Anthologie féminine/Mme Félicie d’Ayzac

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Anthologie féminineBureau des causeries familières (p. 287-289).

Mme  FÉLICIE D’AYZAC

(1801)


Elle professa trente-cinq ans à la Maison de Saint-Denis, et publia en 1847 un volume de poésie : Soupirs, qui fut couronné par l’Académie française. Comme toutes les femmes poètes, elle donne surtout dans le ton romantique. Elle a écrit aussi une Histoire de l’Abbaye de Saint-Denis en France, 2 tomes, 1861, couronnée par l’Académie des inscriptions et belles-lettres.

Les vers de l’érudite historiographe de la Maison de Saint-Denis étaient en grande faveur de 1830 à 1850 ; on les trouve dans tous les recueils. Dans les Ruines de Palmyre, il y a une certaine grandeur de description que l’on retrouve dans Retour des Alpes, dont suivent des fragments.


LES RUINES DE PALMYRE

Le soleil se couchait aux rives de Ségor :
Un sillon éclatant de feu, de pourpre et d’or,
Marquait encore sa trace aux monts de la Syrie.
Les chameaux à pas lents traversaient la prairie,
Et déjà, se levant dans le ciel le plus pur,
La lune paraissait sur son trône d’azur.
La nuit, sur le désert jetant ses sombres voiles,
Précipita bientôt son char semé d’étoiles,

Et je n’entendis plus, dans les airs apaisés,
Que l’oiseau soupirant sous les dômes brisés.

Sur les combles vieillis je m’assis en silence,
Aux lieux même où Tadmor siégeait dans l’opulence,
Où la pourpre d’Ophir décorait ses remparts.
Je ne vis plus au loin que des débris épars.
Ce lieu, cet abandon, ce site poétique.
Le lierre élancé sur la colonne antique,
Près des leçons du temps, les leçons de l’orgueil.
L’aspect d’une cité changée en un cercueil.
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De tant de majesté voilà donc ce qui reste !
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Tadmor a disparu dans la nuit éternelle.
Les flots des nations se sont poussés sur elle.
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Ainsi donc des humains les ouvrages périssent,
Ainsi dans le néant les siècles s’engloutissent,
Ainsi dans le néant tombent précipités
Et le faste du trône et l’orgueil des cites.


RETOUR DES ALPES

Silencieux vallon, humble pont de verdure.
Sentier mystérieux fuyant parmi les bois.
Ruisseau qui, sous ces rocs, cache sa source pure,
Après vingt ans d’exil enfin je vous revois !
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Le temps a tout détruit ! Le rêveur solitaire

N’entend plus au vallon que la brise légère
Par son souffle embaumé faisant courber les fleurs ;
Que l’avalanche au loin roulant dans les abîmes,
Le chamois fugitif errant de cime en cime,
Ou l’hôte des forêts soupirant ses douleurs.
Retrouverai-je encore sur ce rocher sauvage
Le chalet défiant et les flots et l’orage ?
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Mais non, tout a changé ; cependant, sur la terre,
Errant, proscrit, courbé par la vieillesse austère,
Du sort qui me proscrit épuisant la rigueur.
  Le souvenir de ma chaumière,
Celui de mes beaux jours fait battre encor mon cœur.
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LE NID

Arbres hospitaliers, prêtez-leur vos ombrages.
Sur eux avec amour penchez vos bras amis ;
Non, par moi vos secrets ne seront pas trahis,
Et, seule chaque jour, rêvant dans ces bocages,
Je viendrai visiter sous vos légers feuillages
L’asile où j’ai compté quatre faibles petits.
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