Arc-en-ciel (Maurice Vaucaire)/46

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Alphonse Lemerre, éditeur (p. 93-94).

THÉÂTRE


À Léon Cladel.


La peau poudrerisée et les yeux agrandis,
Les danseuses glissaient sveltes comme des fées ;
Et les bourgeois naïfs étaient tout étourdis
De voir ces maillots, ces têtes ébouriffées.
Les décors fraîchement peints, les costumes blancs,
Outre-mer et dorés, gris, noirs et rutilants,
Et le luxe inouï de ce théâtre immense
S’attaquaient à nos nerfs fébriles, en démence.
La peau poudrerisée et les yeux agrandis.
Ils tournoyaient ces vrais êtres de paradis

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Le plafond déroulait sa large apothéose
Orientale avec de riches nudités
Que mettait en relief un ciel uniment rose.
Le lustre les fardait de ses vives clartés,
Et les sons incisifs allaient vibrer sur elles.
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— Le mouvement gagna ces chairs surnaturelles, —
Maintenant le public ahuri somnolait,
Impressionné par l’éblouissant ballet,
Le front en l’air béat, il rêvassait à cause
Du plafond déroulant sa large apothéose.