Astronomie populaire (Arago)/XIX/03

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 2p. 511-513).

CHAPITRE III

passages de vénus sur le soleil


Nous avons dit que Vénus vue de la Terre accomplit une oscillation entière autour du Soleil en 584 jours environ, et que par conséquent elle revient en conjonction inférieure tous les 584 jours. Mais pendant ce temps, la Terre a fait une révolution entière autour du Soleil, et elle a parcouru en outre 216° environ. Mais 5 fois 216° font 1 080° ou 3 circonférences de 360°. Donc au bout de 5 conjonctions ou de 5 fois 584 jours, ce qui équivaut à 2 920 jours ou 8 ans, les conjonctions se reproduisent à peu près au même jour et au même endroit du ciel.

Si le plan dans lequel l’orbite de Vénus est contenu coïncidait avec le plan de l’écliptique, dans chacun des passages de la digression orientale à la digression occidentale, on verrait toujours la planète se projeter sur le Soleil.

Mais nous avons vu que le plan de l’orbite de Vénus fait avec le plan de l’écliptique un angle de 3° 24′ environ, et il est évident que la projection de la planète sur le disque solaire ne peut avoir lieu qu’au tant que sa latitude pendant les conjonctions inférieures est plus petite que le demi-diamètre du Soleil. On conçoit donc qu’il n’y a que certaines conjonctions qui puissent produire des passages de Vénus. Une fois qu’il y en a eu un, on peut en attendre un autre 8 ans après, selon les calculs que nous venons d’indiquer. Cependant les latitudes de Vénus et du Soleil n’étant pas rigoureusement identiques au bout de 8 ans, mais présentant une différence de 20 à 24′, il y a une différence de 40 à 48′ en 16 ans, ce qui surpasse le demi-diamètre du Soleil. On ne peut donc jamais avoir trois passages successifs en 16 ans.

Ces passages, dont les astronomes ont tiré le plus grand parti, comme nous l’expliquerons ailleurs, après avoir eu lieu dans l’intervalle de huit ans, ne reviennent qu’au bout de plus d’un siècle pour se succéder encore dans le court intervalle de huit ans, et ainsi de suite.

Quoique nous devions traiter en détail des passages de Vénus sur le Soleil, et des conséquences qu’on en a tirées, j’indiquerai ici la première observation de ce genre que les hommes aient faite. Elle remonte au milieu du XVIIe siècle.

Horrockes et Crabtree virent, près de Liverpool, le 4 décembre 1639, Vénus se projeter sur le disque du Soleil. L’enthousiasme d’Horrockes, après cette observation, s’épancha en un dithyrambe mythologique dans lequel il célébrait entre autres l’union de Vénus avec le Soleil.

Voici les dates des passages depuis l’invention des lunettes jusqu’à la fin du XXVe siècle de l’ère chrétienne :

1639 4 décembre.
1761 5 juin.
1769 3 juin.
1874 8 décembre.
1882 6 décembre.
2004 7 juin.
2012 5 juin.
2117 10 décembre.
2125 8 décembre.
2274 11 juin.
2255 8 juin.
2360 12 décembre.
2368 10 décembre.

On ne verra pas de passage avant 1874 et 1882. La rareté du phénomène ajoute ainsi à son importance réelle, comme le fait remarquer Delambre.