Aller au contenu

Au jardin de l’infante/Hélène

La bibliothèque libre.
Au jardin de l’infanteMercure de FranceŒuvres de Albert Samain, t. 1 (p. 207-208).
◄  Silence

HÉLÈNE

L’âcre vapeur d’un soir de bataille surnage.
L’Argienne aux bras blancs a franchi les remparts,
Et vers le fleuve rouge, où les morts sont épars,
Solitaire, s’avance à travers le carnage.


Là-bas, les feux des Grecs brillent sur le rivage ;
Les chevaux immortels hennissent près des chars…
Lente, elle va parmi les cadavres hagards,
Et passe avec horreur sa main sur son visage.



Qu’elle apparaît divine aux lueurs du couchant !…
Des longs voiles secrets, qu’elle écarte en marchant,
Monte une odeur d’amour irrésistible et sombre ;


Et déjà les mourants, saignants et mutilés,
Rampant vers ses pieds nus sur leurs coudes dans l’ombre,
Touchent ses cheveux d’or et meurent consolés.