Astronomie populaire (Arago)/IX/07

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 368-371).

CHAPITRE VII

diamètres réels des étoiles


Frappé de la faible clarté que nous recevons dans une nuit parfaitement sereine de l’ensemble des étoiles qui brillent simultanément au-dessus de l’horizon, Gassendi avait cherché quelle dimension aurait dans les idées de la plupart des astronomes de son époque sur les diamètres angulaires de tous ces astres, un disque formé par leur agglomération. On trouve dans une lettre de Galilée au grand-duc de Toscane, à l’occasion de ce qu’on appelle la lumière cendrée, phénomène que nous étudierons en son lieu, un passage dans lequel, à la rigueur, on peut apercevoir le germe de la méthode que je vais essayer d’exposer d’après Gassendi.

En supposant le diamètre des étoiles de première grandeur de 3′, celui des étoiles de seconde de 2′ 1/2, les diamètres des étoiles de troisième, quatrième, cinquième, sixième grandeurs respectivement de 2′, de 1′ 1/2, de 1′ et de 1/2 minute, il trouvait, par un calcul très-simple, que la réunion de la moitié des 1 026 étoiles visibles à l’œil nu dans la totalité du firmament, et contenues dans le catalogue d’Hipparque, équivaudrait à une surface notablement plus grande que celle du soleil, et conséquemment que celle de la lune.

Comme les étoiles ont chacune évidemment plus d’éclat que les parties correspondantes de la lune, les 513 étoiles réunies devraient donc nous éclairer plus que notre satellite dans son plein, ce qui est bien loin de la vérité ; de là la conclusion que les diamètres attribués aux étoiles dans ce calcul sont très-exagérés.

La photométrie fournissait ainsi un moyen de juger des erreurs des diamètres angulaires des étoiles qui, en l’absence de lunettes et de micromètres, n’avaient pu être déterminées. Aujourd’hui, il est possible de perfectionner le calcul de Gassendi en prenant pour base les valeurs des intensités relatives du Soleil et de Sirius, obtenues d’abord par Huygens et ensuite par Wollaston.

Le physicien anglais a trouvé qu’il faudrait 20 000 millions d’étoiles semblables à Sirius pour répandre sur la terre une lumière égale à celle que nous recevons du soleil.

Supposons que Sirius soit intrinsèquement aussi éclatant que le Soleil, ou, ce qui veut dire la même chose, que sa surface apparente soit aussi éclatante qu’une portion équivalente du disque solaire.

Il faudrait évidemment qu’une agglomération d’étoiles égales à Sirius eût une étendue superficielle égale à celle du Soleil, pour que la lumière que cette agglomération répandrait sur la terre fût égale à celle que nous recevons de notre soleil ; en d’autres termes, il faudrait que 20 000 millions de surfaces semblables à Sirius fussent égales à la surface du disque du Soleil.

Le diamètre du soleil est de plus de 31 minutes ou d’environ 2 000 secondes, ce qui correspond à 20 000 dixièmes ou à 160 000 quatre-vingtièmes de seconde ; si l’on adopte ce dernier nombre, la surface du Soleil se composera de 20 000 millions de petits cercles ayant chacun pour rayon 1/80e de seconde. Pour que 20 000 millions de Sirius fussent égaux à la surface du Soleil, il faudrait donc que la surface de cette étoile fût équivalente à un petit cercle de 1/80e de seconde de rayon et 1/40e de seconde de diamètre. Tel serait le diamètre de Sirius, mais il importe de le rappeler, dans la supposition seulement d’un éclat intrinsèque de l’étoile égal à l’éclat du Soleil.

Si l’éclat intrinsèque de Sirius était supérieur à celui du Soleil, une réunion de ces étoiles inférieure en surface à celle du Soleil répandrait sur la Terre autant de lumière que cet astre. Le diamètre angulaire de Sirius serait alors plus petit que 1/40e de seconde. Or, il paraît résulter de considérations développées dans le Mémoire de Wollaston, que l’éclat intrinsèque de Sirius est fort supérieur à celui du Soleil ; dès lors il nous est permis d’admettre que le diamètre angulaire de l’étoile la plus brillante du ciel est inférieur à 1/50e de seconde.

Faut-il s’étonner alors que les mesures directes des astronomes laissent encore de l’incertitude sur tout ce qui est relatif aux diamètres réels des étoiles ?