Astronomie populaire (Arago)/XXXIII/21

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 4p. 690-693).

CHAPITRE XXI

commencement de l’année


Là où l’année ne se composait que de 354 ou de 355 jours, là où on avait réglé sa longueur sur le cours de la Lune, le commencement devait successivement correspondre à toutes les saisons. Il serait donc sans intérêt de chercher quels étaient les premiers mois de ces années lunaires.

Venons aux nations modernes en possession de l’année solaire. Elles ont eu cinq manières principales et différentes de la commencer.

Les unes prirent pour ce commencement le 25 décembre, de Noël, jour de la naissance de Jésus-Christ.

D’autres choisirent le 1er janvier : c’est la pratique en usage aujourd’hui.

On en peut citer qui fixèrent invariablement le premier jour de l’an au 1er mars.

On en trouve d’autres où ce premier jour était le 25 mars, jour de l’Annonciation.

Enfin, quoique la fête de Pâques soit mobile, quoiqu’elle puisse correspondre à tous les jours compris entre le 22 mars et le 25 avril, le jour de Pâques a été, chez quelques peuples, le jour initial.

Citons des exemples en témoignage de ce que nous venons de rapporter.

1erjour de l’an à Noël 
En France, du temps de Charlemagne.
Au 1er janvier 
Pratique reprise en Allemagne vers 1500 ; prescrite en France par un édit de Charles IX, en 1563; adoptée en Angleterre pour commencer l’année 1752.
Au 1er mars 
En France, vers l’année 755.
Au 25 mars 
En Angleterre jusqu’à l’année 1752.
À Pâques 
Usage commun en France sous les rois capétiens, presque général au xiie et au xiiie siècle.

Le même acte législatif qui, en Angleterre, substitua le calendrier grégorien au calendrier julien, réduisit de près d’un quart la longueur de l’année 1751. L’année 1751, comme les années précédentes, avait commencé, en Angleterre, le 25 mars. C’était donc à partir du 25 mars qu’on aurait dû changer le millésime ; on le changea plus tôt afin de se trouver d’accord avec les nations du continent. L’année anglaise 1751 ne s’acheva pas ; dès le 1er janvier 1751, on compta 1752 : l’année 1751 perdit ainsi son mois de janvier, son mois de février tout entiers, et les vingt-quatre premiers jours de mars. Ceci fait comprendre comment lord Chesterfield, le promoteur du bill, faillit devenir victime de la colère du peuple ; pourquoi on le poursuivait partout aux cris répétés de : rendez-nous nos trois mois. On se serait peut-être résigné à perdre les 11 jours qui furent supprimés en septembre 1752 ; mais peu de personnes consentaient, même quand tout disait que c’était là une simple apparence, à vieillir subitement de trois mois entiers.

Ce changement dans le commencement de l’année 1752, explique la double date qu’on trouve dans beaucoup d’écrits publiés chez nos voisins, dans les mois de janvier, février et mars. Ces écrits portent, par exemple, 15 février ce qui veut dire 15 février 1751, vieux style, ou ancienne manière de commencer les années au 25 mars, et 1752, nouveau style, ou suivant la méthode prescrite par le Parlement, et adoptée depuis ce temps-là, qui fixe le commencement de l’année au 1er janvier.

La pratique de faire commencer l’année à Pâques rendait les années inégales à ce point, par exemple, qu’on avait deux mois d’avril presque complets dans une seule année. Témoin, l’année 1347 qui avait commencé le 1er avril et ne s’était terminée qu’à la pâque suivante, qui tomba le 20 avril. Cette année 1347 avait donc eu : deux 1er avril, deux jours nommés 2 avril, deux 3 avril… deux 19 et deux 20 avril !

Les Grecs, après avoir adopté le 25 mars pour le commencement de l’année, comme les Anglais, revinrent ensuite à la date du 1er septembre, suivie par les Russes jusqu’au règne de Pierre le Grand. Depuis cette époque, les Russes commencèrent l’année le 13 janvier de notre année.

L’Église répugna longtemps à choisir pour origine de l’année un jour portant le nom d’une divinité païenne : le nom de Janus. Cependant on finit par trouver plus commode que le premier jour de l’année fût aussi un premier de mois, et le 1er janvier l’emporta sur le 25 décembre en France, en Espagne, en Italie, en Allemagne, en Angleterre, en Amérique, etc.