Au pays de Manneken-pis/Vierges byzantines
VIERGES BYZANTINES
Dans son impalpable peignoir
De tulle noir
Certe elle est plus originale
Que virginale.
Son corps de plâtre a des luisants
Bien séduisants :
Il semble, en le crépon morose,
Un éclair rose.
Par essaims jaseurs les baisers
Inapaisés
S’envolent vers ses chairs ravies,
Tièdes d’envies.
Elle est exquise de beautés
Et de bontés ;
Mais à travers le haut bas soufre
Brillent — j’en souffre ! —
Aux yeux tristement éblouis
Quelques louis…
Pourquoi m’apparaître vénale,
L’originale ?
Pourquoi faut-il que l’affligeant
Et bête argent
Au bout de ta sûre caresse
Nous apparaisse ?
Je ne cherche point ton amour
Ni ton humour ;
Cesse d’alanguir ton échine,
Belle machine.
Laisse-moi donc ! je ne veux pas
De tes appas
Ni de ta bouche trop savante,
Et qui s’en vante !
Sans poivre éclate mon menu :
Je suis venu
Pour voir tes payeurs de champagnes
Et tes compagnes,
Pour vos rires, pour vos refrains
Gais et sans freins ;
Je suis venu pour voir du rouge,
Aimable gouge.
Du vert, du bleu, du cramoisi,
Du jaune aussi !
Et pour humer les aromates
De vos peaux mates,
Pour noter les parfums rôdeurs
Des mille odeurs
Qui sont l’encens de votre turne
Peu taciturne !
— Sur les lambris dûment dorés
Et mordorés,
En une pétulante tache
Le corps détache
Sa silhouette et ses contours
Aux vifs atours…
Pourtant, obsédante équivoque !
Ce coin m’évoque,
En son monde pâle et pimpant
Se découpant
Sur des fonds où l’on voit se suivre
L’or et le cuivre,
Les vieux chefs-d’œuvre byzantins
Où, mes catins,
Luisent les Vierges chlorotiques
Des bons gothiques !