Anthologie des poètes français du XIXème siècle/Charles Reynaud
e poète Dauphinois est plus connu dans l’histoire de la littérature contemporaine pour avoir soutenu de toutes les forces de son cœur, de son esprit et de sa fortune Ponsard et sa Lucrèce, que pour avoir publié deux volumes de poésies. Ses vers rustiques, tels que la Ferme à midi, ont de la franchise, et M. de Pontmartin nous apprend qu’il y a dans l’œuvre de ce poète paresseux « de gracieux caprices d’antiquaire et d’artiste. » Ponsard, après la mort de Charles Reynaud, lui rendit un plein hommage.
« C’est par lui que j’étais, si j’étais quelque chose ;
« Mon frêle monument sur l’amitié repose. »
oi qui t’épanouis sans faste
Dans l’épi barbelé,
Ô fleur laborieuse et chaste,
Petite fleur du blé,
Ce n’est pas pour toi qu’est la gloire
D’embaumer les cheveux
Et de parer le sein d’ivoire
Des belles aux doux yeux.
Tu n’iras pas, fleur bien aimée,
Paysanne sans art,
Dans une chambre parfumée
Mendier un regard ;
Les coupes de marbre et d’agate
Sont pour les bluets bleus,
Et pour le pavot écarlate,
Tes voisins paresseux.
Moins orgueilleuse que la rose,
Au pauvre tu souris,
Car de sa sueur il arrose
Le sol où tu fleuris.
C’est lui qui te tresse en guirlande
Avec sa rude main,
Et va te porter en offrande
À la croix du chemin.
Si tu n’es ni rose ni belle,
Tu croîs en liberté,
Et c’est de ta manne éternelle
Que vit l’humanité.
Tu fleuris dans la plaine blonde
Lorsque Juin est en feu,
Achevant ton œuvre féconde
Sous le regard de Dieu.
Dans ta corolle s’élabore
Le suc puissant du grain ;
Le soleil l’achève et le dore :
Nous en ferons du pain !
Ô fleur laborieuse et chaste,
Salut, ô fleur du blé,
Toi qui t’épanouis sans faste
Dans l’épi barbelé !