Arc-en-ciel (Maurice Vaucaire)/41

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Alphonse Lemerre, éditeur (p. 83-84).

CRÉPUSCULE


À M. Sully Prudhomme.


Un ciel immense, bas et noir violacé ;
L’air chargé de tiédeurs capiteuses de serre.
Par les chemins ombreux des groupes ont passé,
Chantant, laissant traîner leurs pieds dans la poussière.

Les prés sont estompés, vagues ; confusément
Les éclairs de chaleur distraient le soir tranquille ;
Des carrioles, des phaétons, lentement
Quittent le paysage et rentrent à la ville.


Les gens prennent partout des herbes et des fleurs
Sans en analyser les parfums et couleurs,
Des bouquets pour la vente ou bien pour leurs maîtresses.

La brise est sourde et dense, elle leur souffle au front
Des baisers étouffés, des sournoises caresses
Sachant bien quels pensers fous en résulteront.