Annonce de la prochaine conclusion d’un traité de paix perpétuelle en philosophie

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Traduction par Joseph Tissot.
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XII


ANNONCE


DE


LA PROCHAINE CONCLUSION D'UN TRAITÉ


DE


PAIX PERPÉTUELLE


EN PHILOSOPHIE.


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1796






SECTION PREMIÈRE.


Heureux espoir d’une prochaine paix éternelle.


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Du degré le plus bas de la nature vivante de l’homme, jusqu’à son degré le plus élevé, jusqu’à la philosophie.


Chrysippe, dans son rude langage de stoïcien, dit (1)[1] : « La nature a donné au porc, en guise de sel, une âme, pour qu’il ne se corrompe pas. » C’est le plus bas degré de la nature humaine avant toute culture, l’instinct purement animal. Mais c’est comme si le philosophe avait jeté, en disant cela, un regard prophétique sur les systèmes physiologiques de notre temps ; excepté qu’aujourd’hui au lieu du mot âme on emploie de préférence le mot force vitale (en quoi l’on a raison, parce qu’on peut bien conclure de l’effet à une force qui le produit, mais pas immédiatement à une substance particulièrement appropriée à cette espèce d’effet). Or il fait consister la vie dans l’action (Einvirkung) de forces excitantes (dans l’excitation vitale) et dans la faculté de réagir sur les forces excitantes (la faculté vitale), et il appelle sain l’homme dans lequel une excitation proportionnelle produit un effet qui n’est ni trop fort ni trop faible. L’opération animale de la nature serait au contraire chimique, et serait naturellement suivie de la corruption. En sorte que la corruption ne devrait pas être (comme on le croyait autrefois) une conséquence et une suite de la mort ; c’est au contraire la mort qui devrait être une conséquence de la corruption, — La nature est ici représentée dans l’homme avant son humanité, par conséquent dans son universalité, telle qu’elle agit dans l’animal, pour développer seulement des forces que l’homme peut ensuite appliquer suivant des lois de liberté ; mais cette activité et son excitation ne sont point pratiques ; elles ne sont que mécaniques encore.


A.


des causes physiques de la philosophie de l’homme


Si l’on fait abstraction de la conscience, qui distingue l’homme de tous les autres animaux, qui en fait un animal raisonnable (qui ne peut avoir qu’une seule âme, puisqu’il n’a qu’une conscience), le ' penchant à se servir de cette faculté pour raisonner, et même pour raisonner par simples notions, c’est-à-dire pour philosopher, prend un caractère méthodique. Il tend à vexer autrui par la polémique philosophique, c’est-à-dire à disputer. Et comme il n’est pas facile de le faire sans passion, il va jusqu’à quereller en faveur de sa philosophie, et même jusqu’à faire une guerre ouverte en masses réunies les unes contre les autres (école contre école, comme armée contre armée)· Ce penchant, ou plutôt cette démangeaison doit être regardée comme une des bienfaisantes et sages institutions de la nature ; elle s’en sert pour préserver l’homme d’un grand mal, celui de tomber en pourriture, malgré sa vie corporelle.


De l’action physique de la philosophie.


Cette action est la santé (status salubritatis) de la raison, comme effet de la philosophie. — Mais comme la santé de l’homme (d’après ce qui précède) est un mouvement continuel de la maladie à la santé et réciproquement, la seule diète de la raison pratique (comme une sorte de gymnastique de cette raison) ne suffit pas pour maintenir l’équilibre qu’on appelle santé ; la philosophie doit agir (thérapeutiquement) comme remède (materiamedica) ; remède dont l’usage exige des administrateurs et des médecins (ces derniers ont seuls le droit de prescrire cet usage). À propos de quoi la police doit veiller à ce que de vrais médecins, des médecins habiles et non de simples amateurs, s’arrogent le droit de conseiller l’étude de telle ou telle philosophie, et qu’ainsi on ne déshonore pas un art dont on ne possède que les premiers éléments.

Le philosophe Posidonius est un exemple de la philosophie, comme moyen médical par l’expérience faite sur sa personne en présence du grand Pompée (Cicer. : Tuscul. quaest. II, 61) : par une vive attaque contre l’école d’Epicure, il surmonta un violent accès de goutte, la fit descendre aux pieds, sans lui permettre de se fixer au cœur ou à la tête, et prouva par là l’effet physique de la philosophie, tel que la nature l’envisage (la santé corporelle) lorsqu’il déclamait sur la proposition que la douleur n’est pas un mal (1)[2].

De l’apparence de l’impossibilité d’une paix perpétuelle en philosophie.


Le dogmatisme (celui de l’école de Wolf, par exemple) est un oreiller pour dormir, et le terme de toute animation, bien que l’animation soit cependant le bienfait de la philosophie. — Le scepticisme, qui, lorsqu’il est absolu, est le contraire du dogmatisme, n’a rien avec quoi il puisse exercer sur la raison mobile quelque influence, parce qu’il ne fait usage de rien. — Le modérantisme, qui tient le milieu, croit trouver dans la vraisemblance subjective la pierre de touche des sages, et pense qu’en accumulant un grand nombre de principes isolés (dont aucun n’est en soi démonstratif) il suppléera au défaut de la raison suffisante ; mais ce n’est pas là une philosophie ; il en est de ce remède (la doxologie), comme de la teinture contre la peste ou de la thériaque vénitienne, qui ne sont bonnes à rien, à cause de la trop grande propriété qu’elles ont en tous sens.

De la possibilité d’une paix perpétuelle en philosophie, dans le système de la philosophie critique.


La philosophie critique est celle qui ne commence pas par essayer de bâtir ou de renverser des systèmes, ou seulement (comme le modérantisme) d’établir un toit sans maison, pour avoir, au besoin, un abri. Elle commence au contraire par l’examen de la faculté de connaître de la raison humaine (quel qu’en soit le dessein), et ne sophistique pas ainsi quand il s’agit de questions philosophiques qui ne peuvent trouver leur solution dans aucune expérience possible. — Or, il y a cependant quelque chose dans la raison humaine qui ne peut être connu par aucune expérience, et dont les effets pouvant être révélés par l’expérience, et dès lors absolument ordonnés (et même suivant un principe à priori), prouvent cependant la réalité et la vérité. (C’est la notion de la liberté, et la loi qui en émane de l’impératif catégorique, c’est-à-dire qui prescrit d’une manière absolue. — Grâce à cet impératif, des idées qui seraient entièrement vaines pour la raison purement spéculative, quoique cette raison nous y renvoie inévitablement comme à des principes de connaissance de notre fin dernière, reçoivent une réalité pratique, bien que moralement pratique seulement ; celle de nous comporter comme si leurs objets (Dieu et l’Immortalité), qu’on peut par conséquent envisager à cet égard (pratiquement) comme des postulats, étaient donnés.

Cette philosophie, qui est toujours sur le pied de guerre (contre ceux qui confondent les phénomènes pris à contre-sens avec les choses en soi), et par là même toujours inséparable de l’activité rationnelle, fait naître l’espoir d’une éternelle paix entre les philosophes, d’un côté par suite de l’impuissance des preuves théoriques du contraire, de l’autre par la force des raisons pratiques en faveur de ses principes. Cette paix offre en outre l’avantage de tenir toujours en haleine les facultés du sujet constamment menacé, et de favoriser ainsi par la philosophie le dessein de la nature, qui est de vivifier constamment le sujet, de le préserver d’un sommeil léthargique.

À ce point de vue, on doit préférer la prétention d’un homme qui, toujours actif et encore dans l’âge de la force, s’est illustré non-seulement dans sa partie (les mathématiques), mais aussi dans un grand nombre d’autres, le regarder non comme un messager de malheur, mais comme un vœu (Gluekewunsch), lorsqu’il refuse absolument aux philosophes une paix qui leur permette de se reposer commodément sur de prétendus lauriers (1)[3]. En effet, une paix semblable ne manquerait guère d’énerver les facultés, et tromperait les intentions de la nature par rapport à la philosophie, comme moyen constant de pousser l’humanité à sa fin dernière. Au contraire, une constitution guerrière n’est pas encore la guerre ; elle peut et doit bien plutôt la prévenir par une prépondérance décisive des raisons pratiques sur les raisons contraires, et assurer ainsi la paix.


B


fondements hyperphysiques de la vie de l’homme au
profit d’une philosophie pratique


Grâce à la raison, l’âme de l’homme a reçu un esprit (mens, νούζ), qui fait que sa vie n’est pas soumise au pur mécanisme de la nature et à des lois techniquement pratiques, mais qu’elle peut être réglée sur la spontanéité de la liberté et sur ses lois moralement pratiques. Ce principe de vie ne se fonde pas sur des notions du sensible, qui toutes présupposent (avant tout usage pratique de la raison) une science, c’est-à-dire une connaissance théorique ; il procède au contraire étroitement et immédiatement d’une idée du sursensible, de la liberté et de l’impératif moral catégorique, qui nous la révèle. Il ionde ainsi une philosophie dont la théorie n’est pas, il est vrai (comme les mathématiques), un bon instrument (propre à toutes sortes de fins), par conséquent un simple moyen, mais qu’il est obligatoire en soi de mettre en pratique.


Qu’est-ce que la philosophie comme doctrine qui est, de toutes les sciences, la plus nécessaire à l’homme ?


C’est celle, comme le nom le fait assez voir, qui a pour objet la recherche de la sagesse. La sagesse est l’accord de la volonté avec la fin dernière (le souverain bien). Et comme cette fin, en tant qu’elle est accessible, est aussi un devoir et réciproquement, en ce sens que si elle est un devoir, elle doit aussi être accessible, est une loi des actions, mais une loi morale, la sagesse pour les hommes n’est autre chose que le principe interne de la volonté de suivre les lois morales, quel qu’en puisse être l’objet, parce qu’une volonté déterminée par un objet empirique peut bien servir de base à une règle techniquement pratique, mais pas à un devoir (qui n’est pas un rapport physique).


Des objets sursensibles de notre connaissance.


Ce sont Dieu, la liberté et l’Immortalité. — 1 ° Dieu comme être qui oblige tous les autres ; 2° la Liberté comme faculté que possède l’homme d’assurer l’accomplissement de ses devoirs (comme précepte divins) contre toute puissance de la nature ; 3° L’immortalité, comme état où le bonheur ou le malheur de l’homme doit être en rapport avec son mérite moral. — On voit que ces trois choses forment en elles comme l’enchaînement des trois propositions d’un raisonnement attributif ; et comme aucune réalité objective ne peut leur être théoriquement accordée, parce qu’elles sont des idées du suprasensible, on ne leur en conçoit une possible, si elles en sont susceptibles d’ailleurs, qu’au point de vue pratique, comme postulats de la raison moralement pratique (1)[4].

Parmi ces idées, la moyenne, celle de liberté, dont l’existence est contenue dans l’impératif catégorique, qui ne permet aucun doute, est accompagnée des deux autres. L’impératif supposant le principe suprême de la sagesse, par conséquent aussi la fin dernière de la volonté parfaite (la suprême félicité d’accord avec la moralité), contient seulement la condition sans laquelle seule cette fin peut être atteinte. En effet l’être qui peut seul opérer cette équitable rétribution est Dieu ; et l’état dans lequel seul cette justice peut être rendue à des êtres raisonnables faisant partie de ce monde d’une manière parfaitement d’accord avec cette fin dernière, est celui d’une durée de vie déjà fondée dans la nature même, c’est-à-dire l’immortalité. Car si la durée ultérieure de la vie n’avait pas là sa raison d’être, elle n’indiquerait qu’une espérance d’une vie à venir, mais pas une vie future nécessaire à supposer par la raison (en conséquence de l’impératif moral).


Résultat.


C’est donc un simple malentendu, ou une confusion des principes moralement pratiques de la moralité avec les principes théoriques sans lesquels seuls les premiers peuvent être donnés par rapport à la connaissance du sursensible, s’il y a encore débat sur ce qu’enseigne la philosophie comme science de la sagesse ; et l’on peut annoncer avec fondement de cette science, parce qu’on ne peut et qu’on ne pourrait plus rien lui opposer de sérieux, La prochaine conclusion d’un traité de paix perpétuelle en philosophie.


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SECTION DEUXIÈME.


Espoir douteux d’une prochaine paix perpétuelle en philosophie.


M. Schlosser, écrivain de beaucoup de talent, et (comme on peut le croire) très-disposé à procurer le bien, pour se distraire de la manutention réglementaire et forcée des lois par des loisirs cependant occupés, a fait une descente inattendue dans l’arène de la métaphysique, où il a trouvé plus de querelles envenimées que dans la spécialité qu’il venait de quitter. — La philosophie critique, qu’il croit connaître, quoiqu’il n’en ait vu que les plus récents résultats, et qu’il doit nécessairement avoir mal compris, parce qu’il n’a pas suivi avec assez d’attention la voie qui doit y conduire, l’a excité et en a fait le maître « d’un jeune homme critique, » sans que lui-même l’eût d’abord apprise pour le dissuader de le faire.

Il se propose seulement de réfuter autant que possible la critique de la raison pure. Son conseil ressemble à l’assurance de ces bons amis, qui promettaient aux brebis que si elles voulaient seulement renvoyer les chiens, ils vivraient avec elles, comme des frères, dans une paix perpétuelle. — Si le disciple écoute ce conseil il devient un jouet entre les mains du maître, qui « fortifie son goût (comme dit celui-ci) par les écrivains de l’antiquité (dans l’art de persuader par des raisons subjectives d’assentiment, au lieu de la méthode de conviction par des raisons objectives. Alors il est sûr que l’élève se laissera donner la vraisemblance (verisimilitudo) pour la probabilité (probabilitas), et la probabilité dans les jugements qui ne peuvent absolument procéder de la raison qu’à priori, pour la certitude. « Le langage inculte, barbare, de la philosophie critique » ne lui plaira pas, quand toutefois la manière de parler du bel esprit, transportée dans la philosophie, doit bien plutôt passer pour barbare. Il gémit en voyant que « c’en est fait des pressentiments, des échappées sur l’intelligible, de tout génie poétique, dont les ailes doivent être coupées » (si la philosophie prévaut).

La philosophie, dans la partie qui a pour objet la théorie du savoir (dans la théorique), et qui, tout en ayant pour but principal de mettre un frein aux prétentions de la connaissance théorique, ne peut cependant pas être passée sous silence, se voit également obligée, dans la partie pratique, de revenir à une métaphysique (des mœurs), comme à un ensemble de principes purement formels de la notion de liberté, avant qu’il soit question de la fin des actions (de la matière du vouloir). Notre philosophe anticritique ne tient aucun compte de cette marche graduée, ou plutôt il la connaît si mal qu’il entend tout de travers le principe qui peut servir de critérium à tout droit : Agis suivant une maxime telle que tu puisses vouloir en même temps qu’elle devienne une lot universelle ; il lui donne une signification qui le restreint à des conditions empiriques, et le rend impropre à servir de canon à la raison moralement pratique pure (comme il faut bien cependant qu’il y en ait une). Il se jette ainsi dans un tout autre champ que celui qui lui est indiqué par ce canon ; de là les conséquences absurdes qu’il tire.

Mais il est évident qu’il ne s’agit pas ici d’un principe de l’usage des moyens propres à une certaine fin (car alors ce principe serait pragmatique, et non moral) ; qu’il ne s’agit pas de savoir si la maxime de ma volonté, devenue loi universelle, ne répugne pas à la maxime du vouloir d’un autre, mais bien de savoir reconnaître par la simple notion à priori, d’après le principe de contradiction, sans aucun rapport expérimental, par exemple : « Si la communauté de biens ou la propriété est compatible avec ma maxime, » contradiction qui est un signe infaillible de l’impossibilité de l’action. — Une pure ignorance, peut-être aussi un peu de mauvais penchant à la chicane, pouvait donner lieu à cette attaque, laquelle cependant ne peut porter atteinte à l’annonce d’une paix éternelle en philosophie. Car un traité de paix qui porte que : si seulement les parties se comprennent réciproquement, le traité est immédiatement conclu (sans capitulation), peut aussi être annoncé comme conclu, du moins comme tout près de l’être.


Tout en représentant la philosophie simplement comme science de la sagesse (ce qui est effectivement la signification propre du mot), elle doit cependant être aussi regardée comme science du savoir, en tant que cette connaissance (théorique) comprend les notions élémentaires employées par la raison pure, en supposant que la chose ait lieu pour faire connaître à la raison ses bornes. Il peut donc à peine être question de philosophie entendue dans le premier sens, à savoir : si l’on doit confesser librement et ouvertement ce qu’on sait réellement et d’où on le sait en fait de son objet (le sensible et le sursensible), ou si on le suppose seulement au point de vue pratique (parce que cette supposition est nécessaire à la fin dernière de la raison) ?

Il peut arriver que tout ce qu’un homme regarde comme vrai ne le soit pas (car il peut se tromper) ; mais il doit être véridique dans tout ce qu’il dit (il ne doit pas tromper), que sa parole soit purement intérieure (devant Dieu), ou qu’elle soit aussi extérieure. — La transgression de ce devoir de véracité est le mensonge. Il peut donc y avoir un mensonge intérieur aussi bien qu’un mensonge extérieur ; et tous les deux peuvent être réunis, ou bien encore se contredire.

Un mensonge, interne ou externe, est de deux sortes ; suivant 1° que l’on donne comme vrai ce qu’on sait ne l’être pas, 2° que l’on donne pour certain ce qu’on sait être subjectivement incertain.

Le mensonge ( « du père des mensonges, par lequel tout mal est entré dans le monde » ) est proprement la point corrompu dans la nature humaine ; le ton de la véracité (à l’exemple de certains marchands chinois, qui mettent en lettres d’or sur leurs enseignes : « Ici on ne trompe pas » ), principalement en ce qui regarde le sursensible, est le ton ordinaire. — Le précepte : Tu ne dois pas mentir (dans l’intention même la plus pieuse), pris intérieurement pour principe dans la philosophie, comme science de la sagesse, n’aurait pas l’avantage seulement d’y établir une paix perpétuelle, mais aussi d'en assurer à jamais l'avenir.




FIN.
  1. (l). Cicer. de Natura Deor. ii, 160.
  2. (I) Il est plus facile en latin qu’en grec d’éviter l’équivoque dans les expressions souffrance (malum) et péché (pravum). — Par rapport au bien-être et à la souffrance (la douleur), l’homme (comme tous les êtres sensibles) est soumis à la loi de la nature et purement passif ; par rapport au péché (et au bien moral), il est soumis à la loi de la liberté. La première contient ce que l’homme souffre ; la seconde, ce qu’il fait librement Par rapport au destin la distinction entre le droit et le gauche (fato vel dextro, vel sinistro) est une simple différence dans le rapport extérieur de l’homme. Mais quant à la liberté et an rapport de la loi à ses inclinations, c’est une distinction dans l’intérieur de lui-même. — Dans le premier cas le droit est opposé à l’oblique (rectum obliquo) ; dans le second, le droit est opposé au courbe, au rabougri, au tordu {rectum pravo s. varo, obtorto).
    Si les Latins ont assigné à l’événement malheureux le côté gauche, c’est peut-être parce qu’on est moins habile à repousser une attaque avec la main gauche qu’avec la droite. Mais si, dans les présages, quand l’augure avait tourné ses regards vers ce qu’on appelait le temple (le midi), il regardait comme favorable l’éclair de gauche, c’est peut-être par la raison que le Jupiter Tonnant, qui était imaginé regardant l’augure, tenait la foudre de la main droite.
  3. (1) Si la guerre pouvait être évitée,
    Et la sagesse être écoutée,
    Tous les hommes vivraient en paix.
    Quant aux philosophes, jamais. Kakstner.
  4. (1) Un postulat est un impératif pratique, donné à priori, dont la possibilité n’est susceptible d’aucune explication (par conséquent d’aucune preuve). On ne postule donc pas des choses, ou en général l’existence de quelque objet, mais seulement une maxime (règle) de l’action d’un sujet. — Si donc il y a devoir d’agir pour une certaine fin (le souverain bien), je dois aussi pouvoir admettre qu’il y a des conditions sous lesquelles seules l’accomplissement d’un devoir est possible, quoique ces conditions soient sursensibles, et que nous ne puissions en avoir (théoriquement) aucune connaissance.