Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 08/Analise transcendante, article 2

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ANALISE TRANSCENDANTE.

Problème des quadratures.

Rapport à l’académie royale des sciences, sur le mémoire
de M. Bérard, inséré à la page 110 du VII.e volume de ce recueil ;
Par M. Ampère.
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Le secrétaire perpétuel de l’académie, pour les sciences mathématiques, certifie que ce qui suit est extrait du procès-verbal de la séance du lundi 10 février 1817.

Le mémoire de M. Bérard, dont l’académie nous a chargés, M. Poinsot et moi, de lui rendre compte, a pour objet de trouver, par un procédé plus simple que ceux dont on a fait usage jusqu’à présent, la valeur approchée d’une intégrale dont la fonction dérivée et les limites sont données. On sait qu’il faut, pour cela, substituer à cette fonction dérivée une expression de la forme

représente la variable indépendante. On détermine ensuite les coefficiens de manière que les valeurs de cette expression et de la fonction dérivée, correspondantes à des valeurs équidistantes de , en nombre égal à celui des coefficiens soient respectivement égales. Substituant enfin ces valeurs dans la fonction

intégrale de

il ne s’agira plus que de prendre la différence des valeurs de cette même intégrale qui répondent à celles de la variable aux deux limites assignées.

Ce calcul est assez court, quand les valeurs équidistantes de sont en petit nombre ; mais, dès que le nombre en est un peu considérable, il devient tellement compliqué qu’on doit le regarder alors comme presque inexécutable. M. Bérard s’est proposé de trouver la formule qui en résulte, sans être obligé de faire le calcul.

Pour y parvenir, M. Bérard remarque, en premier lieu, qu’en représentant par les valeurs de la fonction dérivée qui répondent aux valeurs équidistantes de l’intégrale cherchée sera une fonction de dans laquelle ces quantités ne peuvent entrer qu’au premier degré, Il remarque, en second lieu, que celles de ces quantités qui se trouvent également distantes des extrêmes doivent avoir les mêmes coefficiens ; de sorte que l’intégrale qu’il s’agit d’obtenir peut être représentée par

et que, pour l’obtenir, il suffit de déterminer qui ne peuvent dépendre que du nombre des valeurs équidistantes de que l’on considère, et qui sont, par conséquent des coefficiens numériques qu’il suffit de déterminer une fois pour toutes, relativement à chaque valeur particulière de ce nombre. M. Bérard donne, dans son mémoire, une méthode très-simple pour parvenir à cette détermination, Cette méthode conduit aux mêmes valeurs, pour les coefficiens dont il s’agit, que la méthode de substitution et d’intégration que nous venons d’indiquer. Il nous semble que l’auteur aurait rendu son mémoire plus complet et plus clair en mettant cette identité de résultats des deux procédés mieux en évidence, et en la démontrant de manière à ne rien laisser à désirer. C’est pourquoi nous croyons devoir expliquer ici sa méthode d’une manière un peu différente de celle qu’il a adoptée, afin que la démonstration naisse, pour ainsi dire, du procédé même que nous aurons suivi.

Le nombre des coefficiens à déterminer est évidemment quand le nombre des intervalles est pair, et quand il est impair ; tel est donc aussi le nombre des équations entre ces coefficiens qu’il faut obtenir pour les déterminer.

Prenons une courbe qui soit un cas particulier de l’équation

la formule

en supposant qu’on eût calculé les coefficiens, représenterait rigoureusement l’aire de cette courbe, entre les limites données ; d’où il suit que, si d’une part on calcule rigoureusement cette aire, et que de l’autre on prenne les valeurs de correspondantes à ce cas particulier, pour les substituer dans

et égaler le résultat à la valeur trouvée pour l’aire, on aura une équation du premier degré, exactement satisfaite par les valeurs de

En prenant une autre courbe, dont l’équation soit aussi renfermée comme cas particulier dans l’équation

et en répétant les mêmes opérations, on trouvera de même une 2.me équation du premier degré, entre . En prenant donc successivement autant de cas particuliers qu’il y a d’unités dans ou suivant que est pair ou impair, on aura autant d’équations du premier degré entre qu’il y a de ces inconnues ; et leur détermination ne souffrira plus aucune difficulté[1].

Il est évident que, tant qu’on aura pris, pour chaque cas particulier, une valeur de comprise dans l’équation

c’est-à-dire, une fonction rationnelle entière de , dont le degré ne passe pas on trouvera, pour les mêmes valeurs que par le procédé ordinaire, décrit au commencement de ce rapport[2] ; et, comme ces valeurs sont uniques, il est clair que, quels que soient les cas particuliers qu’on choisisse, on arrivera toujours identiquement aux mêmes résultats. C’est ce que M. Bérard ne paraît pas avoir remarqué ; car, après avoir expliqué quels sont les cas particuliers qu’il a choisis, et qu’il nomme courbes d’expérience, ce géomètre ajoute :

« Tout autre système de courbes d’expérience fournirait des formules différentes, qui seraient toujours moins simples, qui exigeraient une élimination plus laborieuse, et qui, en général, seraient moins exactes »[3].

Cela n’est vrai que dans le cas où l’on prendrait, pour la valeur de une fonction rationnelle entière de d’un degré plus élevé que le nombre des intervalles ; parce qu’alors cette valeur de ne serait plus comprise dans la formule

dont on est parti pour établir que la valeur de l’intégrale est représentée par

ont toujours les mêmes valeurs, quelles que soient celles de

Mais il existe une infinité de fonctions rationnelles de , dont le degré ne passe pas le nombre qui peuvent également servir, et qui donneront toutes identiquement le même résultat.

Ce passage du mémoire de M. Bérard doit donc être modifié et il aurait dû se borner à dire que les équations paraboliques monômes de degrés pairs, dont il se sert pour trouver les formules qu’il cherche, sont les plus commodes à employer dans la pratique[4].

Cette observation ne fait rien, au reste, à l’utilité qu’on peut retirer du mémoire de M. Bérard et des formules toutes calculées qu’il contient, pour des nombres d’intervalles égaux à et Nous pensons, en conséquence, que ce travail mérite l’approbation de l’académie ; et qu’il serait à désirer qu’il fût publié, et qu’on fît connaître cette méthode, qui est susceptible d’utiles applications, dans les ouvrages élémentaires[5].

Signés, à la minute, Poinsot ; Ampère, rapporteur.

L’académie approuve le rapport et en adopte les conclusions.

Certifié conforme, à l’original.

Le secrétaire perpétuel, chevalier des ordres royaux de St-Michel et de la légion d’honneur, Delambre.


  1. Pourvu cependant que ces équations ne rentrent point, en tout ou en partie, les unes dans les autres, comme il pourrait fort bien arriver, si les cas particuliers devant servir à déterminer les relations entre les coefficiens n’étaient pas choisis d’une manière convenable.

    Pour en donner un exemple, supposons la formule générale deviendra

    de sorte que trois cas particuliers seront nécessaires pour détermmer les coefficient

    Or, le motif de la simplicité des calculs semble inviter à prendre, pour ces cas particuliers, les équations

    En supposaut que et sont les limites de l’intégrale demandée, on tirera de là respectivement

    et par suite

    Les mêmes équations donneront

    qui, pris entre les limites et deviendront

    substituant toutes ces valeurs dans la formule (K), on aura, pour déterminer les trois équations

    c’est-à-dire,

    Or, en prenant le quart de la différence entre les équations (2, 3), on tombe sur l’équation (1), d’où il résulte que ces équations sont insuffisantes pour déterminer

    J. D. G.
  2. Or, comme le procédé de M. Kramp revient au fond au procédé ordinaire, il en résulte que ses résultats ne devraient aucunement différer de ceux de M. Bérard. Puis donc que la formule () de ce géomètre (Annales, tom. VII, pag. 110) diffère de la formule (XII) de M. Kramp {Annales, tom. VI, pag. 377), on est forcé d’en conclure que l’une des deux, au moins, a été inexactement calculée.

    Or, d’après la vérification faite récemment par M. Servois, la formule de M. Bérard paraît exacte ; et la même chose a aussi été attestée par un autre géomètre de la Capitale, qui ne s’est pas nommé ; mais qui paraît très-exercé dans ces sortes de calculs, et qui a vérifié la totalité des formules.

    Il paraît donc hors de doute que l’erreur tombe sur la formule de M. Kramp, ce qui a d’autant plus lieu de surprendre que M. Bérard est privé de la vue.

    J’ai dit, à la vérité (tom. VII, pag. 246), que la formule de M. Bérard pouvait être exacte, sans que celle de M. Kramp fût fausse ; mais j’entendais seulement parler alors des formules d’intégration en général ; et les méthodes de ces deux géomètres ne m’étaient plus assez présentes pour que je pusse juger qu’elles ne différaient uniquement que par la forme.

  3. J’avoue que je ne comprends pas, et je crois même ne pouvoir jamais comprendre, comment une formule approximative de quadrature, fondée sur l’interpolation, pourrait, en général, être plus exacte qu’une autre : cela reviendrait, en effet, à dire qu’en général les courbes affectent plutôt telle forme que telle autre, ce que personne, je pense, n’oserait sérieusement soutenir.

    Deux formules de quadrature ne sauraient différer que parce qu’elles supposent que les courbes à quarrer sont différentes ; mais il est clair qu’alors on peut toujours trouver tant de courbes qu’on voudra qui ressemblent davantage à l’une quelconque de ces deux-là qu’elles ne ressemblent à l’autre.

  4. M. Bérard aurait dû ajouter aussi que, dans le cas de impair, il fallait prendre pour courbes d’expérience les courbes paraboliques monômes de degrés impairs. Il ne se serait pas attiré ainsi, de la part de M. Kramp, le reproche d’avoir donné une méthode qui ne s’applique qu’aux valeurs paires du nombre
  5. Je crois nécessaire de répéter ici ce que j’ai dit ailleurs : c’est que, quelques précieuses que soient les méthodes de MM. Kramp et Bérard, elles laissent encore à désirer néanmoins un perfectionnement d’une haute importance. Aujourd’hui, en effet, une méthode d’approximation ne saurait être réputée parfaite qu’autant qu’elle est susceptible d’indiquer, par elle-même, le degré d’approximation qu’on en peut certainement attendre ; c’est-à-dire, qu’autant qu’elle donne, pour la quantité cherchée, deux valeurs, l’une trop grande et l’autre trop petite, entre lesquelles conséquemment la véritable se trouve nécessairement comprise, et dont, par suite, la différence donne la limite de l’erreur que l’on peut commettre. Or, on ne voit rien de semblable dans les méthodes dont il est question ici.

    Je regarde cette condition comme tellement essentielle que, pour mon usage, je préférerais recourir, suivant la première idée de M. Kramp, à la méthode, beaucoup moins rapide d’ailleurs, des rectangles inscrits et circonscrits ; bien entendu qu’il faudrait alors partager l’aire à quarrer en parties, telles qu’entre les limites de chacune d’elles les ordonnées fussent constamment croissantes ou constamment décroissantes.

    Je terminerai en plaçant ici un errata pour le mémoire publié par M. Bérard à la page 101 du VII.e volume de ce recueil, et auquel le présent rapport est relatif.

    Pag. 101, ligne 23 —  ; lisez :

    Page 103, ligne 2 — cherchées ; lisez : calculées.

    Page 106, ligne 2 —  ; lisez : .

    ligne 7 —  ; lisez :
    ligne 17 —  ; lisez : .

    Page 108, ligne 22 —  ; lisez :

    Page 112, ligne 1 — que, s ; lisez : que si.

    J. D. G.