Astronomie populaire (Arago)/XIX/06

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 2p. 519-523).

CHAPITRE VI

rotation de vénus


Schrœter, l’habile astronome de Lilienthal, fit de 1788 à 1793 un grand nombre d’observations très-délicates sur la régularité des déformations des cornes de Vénus, et il en déduisit, ainsi que nous avons dit que cela avait été fait lorsqu’il s’agissait de Mercure, que la planète est douée d’un mouvement de rotation dont la durée s’élève à 23h 21m. L’axe autour duquel cette rotation s’exécute forme, avec le plan de l’écliptique, un angle d’un très petit nombre de degrés, de 15° environ.

Passons à l’observation des taches, d’où l’on a pu déduire également l’existence d’un mouvement de rotation de la planète.

Les taches obscures qu’on voit dans Vénus sont très déliées ; elles occupent une grande partie du diamètre de la planète ; leurs extrémités n’ont rien de tranché, dit Dominique Cassini.

On aperçoit aussi de temps en temps, sur le disque, des taches brillantes. Dominique Cassini en découvrit une le 14 octobre 1666 ; il en observa une seconde le 28 avril 1667. Celle-ci éprouva un déplacement sensible pendant la durée des observations. Le mouvement de rotation de Vénus, ou du moins un mouvement de libration, se trouva ainsi constaté ; on revit le lendemain, 29, la même tache brillante à la place, à fort peu près, où elle fut observée le 28. Si la planète tourne sur son centre, la durée de sa révolution doit donc être de 24 heures environ. Des observations du 9, du 10 et du 13 mai 1667, du 5 et du 6 juin, donnèrent le même résultat.

Le temps très-limité durant lequel on peut faire des observations de ce genre, soit à cause du peu de hauteur de la planète sur l’horizon, soit à cause de l’affaiblissement que la présence du Soleil occasionne, ne permit pas à Dominique Cassini de constater le mouvement de rotation de Vénus aussi clairement que les mouvements de rotation de Mars et de Jupiter. En admettant que le déplacement des taches, qui paraissait s’opérer du midi au septentrion, était l’effet, non d’un mouvement de libration, mais bien d’un mouvement de révolution de la planète, il trouva qu’en 23 heures ces taches revenaient occuper les mêmes points du disque.

Bianchini paraît avoir été, en 1726, plus favorisé que Cassini, soit par la pureté accidentelle du ciel ou par la puissance de sa lunette, soit à raison d’autres circonstances inconnues. Cet observateur aperçut, vers le milieu de la planète, sept taches qu’il appela des mers communiquant entre elles par des détroits et offrant huit promontoires distincts. Il en dessina les figures et leur assigna le nom d’un roi de Portugal, son bienfaiteur, et les noms des navigateurs les plus célèbres par leurs voyages. Les noms de Galilée et de D. Cassini, de l’Académie des Sciences et de l’Institut de Bologne, s’y trouvent aussi exceptionnellement. La figure 225 représente le planisphère des taches de Vénus tel que l’a dessiné Bianchini.

De ses observations de 1726 et 1727, Bianchini conclut une période de 24 jours 8 heures pour le temps de la révolution de la planète sur son centre.

Jacques Cassini, en discutant les observations de son père, en tira une période de rotation de 23h 15m et se montra quelque peu partial ; il essaya de démontrer que Bianchini, dont les observations étaient séparées par d’assez grands intervalles, avait pu se tromper en prenant des taches distinctes pour une seule et même tache que le mouvement de rotation de la planète aurait amenée à une position déterminée sur le disque apparent.

L’énorme dissemblance des deux résultats cités a donné lieu récemment à une vive critique de la part d’un auteur anglais, M. Hussey, qui à son tour se montra grand admirateur de Bianchini et adversaire passionné des Cassini beaucoup plus que cela ne paraissait convenable dans une discussion scientifique.

Fig. 225.— Planisphère montrant les taches de Vénus, d’après Bianchini.

Au reste, la période de rotation obtenue par Cassini a été confirmée au collége romain, à l’aide d’observations à l’abri de toutes objections faites de 1840 à 1842, par le père Vico et ses collaborateurs. La moyenne d’un grand nombre de taches leur a donné, pour durée de la rotation de Vénus, 23h 21m 23s,93.

Il est remarquable que Dominique Cassini n’ait jamais réussi à apercevoir à travers l’atmosphère de Paris aucune trace des taches à l’aide desquelles, en 1666, il constata à Rome l’existence d’un mouvement de rotation ou du moins de libration dans Vénus.

Herschel aperçut quelquefois des taches sur le disque en croissant de Vénus, près de la ligne de séparation d’ombre et de lumière. Ces taches ne lui laissèrent aucun doute sur l’existence d’un mouvement de rotation de la planète, beaucoup plus rapide que Bianchini ne l’avait supposé ; mais il les trouva trop faibles, trop confuses, trop changeantes, pour oser entreprendre une détermination exacte de la durée de la rotation et surtout de la position des pôles.

Herschel ne croyait pas que les taches existassent sur un corps solide. Il les plaçait dans l’atmosphère de la planète. Cette opinion ne pourrait guère être soutenue depuis que les astronomes de l’Observatoire du collége romain ont retrouvé, comme nous venons de le dire, les taches de Bianchini, avec toutes les anciennes formes.

Pendant les passages de Vénus sur le Soleil, on n’a aperçu aucune inégalité entre les divers diamètres de la planète, d’où l’on peut conclure qu’elles n’est pas aplatie dans le sens de l’axe de rotation.