Astronomie populaire (Arago)/VIII/04

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 311-316).

CHAPITRE IV

remarques sur l’utilité des constellations et sur les réformes
qui ont été proposées à ce sujet


Pour aider la mémoire dans l’étude des étoiles dont le firmament est parsemé, on les a partagées de très-bonne heure en groupes distincts qui portent le nom de constellations ou d’astérismes. Les figures de ces groupes sont celles d’êtres vivants ou d’objets inanimés dessinés sur toute l’étendue de la sphère céleste. Ici on a représenté un bélier, là un taureau, plus loin deux enfants jumeaux, ailleurs une écrevisse, un scorpion, un dragon, une ourse, etc. L’ensemble des étoiles contenues dans ces figures s’appelle respectivement les constellations du Bélier, du Taureau, des Gémeaux, de l’Écrevisse, du Scorpion, du Dragon, de l’Ourse, etc. Les cartes ci jointes (fig. 100 et 101) donnent les dessins des astérismes admis par les astronomes, sous les formes les plus usitées, pour l’hémisphère boréal et pour l’hémisphère austral.

Il faut remarquer que la disposition des étoiles n’a, en général, aucun rapport avec le contour de la figure qui les renferme ; je dis en général, car il est de rares exemples où l’on paraît avoir été déterminé dans le choix de la figure dessinée, ou de la constellation, par l’arrangement des étoiles qu’elle contient. Parmi les constellations qui ont ainsi quelque rapport avec les figures par lesquelles on les représente, nous citerons le Scorpion, qui a la forme d’un cerf-volant, la Couronne, le Serpent, le Dragon et même le Taureau, où la disposition triangulaire des étoiles principales qui le compose a quelque ressemblance avec la partie osseuse de la tête d’un bœuf[1].

Il faut aussi remarquer que la longue traînée lumineuse qui fait le tour du ciel fut appelée par les Grecs Galaxie, à cause de sa blancheur de lait ; les astronomes modernes la nomment Voie lactée[2].

Ce partage des étoiles en constellations avait dispensé de donner un nom à chacune d’elles ; ainsi l’on disait : l’œil du Taureau, le cœur du Scorpion, l’épaule droite d’Orion, le cœur de l’Hydre, le cœur du Lion, l’épi de la Vierge, etc., suivant la place que l’étoile occupait dans l’astérisme. Plusieurs des étoiles les plus remarquables ont été cependant désignées par des noms particuliers. Voici ceux de ces noms que l’usage a consacrés, les uns tirés des Grecs, les autres empruntés aux Arabes, nos premiers maîtres en astronomie :

Sirius est le nom de la principale étoile du Grand Chien (cette étoile est en même temps la plus brillante du firmament).

Antarès est le nom donné au cœur du Scorpion.

Aldebaran désigne l’œil du Taureau.

Régulus, le cœur du Lion.

Dénébola, la seconde étoile de la constellation du Lion.

Rigel, le pied d’Orion.

Béteigeuze, l’étoile de l’épaule droite d’Orion, la plus brillante de cette constellation.

Bellatrix, l’étoile de l’épaule gauche d’Orion.

Procyon, l’étoile la plus brillante du Petit Chien.

Castor, l’étoile brillante située sur la tête la plus occidentale des Gémeaux.

Pollux, l’étoile brillante située sur la tête la plus orientale des Gémeaux.

Fomalhaut, la bouche du Poisson austral.

Markab, l’étoile brillante située dans l’aile de Pégase.

Algenib, l’étoile brillante située à l’extrémité de l’aile de Pégase.

Algol est l’étoile la plus brillante de la tête de Méduse, placée dans la main de Persée.

Shéat, l’étoile brillante située dans l’épaule droite de Persée.

Wéga, l’étoile la plus brillante de la Lyre.

La Perle, l’étoile la plus brillante de la couronne boréale.

Deneb, l’étoile la plus brillante du Cygne.

La Chèvre, l’étoile la plus brillante du Cocher.

Arcturus, l’étoile la plus brillante du Bouvier.

La Vendangeuse, l’étoile située près de la main droite de la Vierge.

Achernard, l’étoile la plus brillante de la constellation d’Eridan, invisible en Europe.

Ataïr, l’étoile la plus brillante de l’Aigle.

Canopus, l’étoile australe si brillante, placée sur le gouvernail du Vaisseau.

On donne le nom de La Polaire[3] à l’étoile la plus brillante de la Petite Ourse, parce qu’elle est tout près du pôle boréal ou arctique[4]. Cette étoile est quelquefois appelée la Tramontane.

En 1603, lorsque Bayer publia ses belles cartes célestes, il désigna les étoiles de chaque constellation par les lettres des alphabets grec et romain[5]. On avait supposé que dans ces désignations le célèbre jurisconsulte-astronome d’Augsbourg avait affecté la lettre α à l’étoile la plus brillante de chaque astérisme, β à la seconde, γ à la troisième, ainsi de suite ; et qu’il n’avait passé aux lettres a, b, c, de l’alphabet romain qu’après l’épuisement entier des lettres de l’alphabet grec. Ceci a été récemment contesté par un astronome allemand très-célèbre, M. Argelander : nous examinerons ailleurs dans quelles limites cette opinion nouvelle, relativement à la classification de Bayer, doit être admise. Toujours est-il qu’en général les lettres α, β, γ, δ, représentent les quatre principales étoiles de chaque constellation, en sorte qu’en passant d’un astérisme à un autre, ces lettres α, β, γ, δ, etc., sont affectées à des étoiles d’éclat très-différent. Ainsi lorsqu’on dira, α du Grand Chien, α du Taureau, α d’Orion, etc., il sera bien entendu qu’on veut désigner Sirius, Aldebaran, l’Épaule droite d’Orion ou Béteigeuze, etc., sans prétendre que toutes ces étoiles aient le même éclat.

Lorsqu’on a épuisé les lettres de l’alphabet grec et de l’alphabet romain, les modernes désignent le surplus des étoiles contenues dans chaque constellation, soit par des chiffres indiquant le rang d’inscription de ces étoiles dans un catalogue connu, tels que ceux de Flamsteed, Piazzi, etc., soit mieux encore par les nombres qui fixent leur position dans le firmament.

  1. Goguet rapporte qu’au moment de la découverte de l’Amérique, on trouva que les habitants des rives de l’Amazone appelaient les Hyades, le groupe principal de la constellation du Taureau, Tapiira Rayouba, qui signifie dans leur langue mâchoire de tapiira, devenue depuis mâchoire de bœuf.

    Herschel fils prétend que la constellation d’Orion, quand on la voit par des latitudes australes modérées, représente passablement une figure humaine, mais inverse de celle que nos cartes attribuent à cet astérisme ; les étoiles qui maintenant sont les épaules d’Orion apparaissent, dit l’astronome anglais, comme les genoux de la figure ; l’étoile qui porte le nom de Rigel forme la tête.

  2. Les Chinois l’appellent le Fleuve céleste. Les sauvages de l’Amérique septentrionale la désignaient sous le nom de Chemin des âmes, nos paysans la nomment le Chemin de Saint-Jacques de Compostelle.
  3. Du verbe grec πολέω, je tourne.
  4. Du grec ἄρκτος, qui signifie ourse.
  5. Nous placerons ici en note l’alphabet grec avec sa prononciation française, pour l’usage des personnes qui ne sont pas familiarisées avec la langue des Hellènes :
    α alpha
    β ϐ bêta
    γ gamma
    δ delta
    ε epsilon
    ζ zêta
    η êta
    θ thêta
    ι iota
    ϰ cappa
    λ lambda
    μ mu
    ν nu
    ξ xi
    ο omicron
    π pi
    ρ rho
    σ ς sigma
    τ tau
    υ upsilon
    φ phi
    χ chi
    ψ psi
    ω omega