Astronomie populaire (Arago)/XXXII/08

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 546-548).

CHAPITRE VIII

propriétés de la chaleur qui est mêlée aux lumières terrestres — substances diathermanes


La chaleur qui est mêlée aux lumières terrestres a des propriétés par lesquelles elle se distingue de la chaleur qui accompagne les rayons solaires. Dans les circonstances ordinaires, la chaleur mêlée aux rayons du Soleil se réfléchit à la surface des corps et s’absorbe dans leur substance, comme le fait la lumière proprement dite. Il n’en est pas de même de la chaleur qui est mêlée aux lumières de nos feux.

Quand on fait passer à travers une plaque de verre diaphane la lumière qui émane du feu de nos foyers, soit que cette lumière provienne de la combustion du bois ou de celle du charbon de terre, elle n’éprouve pas un affaiblissement différent de celui qu’eût subi un faisceau de lumière également intense provenant du Soleil ; mais dans ce dernier cas, à la sortie de la plaque, les rayons lumineux émanant de nos feux terrestres sont presque complétement privés de leur chaleur primitive. Cette chaleur a été retenue en totalité par la plaque de verre traversée[1].

La chaleur obscure qui émane des sources terrestres, outre ce que nous venons de rapporter, jouit de quelques propriétés particulières très-remarquables, qui n’ont été découvertes que depuis peu d’années.

Voici quelques faits qui frapperont d’étonnement le lecteur attentif :

L’alun et le sel gemme sont également diaphanes pour la lumière ;

L’alun, même très-aminci, arrête tous les rayons calorifiques des sources terrestres ; le sel gemme les laisse tous passer ;

Certains verres noirs, lors même qu’ils sont tellement épais qu’on ne voit pas le Soleil au travers, laissent passer des rayons calorifiques provenant des sources terrestres.

De là résulte la nécessité de l’expression diathermane, que M. Melloni, l’ingénieux auteur de ces observations, a justement introduite dans la science. Mariotte avait déjà constaté que la chaleur des feux terrestres est arrêtée par les lames de verre ; tout le monde sait que les ouvriers fondeurs et verriers se servent d’écrans de verre pour exécuter leurs travaux ; la lumière accompagnée de la chaleur blesserait leurs yeux ; la lumière seule traversant le verre, et la chaleur étant arrêtée par cette substance, les ouvriers peuvent manier sans danger les substances échauffées par la chaleur d’origine terrestre ; la chaleur solaire se comporte tout autrement. On voit que ce n’est pas la lumière qui échauffe, mais que des rayons calorifiques accompagnent les rayons lumineux.

Pendant le passage d’une lumière terrestre à travers une lame de verre, cette lumière est d’autant plus débarrassée de la chaleur qui l’accompagnait, que la température de la source d’où elle émane est moins élevée. Mais voici encore un corps qui jouit, pour ainsi dire, de propriétés inverses. Une lame de sel gemme enfumée à sa surface transmet une proportion de chaleur rayonnante d’autant moindre, que la température de la source est plus élevée.

Lorsqu’un corps terrestre vient d’être échauffé par la lumière solaire, on pourrait être tenté de supposer que la chaleur rayonnante qui émanera de ce corps jouira des propriétés de la chaleur naturellement mêlée aux rayons solaires ; mais il n’en est rien : cette chaleur est entièrement absorbée par les verres diaphanes à travers lesquels on la fait passer ; le corps rend donc une chaleur différente de celle qu’il s’était appropriée.

  1. Tels sont les phénomènes généraux. Je dois dire cependant qu’on pourrait déduire d’expériences récentes de M. Melloni cette conséquence que la chaleur qui est mêlée à la lumière solaire ne s’affaiblit pas en traversant des couches inférieures de l’atmosphère dans le même rapport que les rayons lumineux, ou du moins que la chaleur transmise quand le Soleil est à une certaine hauteur, et celle qui nous arrive quand cet astre approche de l’horizon, n’ont pas les mêmes propriétés.