Appel du Comité d’Olten

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Collectif
La Nationnuméro 77 (extrait) (p. 2-4).


EN SUISSE



La grève générale


Proclamation de la grève générale par le Comité d’Olten

 À la classe ouvrière !

 Au peuple laborieux de la Suisse !

La classe ouvrière de presque toutes les grandes villes de la Suisse a protesté avec une force inattendue et une rare unanimité par une grève de 24 heures contre la mobilisation provocatrice du Conseil fédéral. Le Comité d’action d’Olten, représentant légitime des organisations ouvrières suisses a, en corrélation avec cette grève de protestation, qui a eu un cours aussi brillant, demandé le retrait immédiat des troupes.

Cette revendication a été refusée par le Conseil fédéral. À une époque où la pensée de la démocratie et de la liberté triomphe à l’étranger, au moment historique où les États jusqu’ici monarchistes vacillent, où les couronnes roulent dans la poussière, au moment solennel où les peuples de l’Europe se réveillent d’une nuit d’horreur et de terreur et veulent prendre eux-mêmes leurs destinées en mains, le Conseil fédéral de la « plus vieille démocratie de l’Europe » s’empresse d’étrangler le peu de liberté dont jouit encore le pays, de proclamer l’état de siège et de dominer le peuple au moyen des baïonnettes et des mitrailleuses.

Un tel gouvernement prouve qu’il est incapable de suffire à cette période historique et à ses besoins. Sous le prétexte de maintenir la tranquillité et l’ordre, de sauvegarder la sécurité intérieure et extérieure du pays, il met délibérément en jeu la tranquillité et l’ordre, la sécurité intérieure et extérieure de ce même pays. Avec une arrogance à laquelle il n’a aucun droit, il se donne comme un gouvernement de la démocratie et du peuple. En vérité, la démocratie et le peuple ont retiré leur confiance aux dirigeants actuels du pays.

Ces autorités ont perdu tout droit de parler au nom du peuple et de la démocratie par lesquels elles ont été désavouées. Elles ont perdu le droit de fixer la destinée d’un peuple qui refuse son assentiment à sa politique. Le moment est venu où le peuple laborieux doit prendre une influence décisive sur le développement ultérieur de la vie de l’État.

Nous demandons la réforme immédiate du gouvernement actuel du pays, conformément à la volonté présente du peuple. Nous demandons que le nouveau gouvernement s’engage à réaliser le programme minimum suivant :

1. Renouvellement immédiat du Conseil national d’après la proportionnelle.

2. Droit de vote et d’éligibilité de la femme.

3. Introduction du droit au travail pour tous.

4. Introduction de la semaine de 48 heures dans toutes les entreprises publiques et privées.

5. Organisation d’une armée essentiellement populaire.

6. D’accord avec les producteurs agraires, assurer le ravitaillement.

7. Assurance vieillesse et invalidité.

8. Monopole de l’État pour l’importation et l’exportation.

9. Payement des dettes publiques par les possédants.

Il est inutile de motiver ce programme plus amplement. C’est le minimum de ce que le peuple laborieux a le droit de réclamer.

L’expérience a démontré que l’on ne peut obtenir aucune concession efficace des autorités par la voie des négociations ; elles n’ont de la compréhension que pour les intérêts des possédants, elles ménagent les accapareurs et les spéculateurs et refusent leur protection au peuple travailleur. Il faut que le peuple s’aide lui-même s’il ne veut pas à l’avenir être livré sans défense aux riches et aux puissants.

C’est pour cette raison que les directions des organisations soussignées ont décidé à l’unanimité, et après mûre réflexion sur la situation intérieure et extérieure, de proclamer la grève générale dans tout le pays.

La grève commencera lundi, 11 novembre 1918, à minuit. Elle doit comprendre les ouvriers et les ouvrières de toutes entreprises publiques et privées. Après que le Conseil fédéral a répondu à la grève limitée du 9 novembre par de nouvelles provocations, la grève générale nationale doit être continuée jusqu’à ce que nos revendications soient acceptées. Elle devra se terminer sur l’ordre des directions des organisations soussignées.

 Ouvriers !

Nous comptons sur vous. Nous attendons que vous souteniez énergiquement et sans défaillance notre lutte qui doit conduire le peuple laborieux à un avenir meilleur. Vous avez été dupés trop longtemps déjà par la classe régnante et vous avez dû vous contenter des miettes que celle-ci voulait bien vous concéder. Votre patience doit prendre fin, vous devez lutter pour vos intérêts avec fermeté et ne craindre aucun sacrifice s’il ne reste plus d’autres moyens pour aboutir.

 Soldats !

C’est à vous que les possédants feront appel pour sauvegarder le régime par la puissance des armes. On exigera que vous tiriez sur vos propres concitoyens, sans honte on vous condamnera à assassiner votre femme et vos enfants. Nous sommes persuadés que vous refuserez de vous soumettre à ces ordres. Vous ne voudrez pas être les bourreaux de vos proches et de vos concitoyens. Pour éviter tout conflit sanglant, nous vous invitons à instituer dans toutes les unités mobilisées des Conseils de soldats qui prendront leurs mesures d’accord avec les organisations ouvrières.

 Cheminots ! Employés de l’État !

On exigera que vous soyez les briseurs de grève. On vous soumettra à la mobilisation forcée. Refusez de porter ainsi préjudice à vos propres intérêts. Répondez à la mobilisation en refusant de trahir le peuple. Par votre fermeté vous abrégerez la lutte, c’est de votre attitude que dépend le dénouement de la grève générale nationale.

Nous invitons les organisations ouvrières à prendre toutes les mesures pour que la grève soit exécutée d’une façon digne et sérieuse. Nous attendons des typographes qu’ils refusent de faire paraître les journaux bourgeois, qu’ils refusent d’imprimer des nouvelles qui soient dirigées contre notre mouvement populaire.

Afin d’assurer le ravitaillement, les organisations ouvrières locales devront créer, avec l’aide des autorités, des cuisines populaires pour nourrir les masses de grévistes. Nous ne voulons pas de réquisitions, mais l’achat en commun des denrées par les communes et les organisations. Aidez-vous les uns les autres, que personne ne refuse sa collaboration.

Toute consommation d’alcool doit être évitée pendant la durée de la grève.

L’ouverture des cafés et restaurants ne doit avoir lieu que selon les instructions des organisations locales. Celui qui ne tient pas compte de leurs décisions porte préjudice à sa propre cause.

Camarades, en avant, avec résolution et énergie ! Nous vouons opposer à l’anarchie, aux fauteurs de troubles et aux actions particulières néfastes l’action organisée en masse. C’est sous son emblème que nous voulons triompher, ou succomber en luttant.

Vive la solidarité !

Vive les temps nouveaux !

Berne, le 11 novembre 1918.

Membres : Düby, Dürr. Graber, Hugler, Ilg, Kaufmann, Schneider, Schürch, Dr Woker.


Le Comité directeur du parti socialiste suisse :

Membres : Rosa Bloch, Fahndrich, Greulich, Gschwend, Klëti, Nobs, Pflüger, Platten, Reithaar, Agnès Robmann.


Le Comité directeur de l’Union syndicale suisse :

Membres : Dürr, Eugster, Greutert, Leuenberger, Rieder, Ryser, Schifferatein, Schneéberger.


La fraction socialiste au Conseil national :

Membres : Dr Affolter, Brand, Duby, Eugster, Züst, Frei, Graber, Greulich, Grimm, Grospierre, Hüggler, Ilg, Millier, Naine, Platten, Rimathé, Ryser, Schmid, Schneeberger, Dr Studer.