Astronomie populaire (Arago)/XXI/12

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 3p. 424-426).

CHAPITRE XII

des rainures


Nous allons maintenant dire quelques mots des accidents particuliers à certaines parties des régions lunaires, et dont on n’a pas donné jusqu’ici des explications satisfaisantes. Ces accidents constituent ce qu’on a nommé récemment des rainures.

On appelle ainsi des sillons, très-étroits et assez longs, s’étendant en lignes droites ou avec de légères courbures, entre des bords parallèles et très-roides. On ne voit pas sur les bords des rainures de protubérances sensibles du terrain qu’elles parcourent ; elles traversent souvent des cratères, mais quelquefois elles se terminent à leurs contours ; on en voit deux dans l’intérieur des cavités circulaires de Posidonius et Petavius ; celles-ci n’atteignent pas les bords. Il n’y a que les plus hautes chaînes de montagnes qui paraissent être privées de rainures.

La plupart des rainures sont isolées, un très-petit nombre s’unissent comme des veines ou se croisent ; leur largeur est la même, ou change très-peu dans toute l’étendue de leur cours ; lorsque cette largeur augmente, ce n’est jamais à leurs extrémités.

Les élargissements des rainures, dans plusieurs régions de la Lune, prennent souvent la figure de cratères allongés.

La longueur des rainures est comprise entre 4 et 50 lieues, leur largeur ne dépasse pas 1 600 mètres, elle est beaucoup moins considérable pour le plus grand nombre. On distingue difficilement le point où elles se terminent.

Dans la pleine Lune, les rainures se montrent comme des lignes blanches ; dans les phases elles semblent noires, parce qu’alors un des bords porte ombre sur le fond de la cavité.

Ces accidents remarquables de la surface lunaire échappèrent aux observations d’Hévélius, de Jean Dominique Cassini, de La Hire, de Mayer et même de Herschel ; c’est à Schrœter que fut due leur découverte en 1788. Cet astronome n’en vit d’abord que deux ; Pastorff, Gruithysen, et Lohrman en notèrent plusieurs autres, le plus grand nombre a été signalé par MM. Beer et Maedler, pendant le travail qu’ils entreprirent pour former leur belle carte de la Lune.

Le nombre des rainures aperçues par Schrœter, Pastorff, Gruithuysen, s’élevait à peine à 20 ; MM. Beer et Maedler en ont découvert 70 nouvelles.

On a cru pouvoir prouver par les observations, que les rainures se sont formées postérieurement aux grands cratères. Il a été constaté, par exemple, que la rainure qui traverse Hyginus a pénétré dans l’intérieur de ce cratère en brisant sa paroi.

Les rainures sont-elles les lits desséchés d’anciennes rivières ?

Telle est la question posée par MM. Beer et Maedler : ils l’ont résolue négativement ; ils se fondent surtout sur le rétrécissement des rainures à leurs extrémités, et sur leur grande profondeur ; ils ne croient pas en particulier que les eaux, s’il en a existé jadis à la surface de la Lune, pesant six fois moins que sur la Terre, aient pu creuser des lits de 400 à 600 mètres de profondeur.

Fontenelle rapporte (Entretiens, deuxième soir), que Dominique Cassini avait découvert dans la Lune « quelque chose qui se partage en deux, se réunit ensuite et va se perdre dans une espèce de puits. Nous pouvons nous flatter, ajoute-t-il, avec bien de l’apparence, que c’est une rivière. »

L’observation de Cassini n’était-elle pas relative à l’un de ces accidents du globe lunaire, dont nous venons de parler et auxquels on a donné le nom de rainures ?