Astronomie populaire (Arago)/XII/01

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 2p. 1-4).

CHAPITRE PREMIER

aspect de la voie lactée


On appelle Voie lactée une zone lumineuse blanchâtre que tout le monde a remarquée dans la sphère étoilée. Tout le monde sait aussi que cette zone fait le tour entier du firmament en passant par les constellations suivantes : Cassiopée, Persée, les Gémeaux, Orion, la Licorne, Argo, la Croix du Sud, le Centaure, Ophiuchus, le Serpent, l’Aigle, la Flèche, le Cygne, Céphée. La Voie lactée trace ainsi à peu près un des grands cercles de la sphère céleste, non toutefois sans avoir éprouvé une bifurcation aiguë d’où résulte l’arc secondaire qui, après être resté séparé de l’arc principal dans l’étendue d’environ 120°, depuis α du Centaure jusqu’au Cygne, se confond de nouveau avec lui. Elle présente en outre sur son trajet plusieurs autres ramifications.

Nous avons dit ailleurs (liv. viii, chap. iv) que les Grecs nommaient la Voie lactée Galaxie ; les Chinois et les Arabes l’appellent le Fleuve céleste ; elle est le Chemin des âmes pour les Sauvages de l’Amérique septentrionale, et le chemin de Saint-Jacques de Compostelle pour nos paysans.

La largeur de la Voie lactée semble très-inégale. Dans quelques places elle n’excède pas 5° ; dans d’autres, cette largeur est de 10 et même de 16°. Ses deux branches, entre Ophiuchus et Antinoüs, s’étalent sur plus de 22° de la sphère céleste.

Mon ami Alexandre de Humboldt fait dans le tome iii du Cosmos, la peinture suivante des diverses parties de la Voie lactée, en suivant l’ordre des ascensions droites ; il faut suivre cette description sur les deux cartes (fig. 100 et 101) qui représentent les constellations des deux hémisphères célestes : « Elle passe, dit-il, entre γ et ε de Cassiopée, envoie au sud, vers ε de Persée, un rameau qui se perd près des Pléiades et des Hyades ; elle traverse, faible encore et peu brillante, les Chevreaux dans la main du Cocher, les pieds des Gémeaux, les cornes du Taureau, coupe l’écliptique vers le point solsticial d’été, couvre la massue d’Orion et traverse l’équateur vers le cou de la Licorne. À partir de ce point, son éclat augmente notablement. À l’arrière du Navire, elle émet un rameau vers le sud jusqu’à γ d’Argo, où ce rameau disparaît brusquement. La branche principale continue jusqu’à 33° degrés de déclinaison australe ; là elle s’étend en éventail sur 20° de large, puis elle s’interrompt encore et laisse un large espace vide, suivant la ligne qui joint γ et λ d’Argo. Elle reprend ensuite, non la même largeur, mais elle va en se rétrécissant vers les pieds de derrière du Centaure. Dans la Croix du Sud, où elle atteint son minimum de largeur, elle n’a plus que 3 ou 4°. Un peu plus loin, elle s’étend de nouveau et se transforme en une masse plus brillante, où β du Centaure, α et β de la Croix se trouvent compris, ainsi qu’un espace obscur en forme de poire nommé Sac de Charbon. C’est vers cette région remarquable, et un peu au-dessous du Sac de Charbon, que la Voie lactée se rapproche le plus du pôle austral.

« Elle se divise près de α du Centaure, et sa bifurcation se maintient jusque dans la constellation du Cygne. D’abord, en partant de α du Centaure, on voit un rameau étroit se diriger au nord et se perdre vers le Loup. Puis une division se montre dans le Compas, près de γ de la Règle. Le rameau septentrional présente des formes irrégulières jusque vers les pieds d’Ophiuchus ; là il s’évanouit tout à fait. Le rameau méridional devient alors la branche principale, traverse l’Autel et la queue du Scorpion, en se dirigeant vers l’arc du Sagittaire, et coupe l’écliptique par 276° de longitude. On le reconnaît plus loin courant à travers l’Aigle, la Flèche et le Renard jusqu’au Cygne, mais sous une forme accidentée, interrompue çà et là. En cet endroit commence une région entièrement irrégulière ; on y voit entre ε, α et γ du Cygne, une large place obscure que sir John Herschell compare au Sac de Charbon de la Croix du Sud, et qui forme une espèce de centre d’où divergent trois courants partiels. Le plus brillant est facile à suivre, si on remonte par delà β du Cygne et vers l’Aigle ; mais il ne se réunit point avec le rameau mentionné plus haut, lequel s’étend jusqu’au pied d’Ophiuchus. Une autre partie de la Voie lactée s’étend en outre à partir de la tête de Céphée, c’est-à-dire près de Cassiopée, point de départ de toute cette description, et se dirige vers la Petite Ourse ou le pôle nord. »