Artaxerce (Delrieu)/Acte I

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Giguet et Michaud (p. 1-21).

ARTAXERCE.

ACTE PREMIER.

Au lever de la toile Artaban rêveur sort de l’appartement du roi, à droite, tandis que Mégabise entre par le fond, à gauche.


Scène première.

(Demi-jour.)
ARTABAN, MÉGABISE.
ARTABAN.

De ce lieu redoutable approche sans effroi.
Le monarque repose, et sa garde est à moi.
Cette enceinte sacrée est propice au mystère :
Que viens-tu m’annoncer ? Que faut-il que j’espère
De l’ardent Hélénus et du peuple inconstant ?

MÉGABISE.

Hélénus est à nous ; le peuple est mécontent :

Sous ses maux abattue et dans le deuil plongée,
Suze, de nos revers brûlant d’être vengée,
N’attend plus que ton fils pour armer sa fureur.

ARTABAN.

Arbace…

MÉGABISE.

Arbace… Est adoré.

ARTABAN.

Arbace… Est adoré. Xercès…

MÉGABISE.

Arbace… Est adoré. Xercès… Est en horreur.
L’Asie, au nom des Grecs, frémit épouvantée ;
On se rappelle encor Salamine et Platée ;
On compare partout la honte du tyran
Aux exploits du héros, digne fils d’Artaban.
Le moment est propice.

ARTABAN.

Le moment est propice. Il suffit, Mégabise.
Écoute, et, sans détour, réponds à ma franchise.
Je connais ta prudence ; avant cet entretien
Tu m’as ouvert ton cœur ; je dois t’ouvrir le mien.

Rappelle-toi le temps où ce peuple indomtable,
Le Parthe, à nous combattre ardent, infatigable,
Instruit de nos revers dans la Grèce essuyés,
Torrent dévastateur, aux Perses effrayés,
Du haut du mont Taurus apportant l’esclavage,
Semait dans nos cités la flamme et le ravage.
Nos Satrapes vaincus faisant un vain effort,
Aux champs de la victoire allaient trouver la mort.
Sur les débris fumants de nos villes désertes,
Le farouche Pharnace insultait à nos pertes ;
Du monarque avili la honte et le malheur
De nos chefs consternés enchaînaient la valeur…
Arbace attaque seul notre ennemi terrible,
Le défait, le repousse ; et, toujours invincible,
Poursuit jusqu’à l’Indus le cours de ses exploits…
Cependant loin de lui que fait le roi des rois ?
D’innombrables soldats quand sa flotte chargée
Prodigue la menace à la Grèce assiégée,
Devant quelques vaisseaux ce fier tyran des mers
Recule, et de sa fuite étonne l’univers. (1

MÉGABISE.

Que seraient devenus son empire et sa gloire,

Si, marchant pour lui seul de victoire en victoire,
Généreux défenseur d’un despote indolent,
Ton fils n’eût affermi le trône chancelant ?
Que dis-je ? Ce grand roi que le sort fit ton maître,
Ici, dans son palais eût-il osé paraître,
Si d’un péril nouveau pour lui seul alarmé,
Fidèle à ton devoir, tu n’eusses désarmé
Le mage ambitieux dont l’insolente audace
De son roi fugitif publiant la disgrâce,
Suscitant contre lui les prêtres, les soldats,
Hautement se vantait d’envahir ses états ? (2

ARTABAN.

C’est alors que le traître, heureux par ma constance,
Charmé de me devoir son trône, sa puissance,
Jura que de mes soins je recevrais le prix,
Et que sa fille enfin s’unirait à mon fils,
Si, se montrant un jour digne d’un tel salaire,
Il rendait du Persan le Parthe tributaire…
Que ne peut un guerrier par l’amour enflammé ?
Épris de la princesse, et sûr d’en être aimé,
Arbace part, combat, et fait rendre les armes
Au Parthe si long-temps objet de nos alarmes.

Tu crois que le monarque, à son libérateur
Réservant aujourd’hui l’accueil le plus flatteur,
Empressé d’adopter l’appui de sa famille,
Va tenir sa parole et lui donner sa fille ?
Eh bien ! dès qu’il apprend que le Parthe est soumis,
L’ingrat ne songe plus à ce qu’il a promis ;
Et soudain rappelant Arbace, il le condamne
À ne plus lui parler de ses droits sur Mandane.
Enfin contre un héros écoutant son courroux,
Des hauts faits de mon fils le despote jaloux
Ordonne qu’Artaxerce, injuste envers Arbace,
Usurpe ses lauriers et triomphe en sa place. (3
Ce n’est pas tout : apprends (tu vas frémir d’horreur)
Ce que peut de Xercès l’implacable fureur.
C’est peu, lorsque mon fils affermit sa puissance,
D’attaquer, de ternir sa gloire qui l’offense ;
Je sais qu’ici, ce soir, il le fait amener
Afin de le bannir, ou pour l’assassiner.
Je le sais !… Verrons-nous tant d’audace impunie ?
Verrons-nous triompher en paix la tyrannie,
Tandis que des travaux et du sang de mon fils,
Et l’exil et la mort seront l’indigne prix ?

MÉGABISE.

Tel est Xercès ! Je suis un exemple moi-même
De l’abus que l’ingrat fait du pouvoir suprême.
De son farouche orgueil dont ici tu te plains,
Apprends ce que je souffre, et vois ce que je crains.
Le jour où se livra la bataille fameuse
Aux Persans si funeste, aux Grecs si glorieuse,
J’osai sur le combat lui donner mes avis.
Il eût été vainqueur s’il les avait suivis :
Trop fier pour écouter un conseil salutaire,
Loin d’adopter mon plan à ses projets contraire,
Il aima mieux marcher vers un péril certain,
Que d’avoir à rougir de changer de dessein ;
Il fuit !… Le Grec vainqueur s’attache à sa poursuite,
L’atteint, va l’immoler ; je protège sa fuite.
Le croirais-tu ? Xercès, confus de mes secours,
Ne me pardonne pas d’avoir sauvé ses jours !… (4
Je le vois au conseil éviter mon approche :
Ma vue est de sa honte un éternel reproche.
L’ingrat me haît : j’en ai d’infaillibles garants ;
Je sais trop ce que peut la haine des tyrans.

J’aurais déjà sur moi vu fondre la tempête,
Si ton bras protecteur n’eût garanti ma tête.
D’un ami tel que toi je n’attendais pas moins :
Mon entier dévoûment est le prix de tes soins.
Fallût-il de Xercès renverser la puissance,
Parle, ordonne, attends tout de ma reconnaissance.
Cependant je l’observe, et s’il m’osait bannir…

ARTABAN.

C’est peu de l’observer, il le faut prévenir.
Le perfide à tous deux fait une même offense ;
Unissons contre lui nos moyens de vengeance :
Avant que par l’exil nous soyons séparés,
Contre lui, Mégabise, armons nos conjurés.
Les miens sont prêts : long-temps j’éprouvai leur courage.
À taire le complot le serment les engage.
Cependant pour le roi mon zèle et mon respect
Croissent depuis qu’Arbace à ses yeux est suspect :
S’il se plaint de mon fils, je prends un ton sévère ;
S’il parle contre lui, j’approuve sa colère ;
Trompé par mon adresse, abusé par mes soins,
Il m’appelle souvent, m’entretient sans témoins.

Seul, je puis à mon gré, sans son ordre, à toute heure,
Parcourir nuit et jour sa secrète demeure,
Tandis qu’inébranlable en mes projets hardis,
Pour les exécuter je n’attends que mon fils.
Mais ne crois point qu’alors je borne ma vengeance
À réclamer pour lui sa faible récompense.
On l’exclut du triomphe, il faut le couronner ;
Il a sauvé l’empire, il doit le gouverner…
Il faut aux grands un chef qui tienne sa parole,
Aux guerriers un modèle, aux mages une idole ;
Non un prince avili, vain fantôme de roi,
Sans force, sans vertu, sans honneur et sans foi ;
Qui, de l’or de son peuple uniquement avide,
N’écoutant au conseil que son cher Cléonide,
Au fond de son palais nous cache un nom flétri,
Et ne sait plus régner que par son favori.

MÉGABISE.

Jaloux de ton crédit ce favori sans doute,
Plus jaloux des lauriers de ton fils qu’il redoute,
Du roi contre un héros éveillant le soupçon,
Aiguise le poignard, apprête le poison.

ARTABAN.

Arbace est un guerrier digne du rang suprême :
À ses brillants destins je m’immole moi-même.
Au trône de Cyrus le chemin que je voi,
Aplani pour mon fils, est escarpé pour moi.
Quand Xercès fut vaincu, témoin de sa disgrâce,
J’aspirai le premier à régner en sa place…
J’armai le bras d’un fils pour m’en faire un appui :
Il n’était point alors tel qu’il est aujourd’hui…

(Avec feu.)

Tu règneras, Arbace !… Oui ; pour toi je conspire !
À détrôner Xercès c’est pour toi que j’aspire.
Les Perses triomphants, heureux à ton aspect,
Pour un faible monarque oubliant leur respect,
Verront avec transport le roi que je leur donne,
Des lauriers du soldat ennoblir sa couronne.

MÉGABISE.

Eh bien ! avec mon bras je t’offre mes amis.
Vengeons-nous de Xercès : l’empire est à ton fils.

L’injustice révolte et rend tout légitime…
Le tyran n’est pour toi qu’une faible victime.
Pour son peuple opprimé qui le craint, qui le hait,
Sa vie est un fléau, sa mort est un bienfait…
Qu’il meure ! à l’immoler l’ingrat nous autorise.

ARTABAN.

À ce zèle Artaban reconnaît Mégabise ;
Mais ce zèle t’égare, et tu ne songes pas
Qu’Artaxerce son fils vengerait son trépas…

MÉGABISE.

Ce prince qui, d’abord nourri dans la mollesse,
À la cour de Xercès vit languir sa jeunesse,
N’est plus comme son père un objet de mépris :
Aimé de ses soldats et chéri de ton fils,
Ce prince est un héros dont l’origine illustre
À l’éclat de sa gloire ajoute un nouveau lustre… (5

ARTABAN, l’interrompant.

N’importe !… il doit périr : il est fils du tyran.

MÉGABISE.

Une telle entreprise est digne d’Artaban…

Sous nos murs vers son père Artaxerce s’avance ;
Je vais…

ARTABAN.

Je vais… Je t’instruirai du temps de la vengeance.
Demeure, ami ; commande à ta haine pour eux ;
Agissons de concert pour les perdre tous deux.
Dans ce vaste projet, c’est en toi que j’espère :
Tu veilles sur le fils, je veille sur le père…
Mais avec tes guerriers sois prudent, sois discret ;
Enflamme leur courroux sans trahir mon secret :
Il faut les bien connaître avant de les instruire ;
Interroge les cœurs avant de les séduire.
Tu pourras de mon fils leur vanter les succès ;
Tu leur rappelleras la fuite de Xercès…
Crains surtout d’éveiller les soupçons et l’envie
Du ministre insolent, fléau de sa patrie,
Qui, favori d’un roi dont il se croit l’appui,
Usurpe son pouvoir et commande sous lui.
De cet ambitieux, trop confiant peut-être,
J’ai dû gagner le cœur, pour captiver son maître.

(Jour.)

Il m’aide à le tromper en lui vantant ma foi ;
Il redoute mon fils, et n’espère qu’en moi…

MÉGABISE.

De gardes entouré vers ces lieux il s’avance !

ARTABAN.

En flattant son orgueil, assurons ma vengeance.


Scène II.

CLÉONIDE, ARTABAN, MÉGABISE, GARDES.
CLÉONIDE, à Artaban.

Quand mon roi satisfait, du haut de ces remparts,
Contemple des vaincus les nombreux étendards,
Aux ordres de son père Artaxerce docile,
Sur son char de triomphe entre seul dans la ville.

MÉGABISE.

Seul, dites-vous ?

CLÉONIDE.

Seul, dites-vous ? Oui, seul ; le roi le veut ainsi.

MÉGABISE.

Arbace va le suivre et triompher aussi !

CLÉONIDE.

Arbace !

ARTABAN, à Mégabise.

Arbace ! On vous a fait un récit peu fidèle ;
Mon fils revient : le roi près de lui le rappelle.
Digne héritier du trône, issu du sang des dieux,
Artaxerce doit seul triompher en ces lieux,
Et je ne pense pas qu’Arbace ait osé croire
Qu’Artaxerce avec lui partagerait sa gloire.
Un guerrier né sujet peut-il être honoré
Comme le fils d’un roi dans l’Asie adoré ?
Entre un prince et mon fils la trop grande distance,
Des honneurs qu’on leur doit marque la différence ;
Et je ne doute point qu’Arbace, de retour,
Renonçant à la fois au triomphe… à l’amour,
Aux vertus de son prince heureux de rendre hommage,
Ne cède à son ami la palme du courage.

CLÉONIDE, à Artaban.

Pour votre souverain j’aime ce zèle ardent.
Arbace, ainsi que vous, se fût montré prudent,

Si d’un père chéri la sévère sagesse
Eût toujours réprimé le feu de sa jeunesse ;
Mais il est loin de vous, et sa témérité…

MÉGABISE.

Douteriez-vous, seigneur, de sa fidélité ?
Ah ! croyez…

CLÉONIDE, à Mégabise.

Ah ! croyez… Mon devoir me prescrit de vous taire
Ce que je viens ici révéler à son père.

ARTABAN.

À moi, seigneur ?

CLÉONIDE.

À moi, seigneur ? À vous, Artaban ; demeurez.

(À Mégabise.)

Laissez-nous.

MÉGABISE, bas à Artaban.

Laissez-nous. Quel orgueil !

ARTABAN, bas à Mégabise qui sort.

Laissez-nous. Quel orgueil ! Arme nos conjurés !


Scène III.

CLÉONIDE, ARTABAN, GARDES.
CLÉONIDE.

L’accueil fait au vainqueur a droit de vous surprendre ;
À le voir triompher vous deviez vous attendre :
Vos services, seigneur, l’éclat de vos vertus,
Aux bienfaits du monarque étaient un droit de plus ;
Mais on a vu par fois l’ambition cruelle
D’un soldat triomphant faire un sujet rebelle.
Votre fils, devenu le plus grand des guerriers,
Peut, par la trahison, flétrir tant de lauriers.
Sans doute à l’accuser mon maître est trop facile ;
Mais, alors qu’il craint tout, peut-il, d’un œil tranquille,
Voir s’avancer vers lui, du fond de ses états,
Ce colosse de gloire adoré des soldats ?
On dit qu’aux champs d’Ormus, où finit sa conquête,
Pour prix de ses exploits, l’armée a sur sa tête
Posé le diadême et l’a proclamé roi.

ARTABAN.

Ce bruit, né de l’envie, est-il digne de foi ?

CLÉONIDE.

Non ; mais de votre fils le compagnon fidèle,
Nicanor, a toujours calomnié mon zèle.
Il me hait, je le sais : ce prince ambitieux,
Indigné de servir où régnaient ses aïeux,
Conspire loin de vous, et nourrit l’espérance
De ressaisir un jour la suprême puissance.
Si tel est son dessein, il peut par ses avis
Vers la rébellion entraîner votre fils.

ARTABAN.

Vous croiriez ?… non… Mon fils à son devoir fidèle,
Pour défendre son prince imitera mon zèle.

CLÉONIDE.

Par vos soins généreux sur son trône affermi,
Xercès voit un soutien où je vois un ami ;
Artaban, écoutez… Un complot lâche, impie
Attaque son pouvoir et menace sa vie.

ARTABAN.

Un complot, dites-vous ?… Les chefs sont-ils connus ?

CLÉONIDE.

On vient d’en arrêter… un…

ARTABAN.

On vient d’en arrêter… un… Son nom ?

CLÉONIDE.

On vient d’en arrêter… un… Son nom ? Hélénus.

ARTABAN.

Hélénus !… quel soupçon ! se peut-il ? lui rebelle !
Hélénus, de mon roi le défenseur fidèle,
Jadis son favori !

CLÉONIDE.

Jadis son favori ! Cet agent corrupteur
Est l’instrument du crime, un autre en est l’auteur.

ARTABAN.

Sans doute du secret il est dépositaire :
Il faut qu’il le révèle.

CLÉONIDE.

Il faut qu’il le révèle. Il s’obstine à le taire.

(Artaban, à part, fait un mouvement de joie.)

Pour lire dans son cœur j’ai fait un vain effort :
Il brave les tourments et demande la mort.

ARTABAN.

Je saurai le contraindre à rompre le silence.

CLÉONIDE.

Le roi veut que le traître, admis en sa présence,
Soit, en conseil secret, interrogé par vous.

ARTABAN.

J’obéis… déguisant notre juste courroux,
À cet ambitieux, trop digne du supplice,
Promettons des bienfaits, s’il nomme un seul complice…
Mais avant tout, seigneur, parlez ; apprenez-moi
D’où naît contre mon fils la haine de mon roi.
Parmi les conjurés peut-il compter Arbace ?

CLÉONIDE.

Non, seigneur ; mais instruit du coup qui le menace,
De l’ingrat Nicanor craignant la trahison,
Il peut sur votre fils étendre le soupçon :
Un vainqueur, à ses yeux, peut être redoutable,
S’il suivait des conseils…

ARTABAN.

S’il suivait des conseils… Il en est incapable.

Mon fils, instruit par moi, connaît trop son devoir
Pour oser de son prince usurper le pouvoir.
Il sait que dans les camps mon nom jadis illustre
De ma fidélité reçut un nouveau lustre ;
Et qu’insensible aux coups dont on veut l’accabler,
Par son obéissance il doit me ressembler.
Arrêtons cependant un complot qui m’étonne.
De l’empire et du roi le salut nous l’ordonne.
Mais ne me privez pas du bonheur de revoir
Un fils, mon seul soutien et mon unique espoir.

CLÉONIDE.

Aujourd’hui devant vous Arbace va paraître.
C’est à vous de juger s’il est fidèle ou traître.
Songez que le monarque à vous seul a commis
Le soin d’interroger le cœur de votre fils.

ARTABAN.

J’obéirai, seigneur ! et d’avance j’espère
Qu’il cèdera sans peine aux conseils de son père.
Je l’attends : vous, seigneur, retournez près du roi ;
Croyez qu’il peut compter sur Arbace et sur moi.

Surtout dites-lui bien qu’il doit à ma prudence
Confier, en ce jour, le soin de sa vengeance ;
Que si pour l’un des deux il faut armer mon bras,
Entre Arbace et Xercès je n’hésiterai pas.

CLÉONIDE.

Je vais dire à mon roi ce que je viens d’entendre.
À de nouveaux bienfaits vous devez vous attendre.
Il sait qu’en tous les temps vous l’avez bien servi.
Par des sujets ingrats quand il se voit trahi,
Que mon maître est heureux de retrouver le zèle
D’un guerrier si vaillant, d’un ami si fidèle !

(Allant pour sortir.)

Je me rends au conseil où le roi vous attend ;
Hélénus y sera.

ARTABAN.

Hélénus y sera. Je vous suis à l’instant.

(Cléonide sort à droite avec ses gardes.)

Scène IV.

ARTABAN, seul.

Hélénus est ardent, mais il n’est point perfide.
S’il a trop écouté la fureur qui le guide,

Son zèle qui le perd ne nous a point trahis.
Il n’a pu dévorer l’affront fait à mon fils !…
Et moi, sujet sans gloire et guerrier sans audace,
Je verrais de sang froid humilier Arbace ?
Non ! monarque superbe et despote insensé !
Tout pouvoir a son terme, et ton règne est passé.
Mon fils impatient de venger son injure,
Justement révolté contre son roi parjure,
Revient ; je vais le voir, partageant mon courroux,
Aujourd’hui conspirer et combattre avec nous !…
Et Nicanor ?… je sais que mécontent lui-même,
Ce prince audacieux aspire au rang suprême.
Je nourris son espoir, pour ne pas redouter
Un soupçon que sur lui je prétends rejeter.
Je veux que sur mon bras fondant son espérance,
Nicanor abusé s’immole à ma vengeance.
Lieutenant de mon fils, il a vaincu sous lui ;
Compagnon de sa gloire, il lui doit son appui ;
Il l’aime : dans mon cœur quel espoir il fait naître !
Vils ennemis ! tremblez ; Arbace va paraître !

(Artaban sort à droite, du côté de l’appartement de Xercès.)
fin du premier acte.