Anthologie des poètes français du XIXème siècle/Philoxène Boyer

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Anthologie des poètes français du XIXème siècle, Texte établi par (Alphonse Lemerre), Alphonse Lemerre, éditeur** 1818 à 1841 (p. 231-233).




PHILOXÈNE BOYER


1830-1868




Vers 1855, quittant Grenoble où il avait achevé des études à la Ronsard sous la direction d’un père, Inspecteur de l’Université, Philoxène Boyer venait à Paris débuter sous l’illustre patronage de Victor Hugo. Reprenant en quelque sorte l’office de l’aimable Méry, il multiplia les strophes de circonstance, vers d’anniversaires, dédicaces, cantates, etc. Il porta à la perfection ce que l’on pourrait appeler l’improvisation savante, tant il y a d’étalage d’érudition dans ces œuvres nées d’un jet facile.

Les pages lyriques ont été recueillies quelques mois avant sa mort, sous ce titre : Les deux Saisons. . Le volume a trahi quelque peu l’espoir des lettrés. Il y a plus d’esprit et de science que de sentiment et d’inspiration dans ces poèmes qui ne sont souvent que de longs madrigaux. Quelques pièces néanmoins sont très spirituelles, et deux ou trois éloquentes et d’une intonation qui s’impose.

Emmanuel des Essarts.


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LA MARQUISE AURORE


VILLANELLE





Près de Marie-Antoinette,
Dans le petit Trianon,
Fûtes-vous pas bergerette ?


Vous a-t-on conté fleurette
Aux bords du nouveau Lignon,
Près de Marie-Antoinette ?

Des fleurs sur votre houlette,
Un surnom sur votre nom,
Fûtes-vous pas bergerette ?

Étiez-vous noble soubrette,
Comme Iris avec Junon,
Près de Marie-Antoinette ?

Pour déniaiser Ninette,
Pour idylliser Ninon,
Fûtes-vous pas bergerette ?

Au pauvre comme au poète,
Avez-vous jamais dit : Non,
Près de Marie-Antoinette ?

Ô marquise sans aigrette,
Sans diamants, sans linon,
Fûtes-vous pas bergerette ?

Ah ! votre simple cornette
Aurait converti Zénon !
Près de Marie-Antoinette,
Fûtes-vous pas bergerette ?




AU JARDIN




J’ai mis mon cœur sous une rose :
En cherchant, vous l’y trouverez
Avec ses souvenirs dorés,
Ses regrets, son ennui morose.

Demain, la corolle déclose,
Lorsque vous la regarderez,
N’aura plus ces tons enivrés
Qu’un rayon de soleil compose.

Pourtant, du bouquet qui mourra
Vers vous un parfum montera,
Plein de sensations cachées.

Et c’est mon cœur fidèle et doux,
Enfant, qui survivra pour vous
Dans cette odeur des fleurs séchées.