Astronomie populaire (Arago)/XXIII/16

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 82-84).

CHAPITRE XVI

cause des perturbations principales du mouvement de la lune


La Lune, gravitant autour de la Terre, obéit aux lois de Kepler, ou, ce qui est la même chose, aux lois de l’attraction mutuelle de deux corps ; s’il n’y avait pas d’autre force pour agir sur notre satellite, les principes de mécanique développés par Newton dans les Principes de la philosophie naturelle, rendraient compte de tous ses mouvements.

Mettons maintenant en action une seconde force : tenons compte de l’attraction que le Soleil exerce sur la Lune ; au lieu de deux corps enfin, prenons-en trois, l’ellipse keplérienne ne donnera plus qu’une idée grossière du mouvement de notre satellite. Ici l’attraction du Soleil tendra à augmenter les dimensions de l’orbite lunaire, et les augmentera réellement ; là, au contraire, elle les diminuera. En certains points, la force solaire agira dans le sens même où l’astre se déplace, et le mouvement deviendra plus rapide ; ailleurs, l’effet sera inverse. En un mot, par l’introduction d’un troisième corps attractif, la plus grande complication, toutes les apparences du désordre succéderont à une marche simple, régulière, sur laquelle l’esprit se reposait avec complaisance.

Si Newton donna une solution complète de la question des mouvements célestes dans le cas de deux astres qui s’attirent l’un l’autre, il n’aborda même pas analytiquement le problème, infiniment plus difficile, des trois corps. Le problème des trois corps, c’est le nom sous lequel il est devenu célèbre, le problème de déterminer la marche d’un astre soumis à l’action attractive de deux autres astres, a été résolu pour la première fois par notre compatriote Clairaut. De cette solution datent les progrès qui ont été faits vers le perfectionnement de plus en plus complet des tables de la Lune, perfectionnement que Laplace, avec une sagacité sans pareille, avec une persévérance sans limite, rendit extrême. Les tables de la Lune fournissent pour une époque quelconque les positions de notre satellite et permettent de résoudre avec tant d’exactitude tous les problèmes de l’astronomie nautique, que l’on doit regarder Laplace comme un des bienfaiteurs de l’humanité, pour avoir donné le moyen de rendre certaines et rapides, par les éphémérides lunaires, les communications maritimes.

Nous avons indiqué précédemment les trois principales inégalités du mouvement de la Lune : l’évection, la variation, l’équation annuelle (liv. xxi, ch. iii). Le problème des trois corps les explique complétement. En effet, si le Soleil était à une distance infinie de la Terre et de la Lune, il opérerait sur ces deux corps également, et leur mouvement relatif n’en serait pas troublé. Mais la distance du Soleil, quoique très-grande par rapport à celle de la Terre à la Lune, n’est pas infinie : la Lune est alternativement plus près et plus loin du Soleil que la Terre, et la droite qui joint son centre à celui du Soleil forme des angles plus ou moins aigus avec le rayon vecteur terrestre. Le Soleil agit donc inégalement et suivant des directions différentes, suivant les positions respectives des trois corps. De là la variation ou inégalité dans l’angle des rayons vecteurs de la Terre à la Lune et de la Terre au Soleil, et l’évection ou inégalité dans la distance de notre globe à son satellite. Les alternatives d’augmentation ou de diminution de la distance moyenne de la Lune à la Terre amènent des changements analogues dans la durée de sa révolution sidérale, qui constituent l’équation annuelle. Les lois de l’attraction universelle rendent un compte très-exact de ces trois perturbations, que l’observation avait fait connaître avant qu’aucune considération théorique eût pu en faire soupçonner l’existence.