Association de Demi-Vierges Vol.II/I

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I



L’attention de Balbyne, à ce récit de son amie, ne se démentait pas, mais elle trahissait quelque impatience, depuis qu’elle avait prononcé de nouveau le nom de Claire, et Simone s’interrompit, profitant de la fin de cette confession, pour lui dire :

— Voyons, mignonne, il y a donc toujours quelque chose dans ton cœur pour Claire ?

— Je ne sais pas, mais son nom me produit une certaine émotion.

— Tu l’aimais donc bien ?

— Comme Reine t’aimait.

— Tu étais l’adoratrice, alors qu’elle aurait dû t’adorer par sa nature fougueuse et dominatrice : et voilà pourquoi elle ne s’est pas tenue à toi. Je parie que tu ne la connaissais pas moralement.

— Comment ça, moralement ?

— Eh oui, dans ses idées dirigeant ses goûts et ses passions.

— Nous parlions très peu, elle me tendait les cuisses dès que nous nous rencontrions, et je les dévorais de ces ardentes minettes que justement Stéphanie m’avait apprises. En t’entendant dire qu’elle aussi avait eu des rapports avec Claire, je n’ai pas été maîtresse de ma surprise ennuyée et tu t’en es aperçue. Stéphanie ne l’aurait pas dû, après notre brouille, dont elle fut ma confidente.

— Pendant que je me repose, conte-moi l’histoire de ton amour et de ta brouille ; cela te permettra de constater le néant de ces voluptés entre filles, de ces voluptés qui disparaissent devant celles éprouvées entre priekeurs et priekeuses.

— Cela du reste a perdu de son sel depuis que nous ne sommes plus aux Bleuets.

— Vas-y de ton discours, ma petite Balbyne ; parler de ces souvenirs éveille parfois les sens et ceux-ci sont toujours prêts pour les débauches, quelles qu’elles soient.

— Tu le veux, soit, écoute, ma chérie, et ne te moque pas de moi. Aujourd’hui, je suis un priekeuse, mais rien ne me laissait prévoir que je le deviendrais. J’avais assez de sentimentalité au couvent et si, au lieu d’être aux Bleuets, j’avais été élevée dans un couvent plus bourgeois et plus surveillé, je fusse devenue, à la fin de mes classes, une forte idéale amoureuse, bonne à faire une délicieuse épouse, sans dédaigner pour cela les fêtes et les bals. Aux Bleuets, mon caractère se déforma dès le début. J’étais joliette et fine, avec des yeux qui s’ouvraient sur le paradis, comme disait la supérieure, je n’échappai pas aux poursuites des plus avancées et je fus la Benjamine de quatre à cinq grandes qui me repassèrent de l’une à l’autre, s’amusant à me baiser sur mon petit cul, et à solliciter de ma main le service du grattage, sans oser me demander les minettes, à cause des yeux célestes qui les gênaient. Je suivais machinalement les indications qu’on me donnait, sans y prendre un plaisir bien vif, lorsque sœur Marie, comme je venais de faire ma première communion, me prit en amitié et me garda sous sa tutelle, m’enlevant ainsi au clan des amies qui, de temps en temps, m’appelaient pour assouvir leurs fantaisies. Sœur Marie, tu t’en souviens, était aussi jolie que bonne et possédait un cœur très aimant. Notre affection fut une affection morale et d’esprit, qui m’éloigna pendant près de deux ans des histoires entre élèves. Puis elle partit, j’éprouvai d’abord du chagrin et je l’oubliai. Stéphanie de Marinois m’ayant parlé de ma beauté qui se formait et m’avait bravement entreprise un soir au dortoir. Là, je fus la maîtresse chérie et adulée ; là, je vécus de très grandes ivresses de sens, sous la langue savante de Stéphanie, qui, jamais avec moi, ne se montra aussi cochonne qu’avec toi… et Claire. Nous étions du même age, j’étais plus grande qu’elle, et elle désira une maîtresse plus jeune, plus petite. Elle se ralentit dans ses effusions de volupté, je ne m’en préoccupai pas, Claire Harling avait commencé sa cour, et de cette heure m’avait conquise plus que je ne le saurais exprimer, même maintenant où je connais tant de choses. C’était à une récréation, je venais de sauter à la corde, malgré mes quatorze ans, j’étais toute rouge par la chaleur, et je cherchais dans ma poche un mouchoir pour m’essuyer le front. Je n’en trouvais pas. Claire passait, elle comprit mon ennui, elle m’offrit le sien et me dit : « Sers t’en, Balbyne, et rends-le-moi de suite après, que je le baise ! » Heureusement que j’étais déjà rouge, sans quoi cette phrase en pleine cour, m’eût fait devenir cramoisie… de plaisir. Claire était réputée comme inspirant des passions à toutes, elle éblouissait avec ses grands cheveux blonds dorés, ses yeux de feu, sa peau blanche, blanche, à nous jeter de la jalousie dans l’âme à toutes. Je pris le mouchoir, m’essuyai, et le lui rendis, en disant : « Pourquoi baiser ma sueur ? — Pour aspirer ton parfum, répondit-elle. — Bah, il est comme celui des autres ». Elle avait baisé, et me repassant le mouchoir, elle dit : « Tu me donneras un des tiens en échange, garde celui-là en souvenir de mon baiser, il te parlera de moi ». Voilà cependant, ce qu’au couvent des Bleuets, deux élèves de classes différentes, pouvaient se dire. La chose m’amusa, plutôt qu’elle n’appela mon attention. Claire savait que Stéphanie était comme mon amant, et de son côté elle avait la réputation de s’entendre au mieux avec toi. Les jalons étaient posés. Elle ne m’écrivit pas seulement une lettre, comme toi avec Reine, pendant plusieurs jours je reçus des petits billets très courts et très suggestifs. Je m’en souviens comme tu te souviens de ta confession. Le premier me disait : « Merci, ma chérie, ton mouchoir est souvent là où je voudrais ta jolie petite bouche. » En commençant ainsi, elle établissait bien la nature des relations qu’elle désirait. Je répondis : « Ma petite bouche embrasse tes jolis yeux et tes beaux cheveux ; mets mon mouchoir sur ton cœur, il te parlera de moi ». Les lettres se succédaient, ah, elle marquait bien son empreinte, Claire Harling ! « Ta petite bouche brûle mes yeux, elle en a pitié, oh, elle descend, elle descend sur ma personne, quelle fièvre là où elle s’arrête, où elle se pose, tu sais où ? » Voici ma réponse : « Tu n’y penses pas, je suis l’amie de Stéphanie, et toi, tu es celle de Simone, ma petite bouche n’aime pas de servir de doublure ». Nouvelle épître : « Est-ce cela qui te retient pour comprendre mes désirs, il n’existe personne autour de moi pour lutter contre ta petite bouche ; dis-moi que Stéphanie ne te garde pas. » Je m’échauffai et j’écrivis : « Rien n’arrêtera ma petite bouche, elle aspire à disparaître sous tes jupes, mais je veux de l’amour. » C’était net, n’est-ce pas, ma sentimentalité surnageait ; elle répondit : « Mon corps est à toi pour ta petite bouche et frémit d’espérance ; quel rendez-vous me fixes-tu ? » Et le jeu des yeux, comme toi avec Reine, les quelques conversations de la cour, appuyant nos missives. À cette lettre, je répondis de vive voix dans la cour : « Ne t’endors pas ce soir, je viendrai dans ton lit. » Voilà comment commença cette histoire. Écoute maintenant la suite et la fin. Notre liberté, la nuit, tu le sais, était complète. Les sœurs surveillantes dormaient-elles, ou s’occupaient-elles de leur côté au même genre d’amour que nous, je le croirais assez, si j’en juge par le fait dont je fus témoin, en quittant mon dortoir pour rejoindre Claire. Entre les deux dortoirs, tu t’en rappelles, se trouvait une espèce d’antichambre, garnie d’armoires où l’on enfermait les draps et les serviettes : d’un côté, cette antichambre prenait jour par une immense fenêtre sur les jardins, de l’autre, une grande coupole vitrée la séparait d’une aile des bâtiments, affectés aux sœurs cloîtrées des Bleuets. J’appuie sur la description pour le cas où tu aurais oubliée.

— Non, non, je me souviens très bien. Cette coupole vitrée était pour nous un sujet de frayeur, parce qu’elle restait constamment plongée dans l’obscurité et que les légendes prétendaient que derrière erraient les âmes des sœurs enterrées dans les caveaux du couvent.

— C’est cela même ! Eh bien, ma chérie, au moment où je me disposais à franchir cette antichambre, je demeurai toute saisie, apeurée, sur le point de renoncer à mon aventure. La coupole, brillamment éclairée, laissait voir ce qu’elle cachait et ce qui se passait derrière elle. La lumière vive qui se projetait à travers un rideau bleuâtre ne dissimulant rien, me procura un certain tremblement dans les jambes, à cause du souvenir des légendes et parce que je pensais immédiatement que si des vivants avaient voulu dérober la vue de leurs actes à notre curiosité, ils eussent posé des tentures épaisses au lieu de rideaux à peu près transparents. Cependant le désir de Claire me dominait et la raison me revenait à mesure que j’étudiais cette mystérieuse coupole, du point obscur où je me tenais. En somme, elle reproduisait avec plus d’ampleur l’antichambre et était le palier d’un très large escalier, car j’entendais monter et descendre. Mes yeux se fixèrent sur deux ombres immobiles, placées de chaque côté de la coupole, et je m’intéressais de suite à la chose, quoique toujours avec un peu d’inquiétude. Ces deux ombres, je le reconnus, étaient deux femmes nues avec de magnifiques chevelures déroulées sur leurs épaules. À la main, elles avaient une longue badine dont l’extrémité allait en s’élargissant, en forme de pelle. On distinguait de mieux en mieux ; j’étais réellement éblouie de la beauté de leur carnation, de la finesse de leur cambrure, et je me rassurais de plus en plus lorsque, soudain, j’entendis comme une plainte, une suite de petits cris, qui me glaça le sang. La plainte se rapprochait, les deux femmes levèrent en même temps leur badine, les cris devinrent perceptibles, j’entendis : « Ah, ah, ne tapez pas, ne frappez pas, grâce, je me soumettrai. » Les deux femmes se mirent face à face, chacune d’un côté de l’escalier supposé, et je vis apparaître une autre femme toute nue, les mains attachées derrière le dos, avec des cordes aux jambes, lui laissant juste la faculté de marcher, et par lesquelles on la tenait. Elle se trouva devant les deux autres, et j’aperçus à sa suite deux gros moines qui serraient dans leurs mains le bout des cordes qui lui liaient les jambes, et la frappaient sur les reins et les fesses avec une badine pareille à celles qu’avaient les femmes. Je recommençai à trembler de tous mes membres. La femme qu’on conduisait ainsi, je la reconnus : c’était la sœur Marie, pâle et amaigrie, mais toujours jolie, et dont le sang coulait sous les coups qu’elle recevait. Elle passa devant les deux autres femmes, et toutes les deux la cinglèrent de leur badine, la faisant chanceler sur ses jambes. Une porte s’ouvrit devant la coupole, je distinguai une galerie tout éclairée, où sur deux rangs se tenaient des sœurs et des moines ; on poussa sœur Marie au milieu et alors arriva par l’escalier un autre moine, sans doute, je dis sans doute parce qu’il était tout nu, un homme très grand, très velu, avec une forte machine entre les cuisses, la première que j’apercevais. Il entra dans la galerie après les deux moines qui menaient sœur Marie, et voilà que processionnellement, deux par deux, suivirent une trentaine de femmes nues, portant un chapelet autour du corps ; puis autant d’hommes, tous aussi peu vêtus que les femmes et ayant comme elles le chapelet. Les deux premières que j’avais vues entrèrent les dernières dans la galerie, dont la porte se referma. Les lumières s’éteignirent et je n’entendis plus qu’un bruit confus et lointain. Avais-je rêvé ?

— Je me le demandais, s’écria Simone, tu n’en as jamais parlé.

— Non, je n’avais pas rêvé, et avec ma clairvoyante lucidité, je m’expliquai la tolérance dont nous jouissions. Mon cœur s’attristant pour sœur Marie, ma passion se réveilla pour Claire. Je me hâtai de la rejoindre. Elle m’attendait fiévreuse, toute nue sur son lit et, ses rideaux nous garantissant contre toute indiscrétion, je me laissai aller dans ses bras, murmurant : « Ah, je t’aime, mais si tu savais ce que j’ai vu et ce qui m’a retenu ! — Quitte ta chemise, mets-toi bien sur mon cœur et tu me conteras tout, tout, lèvres sur lèvres ! Et puis, vois, touche, suce, mon corps entier aspire après ta petite bouche ! » Ah, Simone, quel feu dans ses veines et comme elle fascinait avec ses poils qu’elle haussait vers mon visage, son frétillement du cul. Je résistai à grand peine à la tentation de commencer mon adoration. J’étais nue ; elle aussi me contemplait et me palpait en silence, elle m’attira sur le lit, entrelaça ses jambes aux miennes, me posa une main sur les fesses, me dit de faire de même avec elle et de lui raconter ce que j’avais vu. Mon récit terminé au milieu des plus douces caresses, elle murmura : « Balbyne, que ton ombre ignore toujours ce que tu as surpris et n’en parle à âme qui vive. Une autre que toi, il y a cinq ans, a vu ce que tu as vu, pas avec sœur Marie, mais avec une autre jouant certainement le même rôle, et cette autre élève l’a conté le lendemain à une camarade. Toutes les deux d’accord sont allées le répéter à leur maîtresse. Un mois après toutes les deux mouraient de la fièvre typhoïde, a-t-on dit, on renvoyait les élèves en congé limité, et la moitié de la classe, dont faisaient partie les deux mortes, n’était plus reprise au couvent sous différents prétextes. Comment l’ai-je su ? Par le plus grand des hasards. J’étais punie dans une salle d’études et j’entendis la conversation de mes deux camarades, adossées contre la porte pour causer[1]. — Ne crains rien, répondis-je, j’ai compris bien des choses, cela n’existe plus pour moi. Ne pensons plus qu’à nous ! Je plongeai la tête dans ses cuisses et je suçai Claire avec toute l’ardeur d’une passion, surexcitée par le plaisir que je lui sentais prendre. Ce que nous nous en donnâmes, cette nuit ! Nous ne pouvions nous arracher à nos extases, je la quittai pour dormir juste deux heures. Et le lendemain son billet de joie reconnaissante s’emparait de mon cœur : « Mon amour, ma Balbyne, ta petite bouche a dépassé toutes mes espérances. Conserve-la moi, rien que pour moi, celle qui meurt de passion sous tes caresses, ta Claire ». On ne pouvait naturellement échanger de telles félicités toutes les nuits, mais que de douces émotions dans nos regards se cherchant dans la cour à nos récréations, ou dans nos rencontres, car pour chasser toute suspicion, nous avions convenu d’éviter de nous parler. De temps en temps, elle me faisait remettre une fleur par une amie et notre correspondance ne se ralentissait pas, toujours de plus en plus ardente. M’était-il permis de supposer qu’alors que je lui consacrais toute ma sensualité, qu’alors qu’elle me faisait mourir de délices par ses chaudes protestations d’amour inaltérable, alors qu’elle me traitait comme un amant doit traiter la plus adorée des maîtresses, elle nourrissait déjà des vues sur cette petite Juive qui ne laissait échapper aucune occasion de m’être désagréable.

— Pas Juive, je te le répète, Balbyne.

— Juive de naissance ou d’origine, peu importe. Cette Noémie qui traînait dans tous les water-closet pour y remplir l’office d’essuie-culs, se vantant d’avoir goûté à l’urine de toutes les grandes et même de certaines sœurs, cette petite pourriture dont, je ne sais pourquoi, on tirait vanité de se déclarer l’amie préférée ; cette gueuse qui s’amuse à faire se battre pour une de ses nuits notre belle Dora de Spritoberg et Hermance de Montlucet, m’avait voué une haine toute particulière, parce qu’une fois, à l’époque de mes relations avec Stéphanie, elle m’apporta dans la cour, soigneusement plié dans un bout de papier orné de faveurs roses, une chose innommable et desséchée qu’elle prétendit avoir récoltée de mon amie Stéphanie et conservée à mon intention, chose que je lui flanquai dans la bouche, que je la forçai à avaler, ce qui me valut une longue série de punitions pour ma brutalité masculine ! Huit mois, que rien ne ternissait mes amours avec Claire, et je surpris soudain des ironies dans l’attitude de Noémie, tandis que des froideurs naissaient de Claire à moi. Elle éluda quelques-uns de mes rendez-vous, et, une nuit où elle me croyait endormie, je la vis qui se faufilait derrière les rideaux de Noémie, dont le lit était peu éloigné du mien. J’étais encore jalouse à cette époque, ma chère Simone, j’eus d’abord l’obsession de les tuer toutes les deux, je ne te le cache pas ; puis le dégoût l’emporta et je m’enfermai en moi-même pour décider le parti que je prendrais. Le lendemain, Claire m’écrivit une lettre pleine de folle passion, mais Noémie de son côté jetait dans mon bureau ces quelques mots qu’elle avait reçus de mon amie : « Chérie, salope aimée, toi seule sais régner sur les sens, commande, exige tout ce que tu voudras, quel que soit le sacrifice, je le ferai avec bonheur pour être bien cochonne avec toi. Nul ne peut te le disputer, même Balbyne. Ta vaillante adoratrice, Claire ».

Je retournai à Claire sa lettre de passion, en mettant en marge : « Reste avec Noémie. »

Quant à Noémie, je la guettai la nuit suivante, et sûre que personne ne la rejoignait, j’allais à elle. M’attendait-elle et complotait-elle quelque chose  ? Elle était accoudée sur son oreiller et ne s’étonna pas à mon apparition. Je lui tendis sa lettre et lui dis :

— L’une de nous est de trop dans ce couvent, demain je simulerai la maladie et l’on me retirera. Mais, sache-le, n’aie jamais besoin de moi dehors, je te ferai payer cher ton inimitié.

— Moi, ton ennemie, Balbyne, je ne suis l’ennemie de personne.

— Tu as sali mes relations avec Stéphanie, tu m’as volé Claire, je ne veux plus d’autres amours. Tu es prévenue, adieu.

— Tu es une sotte, et il serait bien plus sage que nous nous réconcilions.

— Avoir de l’amitié pour toi, moi !

— Ne suis-je pas parmi les plus jolies du couvent ?

— Prétendrais-tu, de ma part, à plus que de l’amitié !

— Il y en a de plus fières qui sont venues ici et qui…

— Moi, j’ai de la haine à ton égard, le comprends-tu, grande cochonne, grande ordure, grande lécheuse de…

J’ai lâché le mot… qu’on prête à Cambronne et elle ne s’en émut pas. Cependant, un peu dépitée de mon exaspération, elle me dit :

— Soit, va-t-en, tu regretteras Claire ou d’autres, mais, souviens-t’en bien, là où j’ai passé, on ne me remplace plus. Adieu.

J’avais le sang qui me sifflait aux oreilles, je me baissai sur elle, le point fermé, prête à la frapper sur la tête, elle ne se recula pas, et toute souriante, me montrant sa poitrine sous sa chemise ouverte, ajouta : Tape là, près du cœur, tu peux me tuer ; hein, quelle vengeance, mais… quel remords pour toute ta vie !

Elle avait le diable dans l’esprit, cette maudite, je crachai sur sa poitrine et je me sauvai. Je ne pardonnai pas à Claire ; mes parents me retirèrent, tu connais notre brouille.

— Me permets-tu de t’exprimer mon opinion bien franchement ?

— Je t’en prie.

— Tu as eu tort de ne pas réfléchir, avant d’écrire à tes parents.

— Supposes-tu que j’aurais oublié !…

— Claire ? Oh, certainement, parce que tu eûsses regardé ailleurs, du côté de Noémie.

— À quoi bon ?

— Peut-être, pour l’aimer et te venger avec elle de Claire ! Quelle bonne blague pour toutes les deux.

— Es-tu folle ! Moi aimer Noémie, cette fille d’égout, de latrines !

— Laisse-donc et ne t’emballe pas sur des hypothèses, des images qui, plus tard, se seraient transformées en piment pour ton imagination exaltée.

— Simone.

— À mon jugement, Noémie nourrissait du goût pour ta personne et te poursuivait à sa manière. Tu ne l’as pas deviné, tu t’es privée d’un fin régal.

— Tu y as goûté ?

— Oui, un peu.

— Je ne t’en adresserai pas de félicitations ! Si nous revenions à ta confession et à notre chère association, qu’en penses-tu ?

— Que c’est en effet le moment.

  1. Les Mystères du couvent des Bleuets.