Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 10/Hydrodynamique, article 1

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HYDRODYNAMIQUE.

Sur le principe d’hydrodynamique relatif à la force
d’impulsion des fluides ;

Par M. Narjol.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈
Au Rédacteur des Annales.
Monsieur,

Une erreur, il me le semble du moins, s’est glissée dans l’introduction que M. Girard a mise en tête de sa traduction de l’ouvrage de Smeaton, intitulé : Recherches expérimentales sur l’eau et les vents, etc.

Pour donner une idée de la question, j’extrais le passage suivant du livre de M. Girard.

« Que l’on conçoive percé d’un orifice le fond d’un vase rempli d’eau, le fluide s’en échappera et exercera, à sa sortie du vase, une certaine pression contre un plan opposé perpendiculairement à sa direction. »

« Suivant l’opinion de Newton … le poids capable de faire équilibre à la pression exercée par un courant d’eau à sa sortie d’un vase entretenu constamment plein doit être égal au poids d’un prisme d’eau de même base que l’orifice, et d’une hauteur double de celle du fluide dans le vase ; et, comme la vitesse d’écoulement des fluides pesans est proportionnelle à la racine quarrée de leur hauteur au-dessus de l’orifice par lequel ils s’écoulent, il s’ensuit, de la théorie de Newton, que l’impulsion d’une veine fluide sur un plan est proportionnelle au quarré de la vitesse dont elle est animée perpendiculairement à ce plan. »

« … Admettons cette proposition. Parent remarqua le premier que, lorsqu’une roue à palettes est mise en mouvement par l’action d’un courant, la vitesse avec laquelle les palettes sont choquées est la différence de la vitesse du courant et de celle de la circonférence, de sorte que c’est au quarré de cette différence que l’impulsion est proportionnelle. »

« Cela posé, Parent chercha l’expression générale de l’effet de la machine, c’est-à-dire, le produit du poids qu’elle élève par la vitesse de ce poids ; il trouva que cette pression est un maximum, lorsque la vitesse du centre d’impression des aubes est égale au tiers de la vitesse du courant. »

« MM. Pitot, Bélidor, Maclauvin, Léonard et Albert Euler, et généralement tous les mécaniciens avaient adopté la règle de Parent, relative au maximum d’effet des machines hydrauliques, lorsqu’en 1767 le chevalier de Borda publia un mémoire dans lequel il établit que le mouvement d’une roue hydraulique quelconque étant parvenu à l’uniformité, il est nécessaire que l’action instantanée du fluide sur les palettes soit égale à l’action de la pesanteur sur le poids élevé par la roue. La formule à laquelle il parvient, étant traitée par la méthode ordinaire de maximis et minimis, il en conclut que l’effet de la machine est le plus grand possible, lorsque la vitesse de la roue est égale à la moitié de la vitesse du courant ; résultat que l’on obtient en supposant le choc proportionnel à la vitesse simple du fluide. »

« Ainsi, la théorie des premiers géomètres, qui supposaient l’impulsion de l’eau contre les aubes de la roue proportionnelle au quarré de sa vitesse relative, se trouvait contredite par celle de Borda, qui supposait cette impulsion proportionnelle à la simple vitesse relative du fluide. »

Je me propose de faire voir,

1.o Que Borda n’a point supposé le choc du fluide proportionnel à sa vitesse, et qu’il n’a changé en rien, sur ce point, la théorie de Newton ;

2.o Que Parent s’est trompé.

Soit (fig. 10) une surface plane immobile, recevant perpendiculairement le choc d’un fluide qui s’échappe de l’orifice supposé très-petit, avec une vitesse de unités de longueur par secondes de temps, due à une hauteur

Peur que cette surface ne prenne aucun mouvement, il faut que le poids qui la retient, et auquel elle est supposée attachée par un fil inextensible passant sur les poulies fasse équilibre au choc continuel du fluide.

Newton suppose que chaque molécule de fluide, en choquant le plan perd toute sa vitesse et disparait ensuite ; de sorte qu’il n’est plus nécessaire de la considérer.

Désignant par la grandeur de l’orifice et par le temps, est le volume d’eau qui s’écoule pendant le temps et dont le plan reçoit le choc. Donc, la densité de l’eau étant prise pour unité, est la quantité de mouvement infiniment petite que le fluide vient perdre contre le plan, pendant le temps et à laquelle doit faire équilibre celle que le poids tend à communiquer au même plan dans le même temps. Or, cette dernière est désignant la vitesse qu’acquiert un corps pesant, au bout d’une seconde de chute ; donc

ou

ou bien encore, à cause que

équation qui contient le principe de Newton cité par M. Girard.

Soit la dépense d’eau par seconde, et c’est la formule de Borda (Mémoires de l’académie des sciences, pour 1767).

Considérons actuellement le cas où le plan a une vitesse uniforme

Puisque le plan a une vitesse uniforme, il faut nécessairement que les deux forces qui le sollicitent se fassent équilibre ; mais leurs valeurs ne sont plus les mêmes que dans le cas précédent. En effet, le fluide ne perd pas alors toute sa vitesse par le choc ; mais seulement l’excès de sa vitesse sur celle du plan, c’est-à-dire, la quantité de mouvement perdue pendant le temps par le fluide est donc

La quantité de mouvement que le poids tend à imprimer au plan est donc

c’est la formule de Borda, qui conséquemment n’a point supposé le choc du fluide proportionnel à la vitesse simple.

Le poids multiplié par la hauteur à laquelle il est élevé pendant une seconde, est ce qu’on nomme l’effet de la machine ; or, cette hauteur est égale à par conséquent l’effet est

il varie donc avec Pour avoir sa valeur maximum, il faut différentier par rapport à et égaler le résultat à zéro. On a par là telle est donc la valeur de qui donne le maximum d’effet.

Examinons présentement la formule de Parent.

Suivant lui, lorsque le plan a une vitesse uniforme il faut, dans l’équation

changer en ce qui donne

l’effet serait alors égal à

expression dont le maximum a effectivement lieu lorsque

D’après la formule

le plan recevrait le même choc que dans le cas où il serait immobile et où le fluide n’aurait qu’une vitesse due à une hauteur qui serait donnée par l’équation

Or, ce principe, qui est vrai lorsque l’on considère le choc de chaque molécule fluide isolément, cesse de l’être, quand on prend la somme de tous les chocs particuliers.

En effet, lorsque le fluide a une vitesse et le plan une vitesse la dépense d’eau par seconde est égale à mais, quand le fluide n’a qu’une vitesse la dépense n’est plus que Donc si, dans ce dernier cas, la quantité de mouvement perdu par le fluide pendant le temps est elle sera dans le premier

et l’on aura

c’est la formule que nous avons trouvée plus haut. Je crois donc avoir complètement prouvé ce que j’avais avancé.

Agréez, etc.

Toulouse, Le 16 de septembre 1819.