Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 15/Géométrie descriptive, article 1

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GÉOMÉTRIE TRANSCENDANTE.

Recherche du cercle osculateur d’une courbe à double courbure
en l’un quelconque de ses points ;

Par M. Poncelet, capitaine du génie, professeur
à l’école royale d’application de l’artillerie et du génie.
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Dans le VII.e volume des Annales (pag. 18), M. Dupin a donné un procédé assez simple pour obtenir le cercle osculateur d’une courbe à double courbure dont on a les projections orthogonales sur deux plans quelconques. Ce procédé consiste proprement à rechercher deux sections coniques osculatrices des projections qui soient telles que les cylindres projetans qui leur répondent s’entrecoupent, dans l’espace, suivant une autre osculatrice plane. La méthode donnée par M. Hachette, dans le Bulletin de la société philomatique (année 1816, page 88), semble beaucoup plus compliquée, puisqu’elle est fondée sur l’emploi des surfaces gauches. On sait d’ailleurs qu’elle a pour principe le beau théorème dû à Meusnier sur les rayons de courbure des sections obliques.

En combinant ce théorème avec celui de M. Dupin, sur l’indicatrice de la courbure des surfaces[1], nous sommes parvenus à une troisième solution du problème qui nous paraît nouvelle et qui, si nous ne nous trompons, sera jugée beaucoup plus simple encore que les deux que nous venons de rappeler. Voici en quoi elle consiste.

On sait que l’indicatrice de la courbure, pour l’un des points d’une surface cylindrique quelconque, se réduit à deux droites parallèles aux génératrices, situées dans le plan tangent en ce point et symétriquement placées par rapport à celle de ces génératrices qui passe par ce même point, qui d’ailleurs doit être considéré comme centre de ces deux droites. On sait aussi que toute section normale aux génératrices d’un cylindre est nécessairement une section de moindre courbure ; de sorte que, pour le point dont il s’agit ; la génératrice et sa perpendiculaire dans le plan tangent sont les directions de plus grande et de moindre courbure de la surface cylindrique. On sait enfin que les rayons de courbure des diverses sections normales, en un même point, sont proportionnels aux quarrés des diamètres correspondans de l’indicatrice relative à ce point ; lesquels diamètres sont ici des droites terminées aux deux parallèles dont il vient d’être question ci-dessus, et passant par le point dont il s’agit.

Il résulte de là que si, pour un quelconque des points de la surface d’un cylindre, on connaissait le rayon de courbure de la section normale aux génératrices, on obtiendrait, par une construction très-simple, le rayon de courbure d’une autre section normale quelconque, passant par le même point, et dont la direction serait donnée par une droite tracée dans le plan tangent en ce point ; car il serait une quatrième proportionnelle au rayon donné et aux quarrés des droites ou diamètres qui correspondent respectivement aux deux rayons dans l’indicatrice.

Cela posé, ayant une courbe à double courbure quelconque, donnée dans l’espace par ses projections orthogonales sur deux plans, on aura, par là même, deux cylindres renfermant à la fois cette courbe et dont les rayons de moindre courbure, en chaque point, seront égaux et parallèles aux rayons de courbure des points correspondans de leurs bases respectives, c’est-à-dire, des deux projections de la courbe à double courbure dont il s’agit ; rayons qui sont censés connus dans le problème proposé[2] : donc, pour l’un quelconque des points de l’intersection des cylindres projetans, on aura à la fois les rayons de courbure des deux sections normales faites suivant la tangente commune en ce point.

Or, de là on déduira aisément le rayon de courbure de la courbe même d’intersection, ainsi que le plan osculateur de cette courbe au point donné attendu que le cercle osculateur correspondant doit être commun aux sections obliques faites par ce plan dans les deux cylindres proposés. En effet, il résulte du théorème de Meusnier que le plan osculateur dont il s’agit sera perpendiculaire à la droite qui joint les centres de courbure des deux sections normales respectives faites suivant la tangente commune aux deux cylindres qui répond au point donné sur leur courbe d’intersection, et de plus coupera cette même droite des centres de courbure en un point qui sera le centre osculateur demandé.

Ainsi, la solution du problème que nous nous sommes proposé se réduit proprement à ce qui suit : 1.o déterminer, pour le point donné sur la courbe, les rayons de courbure de ses projections orthogonales sur deux plans quelconques ; 2.o à l’aide de ces rayons, qui sont respectivement égaux et parallèles aux rayons de moindre courbure des cylindres projetans, relatifs au point donné, déterminer les rayons ou centres de courbure des sections normales qui correspondent, dans les deux cylindres, à la tangente en ce même point ; 3.o enfin, joindre les centres dont il s’agit par une droite, et conduire par la tangente un plan qui soit perpendiculaire à cette droite, et qui la coupera au centre de courbure demandé.

On déduit facilement de cette construction une expression très-simple du rayon de courbure d’une courbe, soit plane, soit à double courbure, située d’une manière quelconque dans l’espace, en fonction des rayons de courbure des points correspondans des projections orthogonales de cette courbe sur deux plans arbitraires.

Soient, en effet, et les rayons de courbure des deux projections, pour les points de ces projections qui répondent à celui de la courbe duquel on cherche le rayon de courbure. Soient, en outre, et les angles que forme la tangente en ce point avec ses projections respectives sur les deux plans. Soient enfin et les rayons de courbure des sections normales des deux cylindres projetans, faites suivant cette tangente ; on aura, d’après les propriétés de l’indicatrice rappelées ci-dessus,

Cela posé, si l’on nomme la distance entre les centres de courbure des sections normales qui ont et pour rayons de courbure, l’angle formé par ces rayons ou les normales au point donné de l’intersection commune des deux cylindres, enfin, et les angles compris entre les directions de ces normales respectives et le rayon de courbure cherché ; en représentant ce dernier par on aura également, par ce qui précède, dans les triangles formés par ces diverses droites,



d’où l’on tirera

et par suite

Il serait facile, au surplus, d’arriver directement à ce résultat par la théorie ordinaire des coordonnées dans l’espace[3].


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  1. Voyez Annales, tom. IX, pag. 176 et 179.
  2. Sur la détermination de ces rayons, voyez Annales, tome XI, pag. 361 et tome XII, pages 135 et 137.
  3. Dans la lettre d’envoi de l’article qu’on vient de lire, M. le professeur Poncelet nous observe, 1.o que le théorème démontré par M. Talbot, tom. XIV, pag. 126 se trouve énoncé sous une autre forme à la page 262 du Traité des propriétés projectives des figures, n.o 457 ; 2.o que les articles du même ouvrage qui précèdent celui-là, à compter du n.o 453, page 260, répondent négativement à la question que nous nous sommes faite au bas de cette même page 126 du tome XIV, et font connaître sous quelles conditions le sommet d’un cône quelconque du 2.e degré peut se projeter sur le plan de sa base, de telle sorte que sa projection soit le foyer, soit de cette base, soit de la projection d’une section plane quelconque faite dans ce cône.
    J. D. G.