Antoine Bruckner/02

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Antoine Bruckner
Le Ménestrelno 43 (p. 8).

NÉCROLOGIE

Antoine Bruckner, le célèbre compositeur viennois dont nous avons annoncé la mort, a eu à ses obsèques des honneurs extraordinaires. À Vienne le bourgmestre lui a consacré un panégyrique en pleine séance du conseil municipal, et le conseil a voté les frais de l’enterrement. Le Conservatoire a fait flotter, en signe de deuil, un drapeau noir au sommet du monument. La maison mortuaire, au palais impérial du Belvédère, avait été décorée, par ordre de l’empereur, de fleurs et de plantes provenant des serres impériales : la société Richard Wagner, les orphéons Wiener Maennergesang-Verein et Schubertbund, l’orchestre philharmonique, les étudiants de l’Université de Vienne et plusieurs sociétés musicales de province avaient fait déposer des couronnes par des députations. Le corbillard, tout couvert de fleurs et de couronnes et attelé de six chevaux noirs, transporta le corps à l’église Saint-Charles-Borromée, accompagné par la famille des représentants du gouvernement, de l’Université, du Conservatoire, du conseil municipal, de la surintendance générale des théâtres impériaux, de l’Opéra-Impérial, des sociétés musicales, de tous les théâtres viennois, ainsi que par les plus notables compositeurs et musiciens de la capitale autrichienne. Les sociétés chorales ont chanté dans l’église un Libera et le beau chœur de Schubert : Dors en paix ; Hans Richter a fait finalement exécuter par des artistes de l’orchestre philharmonique la musique funèbre intercalée dans l’adagio de la septième symphonie de Bruckner, qui produisit dans la vaste église un effet grandiose. Après le service à l’église Saint-Charles, l’enterrement a eu lieu à l’église abbatiale de Saint-Florian (Haute-Autriche), où de grands honneurs ont été rendus à l’ancien organiste de cette église par l’abbé et les religieux, ainsi que par tout le clergé du diocèse. Plus de cinquante curés de la Haute-Autriche assistaient à la solennité. Le corps de Bruckner, qui a été conservé par les soins d’un de ses amis, repose dans un splendide cercueil en cuivre qui restera exposé, selon les dernières volontés du défunt, sous l’orgue de l’église abbatiale. Promesse en avait été faite à l’artiste de son vivant. Les parutions autographes de ses œuvres principales, de ses neuf symphonies, de ses trois grandes messes, de son fameux quintette, du Te Deum, du psaume 156 et du chœur Heligoland sont léguées à la bibliothèque impériale de Vienne. C’est ainsi que Bruckner a royalement payé l’hospitalité que l’empereur accorda à l’artiste pendant les dernières années de sa vie.