Architecture rurale, second cahier, 1791/Aux peuples de tous les pays

La bibliothèque libre.

AUX PEUPLES

DE

TOUS LES PAYS.






L’art de l’incombuſtibilité que je préſente eſt plus étendu qu’on ne le penſe ; il comprend non-ſeulement le piſé & pluſieurs autres procédés économiques, ſoit dans la ſcience des bâtimens, ſoit dans celle de l’agriculture, mais encore une nouvelle manière de tirer parti des biens de la campagne & de ſpéculer ſur ces immeubles.

Ce nouvel art eſt utile à toutes les nations pour leur éviter les pertes & les dépenſes énormes qu’elles eſſuient journellement par le déſaſtre des incendies ; il l’eſt à toutes les familles pour leur conſerver la vie, leurs meubles & immeubles, effets, récoltes & proviſions qu’elles perdent par ce fléau deſtructeur ; il l’eſt aux gouvernemens pour donner la facilité aux agriculteurs de ſe procurer les bâtimens dont ils ſe privent, & leur faciliter par là les moyens de pouvoir payer leurs impoſitions. Cet art eſt auſſi utile aux fabricans pour faire conſtruire leurs manufactures & les garantir du danger du feu ; il l’eſt aux ſpéculateurs des défrichemens, parce que les bâtimens ruineux ne les feront plus échouer dans leurs entrepriſes ; il l’eſt aux propriétaires, fermiers & locataires, pour exercer avec ſécurité leur art & métier dans des maiſons faites à l’abri des incendies, qui les déchargeront, d’ailleurs, de beaucoup de réparations : cet art eſt encore utile aux architectes & artiſtes de tous les genres, parce qu’il ouvrira une carrière immenſe de nouveaux ſujets pour la commodité, les embelliſſemens & l’utilité des logemens & des jardins ; il l’eſt aux entrepreneurs, par la raiſon que tout le monde voudra leur faire bâtir des maiſons qui ne ſeront plus ſujettes aux flammes, & leur faire conſtruire de petites comme de grandes clôtures pour les prés, terres, vignes & autres biens-fonds, lorſqu’il en coûtera peu ; il l’eſt aux ouvriers, parce que les propriétaires ne ſe ruinant plus en bâtiſſant, au contraire pouvant ſe mieux loger & établir leurs enfans à bon marché, au-lieu d’une maiſon leur en feront faire trois : cet art eſt ſur-tout utile aux pauvres journaliers, qui pourront enfin, par ſon économie, obtenir une habitation ou propriété ; il l’eſt aux artiſans de tous les métiers pour y exercer commodément & chaudement leurs profeſſions ; finalement cet art flattera les capitaliſtes, parce qu’ils trouveront en lui la voie de faire un bon commerce ſur les biens de la campagne ; commerce sûr & pour le moins auſſi lucratif que les autres commerces où l’on court des riſques : c’eſt ce que ce traité leur démontrera très-clairement.

J’avois dis que cet ouvrage ne ſe complétera jamais ſans le concours unanime des patriotes, j’avois invité les corps adminiſtratifs à y ſouſcrire ; mais on n’a fait cas que du piſé, ſans ſonger que ce traité devoit être général & ſervir également la cabane du pauvre comme les riches, qui peuvent le faire travailler ; j’invite de nouveau les municipalités, diſtricts, corps académiques, clubs & toutes les ames ſenſibles de ſouſcrire à cet ouvrage également utile aux gouvernemens & aux particuliers ; & j’attends tout de leur zèle pour ſoulager l’humanité ſouffrante.