rapport du rayon du cercle circonscrit à une face du solide au rayon de la sphère circonscrite. Enfin, on détermine l’angle à la base de chaque face de la pyramide. On obtient donc tous les élémens du solide, et en particulier sa capacité, relativement à l’une de ses dimensions.
Cette manière de concevoir la composition des solides réguliers, s’étend aussi à la composition d’autres polyèdres, faite sous des conditions données. Il me suffira d’en donner deux exemples.
1.o Soit une pyramide droite à base rhomboïde. Que l’inclinaison de deux faces adjacentes à l’un des angles obtus de la base, vaille le tiers de quatre droits, et que l’inclinaison de deux faces adjacentes à l’un des angles aigus de la base, vaille le quart de quatre droits. On demande l’angle solide au sommet de cette pyramide ?
On a la proportion donc Partant : l’angle solide au sommet de cette pyramide vaut le tiers de deux octans ou le douzième de huit octans ; et douze de ces angles solides remplissent l’espace autour d’un point.
Application. Douze de ces pyramides égales entre elles, disposées autour d’un point qui est leur sommet commun, et appliquées par leurs faces coïncidentes, forment un dodécaèdre-tètradécagone rhomboïdal.
Ce solide est tiré de l’octaèdre-hexagorie, et de l’hexaèdre-octogone réguliers, en menant, par chacune des arêtes, un plan également incliné aux deux faces adjacentes. Il est connu que ce solide trouve souvent des applications importante.
2.o Soit une pyramide droite, à base rhomboïde. Que l’inclinaison de deux faces latérales, adjacentes à l’un des angles obtus de la base, soit le tiers de quatre droits ; et que l’inclinaison de deux faces latérales adjacentes à l’un des angles aigus de la base soit le cinquième de quatre droits. On demande l’angle solide au sommet de cette pyramide ?
On a la proportion : donc Partant : l’angle solide au sommet de cette pyramide est le quinzième de quatre octans ou le trentième de huit octans ; et trente de ces angles solides remplissent l’espace autour d’un point.
Application. Trente de ces pyramides égales entre elles, disposées autour d’un point qui est leur sommet commun, et appliquées par des faces coïncidentes, forment un triacontaèdre-dotriacontagone rhomboïdal.
Ce solide est tiré de l’icosaèdre-dodécagone et du dodécaèdre-icosagone réguliers, en menant, par chacune des arêtes, un plan également incliné aux deux faces adjacentes.
Il est aisé de déterminer la nature des rhombes des faces de ces deux derniers solides, et de rapporter leurs élémens les uns aux autres.
- ↑ Voyez la page 172 de ce volume.