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Au fait, au fait !!! Interprétation de l’idée démocratique/8

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VIII.


Je ne crois point à l’efficacité des révolutions armées et je dirai tout à l’heure pourquoi je n’y crois point. Cependant, dès qu’une révolution de cette sorte est accomplie, dès qu’elle est acceptée, sans conteste, par le pays tout entier, je conçois la possibilité de la faire tourner au profit de la nation.

Que faut-il pour cela ?

Il faut que l’action révolutionnaire intervienne dans les choses, il faut qu’elle s’applique aux institutions !

La Révolution de février, comme celle de 1830, n’a tourné qu’au profit de quelques hommes, parce que cette Révolution, comme celle de 1830, n’a aboli que des noms propres. Alors, comme aujourd’hui, la machine gouvernementale garda, comme elle garde, les mêmes , rouages, et je n’y vois de changé que la main qui fait tourner la manivelle.

Que voulait-on dire, lorsqu’au 24 février on affichait dans les rues et l’on imprimait dans les journaux que la France avait renversé le gouvernement et reconquis ses libertés ?

Cela signifiait-il simplement que le National avait pris la place du Journal des Débats ?

Quelqu’un a-t-il dit que les conséquences de cet événement qui a remué le monde, dussent avoir pour bornes le triomphe de M. Marrast et de ses amis ?

C’eût été, en vérité, beaucoup de bruit pour une assez pauvre besogne !

Quand la Révolution nous a dit : Le peuple français a reconquis ses libertés, nous avons pris la Révolution au mot et nous avons proclamé dans notre cœur l’abolition, non pas de la royauté seulement, mais du gouvernement royal, du gouvernement qui tenait étroitement enchaîné dans ses serres administratives les libertés de la France.

Ainsi, en reconquérant la liberté de la pensée, la liberté de la presse et la liberté du vote, nous avons aboli, avec son budget, le gouvernement de l’intérieur qui avait été institué pour nous tenir en suspicion au profit du gouvernement du roi.

Ainsi, en reconquérant la liberté des études, nous avons aboli, avec son budget, le gouvernement de l’instruction publique, qui avait été institué pour poinçonner notre intelligence et pour diriger notre éducation au profit du gouvernement du roi.

Ainsi, en reconquérant la liberté de conscience, nous avons aboli, avec son budget, le gouvernement des cultes. qui avait été institué pour n’introduire dans le temple que des hommes dont l’influence était acquise aux intérêts du gouvernement du roi.

Ainsi, en reconquérant la liberté des échanges, nous avons aboli, avec son budget, le gouvernement du commerce, qui avait été institué pour tenir incessamment le crédit public sous la main du gouvernement du roi.

Ainsi, en reconquérant la liberté du travail et de l’industrie, nous avons aboli, avec son budget, le gouvernement des travaux publics, qui avait été institué pour créer de gros bénéfices aux amis du gouvernement du roi.

Ainsi, en reconquérant la liberté des transactions et la liberté du territoire, nous avons aboli, avec son budget, le gouvernement de l’agriculture, qui avait été institué pour tenir le possesseur du sol, c’est-à-dire celui en qui réside la raison de l’alimentation publique, sous la dépendance immédiate du gouvernement du roi.

Ainsi. en reconquérant la liberté d’être, nous avons aboli, avec son budget, le gouvernement des casernes qui, en temps de paix, n’a été institué que pour nous acculer dans le néant politique au profit du gouvernement du roi.

Ainsi, enfin, en reconquérant toutes nos libertés, nous avons aboli, avec ses budgets multiples, cette administration complexe des monarchies bâtardes ; cette tutelle exorbitante qui a pris naissance aux jours ombrageux de la tyrannie impériale ; qui est morte, écrasée par la discussion, depuis plus de trente ans, et dont le cadavre corrompu, faute par nous d’avoir su où et comment l’enterrer, asphyxie la liberté.

S’il est vrai qu’une Révolution abolit quelque chose, voilà ce que nous avons aboli le 24 février !

S’il est vrai que les peuples se révolutionnent pour conquérir leurs libertés, voilà les libertés que nous avons reconquises le 24 février !