Astronomie populaire (Arago)/XXIX/08

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 462-466).

CHAPITRE VIII

historique de la découverte des satellites de saturne


En dirigeant sur Saturne deux lunettes de 4 mètres et de 7m,47, dont il avait travaillé les verres de ses propres mains, Huygens découvrit, le 25 mars 1655, le premier des satellites de cette planète que les hommes aient vu. Le même instrument aurait pu servir à en apercevoir d’autres ; mais Huygens ne les chercha point ; après son observation, le nombre des satellites se trouvait égal à celui des planètes de notre système ; or, d’après d’anciennes opinions à la domination desquelles le grand géomètre n’avait pas su se soustraire, il n’était pas possible que le nombre des planètes principales fût inférieur au nombre total des planètes secondaires. Des idées théoriques ont très-souvent conduit à de brillantes découvertes. Ici l’effet fut diamétralement opposé ; mais aussi que dire de cette prétendue loi du monde matériel devant laquelle le génie de Huygens s’arrêta ?

À la fin d’octobre 1671, Jean-Dominique Cassini aperçut, avec une lunette de 5m,52 seulement, un satellite qui, dans ses excursions, s’écartait plus de la planète que le satellite de Huygens. Le 23 décembre 1672, des lunettes de 11m,37 et de 22m,74 dévoilèrent au même astronome un nouveau satellite dont l’orbite, au contraire, était contenue dans celle du satellite de Huygens.

Dans le mois de mars 1684, Cassini découvrit deux autres satellites de Saturne. Il s’était servi pour ces dernières observations de deux objectifs de Campani, de 32m,48 et de 44m,18 de foyer, et ensuite de deux nouveaux objectifs de 29m,24 et de 22m,74. Ces grandes lentilles étaient employées sans tuyaux : Cassini les plaçait tantôt sur l’Observatoire, tantôt à l’extrémité d’un grand mât, tantôt enfin sur une tour de bois qui avait été transportée de Marly à Paris.

On jugea à propos, à l’occasion de ces découvertes, de frapper une médaille portant pour inscription : Saturni satellites primum cogniti.

Les environs de Saturne avaient été si complétement explorés dans la vue d’y trouver des satellites que le sujet semblait épuisé ; mais des nouvelles de Slough apprirent, en 1789, combien on se trompait. Le 28 août de cette année, le grand télescope de 12m,67 signala à Herschel un satellite plus voisin encore de l’anneau que les cinq déjà observés.

Grâce à la puissance prodigieuse du télescope de 12m,67, un dernier satellite alla s’interposer, le 17 septembre 1789, entre le précédent et l’anneau. Ce septième satellite découvert est d’une faiblesse extrême ; Herschel parvenait cependant à le distinguer quand les circonstances étaient très-favorables, même à l’aide d’un télescope de 6m,50.

Les orbites des deux derniers satellites découverts ont des dimensions très-petites ; ces astres se trouvent donc souvent derrière la planète ou se projettent sur son disque. Dans d’autres circonstances, la lumière de l’anneau près duquel ils circulent les efface entièrement. Quand l’anneau se présente par la tranche, quand il s’offre à nos regards sous la forme d’une ligne lumineuse excessivement étroite, les satellites semblent, le long de cette ligne, des grains de chapelet brillants et mobiles.

Saturne se trouvait déjà armé de sept satellites dont l’un, comme on peut le voir par le tableau des durées des révolutions données dans le chapitre précédent, tourne autour de la planète en 22 à 23 heures. Une Lune faisant sa révolution entière en moins d’un jour, n’est pas une des moindres singularités de la plus singulière planète que le firmament ait offerte aux regards des hommes. Cassini avait déjà remarqué que les temps des révolutions et les dimensions des deux satellites qu’il avait découverts en 1684 satisfaisaient à la troisième loi de Kepler.

Un dernier satellite de Saturne a été découvert presque simultanément, en septembre 1848, par M. Bond, à Cambridge, dans les États-Unis, et par M. Lassell à Liverpool, en Angleterre. Ce satellite est compris entre le satellite de Cassini, le plus éloigné de la planète, et le satellite de Huygens.

Les longs intervalles qui se sont écoulés entre les époques des différentes découvertes que nous venons de raconter, s’expliquent par les difficultés que présentaient les observations. Il était réservé au père Vico et à ses collaborateurs du Collége romain de prouver que les plus petits satellites de Saturne peuvent être vus et observés avec des lunettes d’une puissance médiocre. Il faut, pour cela, couvrir avec un écran opaque l’anneau et la planète, la lumière de ces deux portions de l’astre étant suffisante pour effacer dans notre œil la lumière plus faible des satellites intérieurs. Ce n’est pas sans surprise qu’on voit ici l’anneau de Saturne jouer le rôle d’un corps éblouissant.

À l’époque où les satellites de Saturne furent aperçus pour la première fois, on les désigna par des numéros d’ordre correspondants à la date de la découverte. Ainsi on appela premier satellite celui qui fut observé le premier ; second satellite celui qui fut découvert le second, et ainsi de suite. Mais ces astres n’ayant pas été aperçus dans l’ordre de leurs distances à la planète ou de leurs grandeurs, on a senti le besoin, pour éviter toute confusion, de remplacer les numéros d’ordre ou de grandeur par des noms tout à fait arbitraires.

C’est en 1847 que ce changement s’effectua. John Herschel, ne considérant que l’ordre des grandeurs des satellites alors connus, leur assigna les noms suivants : Mimas, pour le plus rapproché de la planète, Encelade, pour le second, Téthys, pour le troisième, Dioné, pour le quatrième, Rhéa, pour le cinquième, Titan, pour le sixième, Hypérion, pour le septième, et Japhet, pour le huitième.

Si un neuvième satellite vient à être découvert, on le classera à son rang sans avoir besoin de rien changer à la nomenclature arrêtée en 1847.

Le tableau suivant résume l’histoire de la découverte des satellites de Saturne.

Nos d’ordre
des satellites
d’après leurs
distances
à Saturne.
Noms des
satellites.
Ordre de
leur découverte.
Auteurs et dates
des découvertes.
1 Mimas. 7 Herschel, 17 septembre 1789.
2 Encelade. 6 Herschel, 28 août 1789.
3 Téthys. 5 Cassini, mars 1684.
4 Dioné. 4 Cassini, mars 1684.
5 Rhéa. 3 Cassini, 23 décembre 1672.
6 Titan. 1 Huygens, 25 mars 1655.
7 Hypérion. 8 Bond et Lassell, septembre 1848.
8 Japhet. 2 Cassini, octobre 1671.

La distance de Mimas à Saturne est de 48 233 lieues de 4 kilomètres en partant du centre de la planète ; de 33 878 lieues en partant de la surface ; de 12 646 lieues en partant de l’anneau.

Titan est le plus grand des satellites de Saturne ; son diamètre apparent est environ 1/16e de celui de la planète.