Anthologie des matinées poétiques/Stéphane Mallarmé

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Texte établi par Louis Payen (tome 1p. 23).

STÉPHANE MALLARMÉ[1]



Il y a dans certaines églises des chapelles mystérieuses et secrètes, si sombres qu’au premier moment on n’y distingue presque rien : des formes d’objet estompées dans le vague, un reflet d’or, une blancheur qui fuit, un éclat de vitrail, un rais de lumière qui filtre comme à regret d’on ne sait quelle profondeur. Il faut que l’œil et l’esprit s’habituent peu à peu, précisent le contour des objets, comprennent pourquoi ils sont à la place qu’ils occupent et arrivent à pénétrer l’harmonie de l’ensemble pour en goûter enfin toute la beauté.

La poésie de Stéphane Mallarmé est dans le vaste édifice poétique une de ces chapelles volontairement assombries d’où se détourne le passant rapide, mais où le fidèle s’attarde pour en ressortir avec un visage émerveillé. Celui qui fut le premier prince des poètes et le chef de l’école symboliste vécut de 1842 à 1898.

Il fut pendant vingt ans professeur d’anglais et, causeur délicieux, réunit autour de lui chaque mardi dans son appartement de la rue de Rome des disciples et des admirateurs éblouis. La poésie de Mallarmé se dérobe aux yeux du vulgaire, il l’enveloppe de nombreux voiles qui ne laissent paraître d’elle que l’essentiel, il use des mots selon des rapports inconnus et accessibles aux seuls initiés. Il fut, selon l’expression de Catulle Mendès, un auteur difficile, mais on est toujours richement récompensé de l’effort qu’il vous demande pour être compris.

Louis PAYEN. 
  1. L’héritier du poète nous a refusé l’autorisation de reproduire ses œuvres. L. P.