Astronomie populaire (Arago)/XXIV/08

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 137-140).

CHAPITRE VIII

sur l’atmosphère de mars


Les taches permanentes de Mars ne sont jamais visibles jusqu’au bord de la planète ; ce bord paraît lumineux. Ces deux faits ont conduit à la conséquence que Mars est entouré d’une atmosphère, La prédominance d’éclat du bord oriental et du bord occidental, a paru telle à quelques observateurs, qu’ils ont comparé ces deux bords à deux ménisques étroits et resplendissants entre lesquels serait renfermé le reste du disque comparativement obscur.

Herschel n’aperçut dans les étoiles qui s’approchent de Mars aucun des changements extraordinaires d’intensité annoncés jadis par J.-D. Cassini. Cependant il croyait que la planète avait une atmosphère considérable. Des changements sensibles observés sur diverses bandes, au milieu des taches permanentes, ne lui semblaient pouvoir dépendre que de cette cause.

Nous avons parlé en détail des changements qui s’opèrent dans les taches polaires ; ces changements sont réels et évidents. Il en est d’autres beaucoup plus difficiles à apercevoir et à constater. Ces changements, déjà remarqués par Maraldi et qui tiendraient à une diaphanéité plus ou moins grande de l’atmosphère de Mars, sont signalés par MM. Mædler et Beer à peu près en ces termes :

« Les taches permanentes de Mars se montrent tranchées, vives et nettes pendant l’été de l’hémisphère où elles sont placées. L’hiver de cet hémisphère arrive-t-il, les taches deviennent vagues, confuses et faibles. »

Ainsi, des diaphanéités relatives d’une atmosphère estivale et d’une atmosphère hivernale, deviendraient sensibles vues de la Terre.

Quelques observateurs ont remarqué que les taches sombres présentent une légère teinte verdâtre, mais cette couleur n’a rien de réel. Elle est un phénomène de contraste, ainsi que cela se voit toutes les fois qu’un objet blanc et faible est placé à côté d’un autre objet fortement éclairé en rouge.

La disparition des taches permanentes de Mars près des bords de son disque, considérée comme un effet et comme une preuve de l’existence d’une atmosphère dont la planète serait entourée, mérite d’être développée ici, car elle trouvera son application lorsque nous nous occuperons de Jupiter et de Saturne.

Sans entrer dans le détail des principes de photométrie qui pourraient trouver une application dans l’examen actuel, nous pouvons regarder comme un résultat d’observation que, lorsque la lumière solaire éclaire librement la partie matérielle d’un corps sphérique et raboteux, le bord et le centre de son disque apparent vus de loin, ont à peu près la même intensité. Ce fait, nous le tirons de l’observation de la Lune dans son plein.

L’égalité en question n’aurait plus lieu si les rayons qui vont éclairer les bords et le centre de l’astre n’avaient pas le même éclat.

Les rayons solaires qui illuminent les bords de l’astre sont-ils plus faibles que les rayons qui frappent le centre, les bords paraîtront moins éclairés que le centre.

Or, si Mars est entouré d’une atmosphère imparfaitement diaphane, les rayons qui vont atteindre le bord de la planète doivent être plus faibles que les rayons aboutissant au centre, puisqu’ils ont eu à traverser une plus grande étendue de couches atmosphériques ; donc par cette raison et même sans tenir compte de l’affaiblissement que la lumière éprouve en traversant une seconde fois les deux régions atmosphériques dont il vient d’être question, la partie solide ou liquide des régions voisines du bord doit être plus sombre que la partie solide ou liquide des régions centrales.

Il est une seconde cause qui, sans changer le résultat, peut en modifier notablement les conséquences optiques. En effet, dans la direction de chaque point matériel de la planète, on doit voir à la fois la lumière renvoyée par ce point et celle qui nous est réfléchie dans la même direction par les parties correspondantes et interposées de l’atmosphère planétaire. Cette seconde lumière est évidemment d’autant plus intense que l’atmosphère a plus de profondeur ; on conçoit donc que, près du bord, la lumière atmosphérique en s’ajoutant par portions égales à la lumière d’une tache et à celle de portions voisines plus éclatantes, les rendent à peu près égales, d’après ce principe que deux lumières paraissent avoir le même éclat lorsque leur différence n’est que de 1/60e.

Supposons, par exemple, qu’une tache et la portion avoisinante aient entre elles des intensités représentées par 30 et 31 ; supposons qu’on ajoute à chacune des deux parties des lumières représentées par 30, les intensités définitives deviendront 60 et 61. Avant l’addition, la tache était très-différente des parties qui l’entourent ; après, la différence est insensible.

Des considérations de ce même genre, combinées avec quelques mesures photométriques des parties obscures et des parties lumineuses faites près du centre et à différentes distances du bord, conduiront à des conséquences qui semblaient devoir nous rester à jamais cachées sur les propriétés optiques de l’atmosphère de Mars.