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Astronomie populaire (Arago)/XXXIII/12

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 669-672).

CHAPITRE XII

de l’année égyptienne — année vague — période sothiaque


On pense que les Égyptiens firent primitivement usage d’une année de 360 jours, partagée en 12 mois de 30 jours chacun. Telle est même, suivant l’opinion de quelques érudits, l’origine de la division du cercle en 360 parties égales, en 360 degrés.

L’histoire de Rhéa et de Saturne, rapportée par Plutarque, a fait croire que les cinq jours complémentaires (épagomènes) furent ajoutés par Mercure Trismégiste à l’année primitive de 360 jours.

L’année égyptienne, portée à 365 jours, avait, quoiqu’à un moindre degré, le défaut capital de l’année de 360 : celui de différer du temps employé par le Soleil à faire sa révolution complète.

L’année de 365 jours a pris le nom d’année vague. Voyons quelle est l’origine de cette dénomination ; cherchons à découvrir les inconvénients de l’année vague.

Dans l’explication des saisons (liv. xxxii, chap. xii), nous avons montré par le fait et par le raisonnement que les températures annuelles, dans un lieu donné, se partagent en deux périodes, l’une croissante et l’autre décroissante, et que, grâce au nombre de jours dont se compose actuellement notre année civile, chaque jour d’une certaine dénomination, tels que 10 janvier, 20 mars, 15 juillet, 19 septembre, etc., abstraction faite des circonstances atmosphériques accidentelles, jouit tous les ans de la même température. Cela tient évidemment à ce qu’en moyenne le Soleil revient ce jour donné à la même position relativement à l’équateur, par conséquent à la même position par rapport à un horizon déterminé. Or on a vu dans le chapitre cité que c’est cette position qui règle les températures terrestres.

Voyons maintenant ce qui arrivera si la longueur de l’année civile n’est pas égale à la longueur de l’année astronomique. Supposons, comme c’était le cas chez les Égyptiens, que l’année civile soit de 365 jours, tandis que l’année astronomique est d’environ 365j,25.

Choisissons un jour d’une dénomination déterminée, le 21 mars, par exemple, jour de l’équinoxe. Dans ce jour, on éprouve une certaine température liée à cette circonstance, que le Soleil décrit l’équateur. L’année d’après, quand on comptera 21 mars, le Soleil ne sera pas encore dans l’équateur, il faudra un quart de jour de plus pour qu’il atteigne ce plan. Lorsqu’on sera arrivé, après une nouvelle période, au 21 mars, le Soleil sera encore plus éloigné du plan de l’équateur, et il lui faudra un demi-jour pour l’atteindre.

Enfin, après quatre révolutions, le Soleil, au lieu d’être à l’équateur comme à l’origine de la période, le 21 mars, n’y arrivera que le 22 ; ce sera donc ce 22 mars qui jouira de la température qu’on avait observée au début le 21. Après quatre nouvelles révolutions, le Soleil n’atteindra l’équateur que le 23 ; ce sera donc le 23 qu’on trouvera la température observée d’abord le 21. À chaque période de quatre ans, l’équinoxe aura retardé d’un jour, de sorte que la température originelle du 21 mars aura lieu successivement en avril, en mai, en juin, etc.

Tous les jours de l’année viendront, quant à la température, prendre la place du 21 mars, tous les mois de l’année se plongeront donc successivement, en rétrogradant, dans l’hiver.

Dans l’état actuel des choses, on jouit dans nos climats d’une température modérée en avril ; les mois de juillet et d’août sont chauds ; les mois de décembre et de janvier sont froids. Dans le système que nous examinons, le même mois serait successivement tempéré, chaud et froid. Les travaux de l’agriculture se rapportent aux divers mois, non pas à cause de leurs noms, mais à cause de leurs températures. Dans le système de l’année égyptienne, on ne pourrait donc pas dire : la moisson se fait dans tel mois, la vendange dans tel autre, puisque tous les mois, dans une certaine période, correspondraient à la température favorable à la moisson, à la température où la vendange devrait s’effectuer, etc.

Cet inconvénient saute aux yeux de tout le monde ; mais il en est d’autres qui ne sont pas moins évidents. Supposez, par exemple, qu’un historien rapporte qu’une bataille s’est livrée au mois de janvier : dans le système de calendrier actuel, on sait que l’événement a eu lieu en hiver ; dans le système des Égyptiens, il faudrait un calcul pour décider si c’est en hiver, au printemps, en été, en automne que la bataille a été donnée, attendu que le mois de janvier correspond successivement à toutes les saisons.

Dans quelle période d’années égyptiennes (ces années ont été très-justement appelées années vagues), tous les mois ont-ils correspondu à toutes les saisons ? Il est évident que, pour l’obtenir, il faut multiplier par 4 la longueur de l’année égyptienne ou 365 jours, ce qui donne une période de 1 460 années vagues ; cette période, dans laquelle tous les jours de l’année ont joui de la même température, s’appelait, chez les anciens, la période sothiaque.

Des motifs superstitieux étaient invoqués en faveur de l’année vague, les voici ; on disait : Les fêtes civiles et religieuses se célébrant à des jours déterminés de l’année, ces fêtes, après un certain temps (1 460 ans), auront correspondu à toutes les saisons, et les auront ainsi sanctifiées. Je n’ai sans doute pas besoin d’insister sur la puérilité de considérations de cette nature, qui sont abandonnées depuis l’adoption de l’année intercalaire.