Astronomie populaire (Arago)/XXII/10

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 3p. 574-577).

CHAPITRE X

de l’obscurité pendant les éclipses totales de soleil


L’obscurité, pendant les éclipses totales de Soleil, n’est pas, à beaucoup près, aussi complète qu’il faudrait le croire, si l’on s’en rapportait à des relations évidemment empreintes de l’exagération qu’enfante toujours la frayeur. Les historiens de l’éclipsé de 1560, par exemple, ont été certainement au delà de la vérité en disant qu’après la disparition du Soleil, on ne voyait pas assez pour poser le pied ; que les ténèbres étaient plus profondes que celles de la nuit.

Le meilleur moyen de caractériser l’obscurité qui régna pendant les anciennes éclipses totales de Soleil est certainement de citer le nombre et la grandeur, des étoiles qui furent aperçues à l’œil nu.

D’après ce critérium, l’éclipse d’Agathocle, l’éclipse de 310 avant Jésus-Christ, aurait été d’une obscurité exceptionnelle, car on rapporte que les étoiles apparaissaient de toutes parts.

Dans une éclipse totale dont parle Plutarque, le jour, suivant lui, avait si bien pris l’apparence de la nuit qu’on voyait les étoiles dans toutes les directions.

Pendant l’éclipsé totale de 1706, observée à Montpellier entre neuf et dix heures du matin, Plantade et Clapiès virent, à l’œil nu, Vénus, Mercure, Saturne, Aldebaran et d’autres étoiles qui ne sont pas nommées dans le récit de ces observateurs.

En 1715, Halley aperçut à la simple vue, et en regardant au hasard, Vénus, Mercure, la Chèvre et Aldebaran. Dans une direction particulière où l’atmosphère semblait moins éclairée, il aperçut à l’œil nu vingt-deux étoiles.

Louville raconte que dans cette même éclipse, qui eut lieu à neuf heures du matin, on ne voyait pas assez pour lire, quoiqu’on distinguât les lignes de l’écriture ; il observait à Londres comme Halley ; il aperçut quelques étoiles de deuxième grandeur.

Dans l’éclipse totale de 1724, qui fut observée à Trianon par Maraldi et Jacques Cassini, éclipse qui arriva à sept heures du matin, Vénus, Mercure et un petit nombre d’étoiles furent les seuls astres visibles à la simple vue.

Au moment d’une éclipse totale qui fut visible en Suède, à Forshem, le 2 mai 1733, on aperçut à l’œil nu Jupiter, la Chèvre et les étoiles de la grande Ourse.

Pendant l’éclipse totale de 1778, Ulloa, qui était alors en mer, aperçut des étoiles de première et de deuxième grandeur.

Dans l’éclipse de 1806, Ferrer n’aperçut que deux planètes et un petit nombre d’étoiles de la première grandeur ; il estimait qu’il y avait dans l’air et sur la Terre, après la disparition entière du Soleil, plus de clarté que n’en répand la pleine Lune.

Le 30 novembre 1834, pendant une éclipse totale visible dans la Caroline du Sud, on aperçut seulement quatre étoiles de la première grandeur.

Dans l’éclipse du 8 juillet 1842, qui arriva entre cinq et six heures du matin, on aperçut à Perpignan quatre à cinq étoiles à l’œil nu. Au bord de la mer, quelques personnes en virent sept, d’autres dix.

MM. Pinaud et Boisgiraud, à Narbonne, ne virent que quatre à cinq étoiles.

À Montpellier, le nombre d’étoiles visibles ne s’éleva pas au-dessus de cinq.

À Digne, M. Dieu aperçut, dans une partie du ciel qui était dégagée de vapeurs, la Chèvre, β et ζ du Taureau, γ d’Orion.

M. Piola, à Lodi, put distinguer Mars, les deux étoiles des Gémeaux, Aldebaran, la Chèvre.

M. Majocchi, à Novare, ne vit que Mars, la Chèvre et Aldebaran.

M. Galle, à Frauenburg, n’aperçut en 1851, au moment de l’obscurité, que Mercure, Vénus et la Chèvre. M. Brunnow ne vit que Mercure et Vénus ; il tenta vainement d’apercevoir Castor et Pollux.

À Danzig, on ne put distinguer à l’œil nu que Vénus, Mercure, Jupiter, Procyon, Régulus et l’épi de la Vierge. Aucune indication ne se rapporte à Castor et Pollux, qui cependant se trouvaient dans le voisinage du Soleil.