Au pays des ajoncs/Kéris

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Au pays des ajoncs. Avant le soirLibrairie Henri Leclerc (p. 17-33).

KÉRIS

Pétra zo névez è Ker-Is
Mar d’eo ken drant ar iaonankiz,
Ha mar klevan ar biniou
Ar vombard bag ann télennou
[1]


I


Comme, sur un rocher de l’île, loin des grèves,
Les yeux demi-perdus dans le soleil levant,
J’abandonnais ma loque aux tourbillons du vent
Et laissais choir mon cœur dans l’infini des rêves,

Je vis surgir du fond, du profond de la mer,
Un porche en fleurs, des bois, une ombre de prairie,
Et je pensai : « C’est quelque idéale féerie,
Fille de l’eau menteuse et des esprits de l’air. »


Mais le bois s’allongea, puis une étroite allée
Se mit à serpenter au milieu des ajoncs.
Avec ses hautes tours et ses mille donjons
M’apparut une ville noble et désolée.

Tremblante, elle baignait son front dans la clarté,
Comme une veuve en deuil, encore désirable.
On eût dit que je ne sais quoi d’irréparable
S’était, un jour, appesanti sur la cité.

Une herbe d’un vert pâle envahissait les rues.
Les fontaines coulaient à peine, indolemment.
La vie était muette en ce château dormant,
Et la campagne, au loin, n’avait pas de charrues.

Tant de logis d’amour, et pas un damoiseau !
Tant de clochers bien ajourés, et pas un prêtre !
Nul sourire de blonde à l’étroite fenêtre,
Pas même, sur la lande, un petit chant d’oiseau.

Et tout ce formidable et morne paysage
Oscillait doucement au remous du matin,
Et j’aurais bien voulu cueillir un brin de thym
Sur cette terre à moitié morte et sans visage.

Je disais : « Qu’est-ce là ? Quels goujats sont venus
Saccager le jardin avec ses roses blanches ?

Quel enfant de tristesse est resté sous les branches ?
Qu’a-t-on fait de la belle Émeraude aux seins nus ? »

II


Kéris, Kéris ! — Eh ! c’est l’impudique endormie,
La Ville aux yeux mauvais, dont on m’a tant parlé,
La Ville de Gralon et de saint Guennolé,
Toute suante encor de sa vieille infamie !

C’est là qu’on a craché sur le Dieu mort en croix,
Que le vin ruisselait sur les nappes rougies ;
C’est là qu’Ahès la folle a mené ses orgies
Qui faisaient frissonner jusqu’aux bêtes des bois.

Tandis que le vieux roi, dans sa cellule close,
Épelle lentement l’Évangile du jour,
Sa fille incomparable est au château d’amour,
Entre le serpent jaune et la mauvaise rose.

Les sept péchés mortels sont sortis de l’enfer
Afin d’auréoler sa merveilleuse tête,
Et sa luxure fait comme un bruit de tempête,
Par une nuit épouvantable, sur la mer.

Partout rires et cris, tonnerres de bombardes,
Ruffians sans pudeur, affreux musiciens.

Qu’un pauvre se présente, on lui lâche les chiens ;
C’est l’or pris au bon Dieu qui fait chanter les bardes.

La ronce croit au seuil des autels profanés.
Les vieux saints désertés sanglotent en silence.
Tandis que recommence encore et recommence
La ronde fourmillante et folle des damnés.

Et le prince est venu qu’on attendait, tout rouge,
Avec la barbe étincelante et l’œil méchant.
Comme dans une auberge il entre, trébuchant,
En ce palais, jadis royal, qui n’est qu’un bouge.

— Salut, garçons légers, fille du vieux Gralon !
Vous croyez rire et votre ivresse est lamentable.
Laissez-moi seulement m’asseoir à votre table,
Avant qu’il soit longtemps, vous en apprendrez long.

— Connais-tu, par hasard, quelque nouveau blasphème ?
Suis moi, bel étranger, et sois le bienvenu.
— Tout le mal, je le sais. Rien ne m’est inconnu.
Je suis pire que Dieu lui-même. — Alors, je t’aime.

Ahès se pend au cou du sombre visiteur,
Et le bal de nouveau court, pétille, flamboie.
Les danseurs saut hideux, plus hideuse est leur joie.
C’est à qui jettera sa bave au Créateur.


— Fille du flot pervers, dit le prince, ô ma douce !
Je veux céans t’offrir un divertissement,
Il te plaira. Qu’on aille à Kéris seulement
Me quérir crucifix et croix, tant qu’il en pousse.

Trois ribauds sont partis saccager les moutiers ;
Trois autres sont allés piller les sanctuaires,
Ils volent tout, flambeaux, coffrets et reliquaires,
Ils brisent tout, autels, tombes et bénitiers.

La canaille à ce jeu s’est assez divertie.
Chacun rentre suant, les bras lourds de butin,
Et voici qu’au milieu des hontes du festin,
En son ciboire d’or brille la Sainte Hostie.

Dès que le prince rouge a vu le corps de Dieu :
— Joie à vous tous, dit-il encor, gloire au plus digne !
Il rit, grince des dents, bave, écume, trépigne,
Et dans ses yeux maudits tourbillonne du feu.

Il crache sur le pain consacré par le prêtre,
L’écrase sous sa botte à grands coups de talons.
Ceux de Kéris, pareils à de noirs étalons,
Bondissent, dans l’orgie infâme, autour du Maître.

— Maudite soit la croix ! maudit le Dieu vivant ! —
Et tous de se ruer sur la vaisselle sainte.

Le calice adorable, ils y boivent sans crainte ;
La cendre des vieux saints, ils la jettent au vent.

Et la danse reprend, nue, horrible, saurage,
Les anneaux repliés comme un serpent qui fuit.
Ce qu’a vu son œil triste a fait pleurer la nuit,
Et l’ange de Bretagne a voilé son visage.

Soudain, dans le ciel calme un éclair a couru,
Tout le palais chancelle et le tonnerre éclate.
Il passe des feux verts, une flamme écarlate :
Danseurs, danseuses, baladins ont disparu.

Près d’Ahès qui sourit et que la foudre éclaire,
Le prince est resté seul, diaboliquement beau.
— Dieu, dit-il, nous devait ce merveilleux flambeau.
Ne m’entends-je pas bien à le mettre en colère ?

Ô douce de mon âme, ô toi qui me rends fou,
J’ai grand désir de voir la clef de vos écluses !
Tu l’as sûrement. — Las ! mon amour, tu t’abuses.
C’est le vieillard Gralon qui le porte à son cou.

En sa chambre de moine, à cette heure, il repose.
Comment faire ? — Vraiment, trembles-tu pour si peu ?
Et dans les yeux d’Ahès il met ses yeux de feu ;
Il baise sa main blanche et ses lèvres de rose.


Gracieux comme un ange au clair du firmament,
Tant la vieillesse avec l’innocence a de charmes,
Le roi dormait, le cœur dolent et tout en larmes.
Quelqu’un dans la cellule est entré doucement.

C’est la princesse de tout mal, que rien ne touche.
Elle rit de celui qui peut l’aimer encor.
Quand au cou de son père elle a pris la clef d’or,
Un éclair de triomphe illumine sa bouche…

La mer, la mer, la grande mer, la mer qui bout !
Comme un dogue en fureur, elle a brisé sa chaîne.
Plus hurlante toujours sous le vent qui l’entraîne,
De son suaire immense elle recouvre tout.

Déjà plus de rivage, et le flot roule, roule.
Cri morne et long troupeau de cadavres le suit.
On entend dans la nuit, l’interminable nuit,
Le bruit terrifiant de Kéris qui s’écroule.

Alors saint Guennolé s’en va trouver le roi,
— Roi, lève-toi, car la grande écluse est ouverte.
Lève-toi, si tu veux échapper à ta perte.
La mort est à deux pas, qui n’attend plus que toi.

Je t’avais dit que Dieu vengerait son offense.
À cheval, sauve-toi ! Le moment est venu. —

Et Gralon, hors de lui, grelottant, presque nu,
Pleure et crie : — Oh ! ma pauvre ville sans défense !

Tous deux partent sous les éclairs, au son des glas.
Ils vont, ils vont vers le salut, vers la campagne.
La voix terrible de la mer les accompagne ;
Il leur faut enjamber des morts à chaque pas.

Et juste à la même heure, au milieu des décombres
De ces mille palais qui n’ont plus de vivants,
Ahès errait à droite, à gauche, à tous les vents,
Belle en son désespoir, comme l’esprit des ombres.

Plus léger qu’un blasphème, a fui l’amant félon.
Elle erre dans la mort, sans même une suivante.
Deux chevaux ont passé devant son épouvante,
Vite, elle a reconnu le saint avec Gralon.

Sauve-moi, père, père ! — Et sa voix ensorcelle,
Et son visage éclate en ses cheveux d’argent.
— Fuyons, dit Guennolé. Mais le père indulgent
Prend sa fille et l’assoit doucement sur la selle.

Aussitôt la mer gronde et bondit sur leurs pas.
Elle envoie en avant son haleine effroyable.
— Gralon, dit Guennolé, rejette à l’eau ce diable !
Mais le père ne voit que l’enfant dans ses bras.


Il réchauffe son corps glacé, sans un reproche.
Puisque ses vieilles mains ont pu la soulever,
Il n’a plus qu’un désir et c’est de la sauver.
La mer surgit, la mer grandit, la mer approche.

Elle baigne déjà le pied blanc des chevaux,
Elle hurle à la mort et réclame sa proie.
Et le père, plein d’une amère et triste joie,
Berce l’enfant aux yeux de pervenche, au cœur faux.

Les chevaux sont dans l’eau, la crinière éperdue.
Ils sentent sur leur cou glisser un souffle froid
Qui hérisse leurs poils et les glace d’effroi.
Ils hennissent lugubrement dans l’étendue.

Et la mer monte encor d’un furieux galop.
Elle vient de toucher les fuyards à l’épaule.
C’est la fin. Guennolé prend son bâton de saule
Se signe, et frappe Ahès qui roule au premier flot.

D’un brusque mouvement toute la mer recule.
Elle écrase Kéris de son linceul croulant.
À l’horizon des bois se lève un jour sanglant,
Et cette aurore a des reflets de crépuscule.

Gralon chevauche près du saint, l’œil égaré.
Ses mains tremblent de peur et sa vieille âme souffre.

Il a vu son enfant s’abîmer dans le gouffre ;
Il entendra toujours son cri désespéré.

Mais voici qu’au sommet de la plus haute vague
S’allume on ne sait quoi qui scintille en dansant.
Au ras des flots s’égrène un rire éblouissant.
Une forme surgit, délicieuse et vague.

Désormais elle est fée, Ahès au cœur de fer,
Elle a changé de nom en changeant de fortune,
Et c’est Mary-Morgan qui chante au clair de lune.
En peignant ses cheveux de blonde, sur la mer.

III


Je méditais, pensif, cette lugubre histoire,
Plaignant Kéris la grande en son lourd châtiment,
Quand se fit dans l’abîme un léger tournoiement :
Je vis au fond de l’eau s’ouvrir un oratoire.

Sur le seuil apparut un prêtre en cheveux blancs.
Les traits durs, droit encore en sa chape râpée,
Il portait le Saint-Sacrement comme une épée.
Et dans la cité morte il s’en fut à pas lents.

Un pâle enfant de chœur, en noire soutanelle,
Agitait devant lui la crécelle de bois.

Sur cette terre ingrate, en ce pays sans voix,
C’était comme un écho de la vie éternelle,

Et tout, portes et murs, parut se balancer.
Les palais oscillaient et soulevaient leurs dômes ;
Il en sortait, sans bruit, un peuple de fantômes
Qui sur le velours de la mer semblait glisser ;

Dragueurs, marins, pêcheurs, ouvriers de la terre,
Nobles et gens de rien, tous étaient confondus.
Tous au même récif honteux s’étaient perdus,
Avaient du même coup sombré dans le mystère.

Et la vague passa vingt fois et repassa ;
Une lueur brilla, qui ne fit qu’apparaître
En un frisson d’angoisse ; à la suite du prêtre,
Une procession sinistre s’avança.

Au premier rang flottaient d’innombrables bannières
Où de très vieux martyrs montraient leurs poings sanglants.
Les vierges qui suivaient avaient les yeux dolents,
De ces yeux sans espoir qu’on voit aux prisonnières.

Cent kloareks, le front rasé, venaient après,
Chacun jetant sa plainte, égrenant son rosaire,
Puis quatre matelots, vrais piliers de misère,
Qui portaient un navire avec tous ses agrès.


Ce qui venait ensuite effrayait comme un rêve.
Tant de Saints convulsés, de Christs noyés de pleurs,
Tant d’images de la Vierge des Sept Douleurs,
Le cœur agonisant sous le tranchant du glaive !

Et derrière, une foule étrange, aux cheveux longs,
Qui toujours grossissait dans un bruit d’avalanche,
Hommes en bragou-braz, femmes en coiffe blanche,
Avec leurs châles noirs traînant sur les talons.

Et les vagues grondaient, et des larmes amères
Ruisselaient à longs flots de tous ces pauvres yeux :
Les jeunes gens pleuraient sur l’épaule des vieux,
Les enfants sanglotaient aux jupes de leurs mères.

Du plus haut des beffrois tout à coup s’envola
Une mélancolique et claire sonnerie.
Comme au jour de Noël ou de Pâques fleurie
Toutes les cloches d’Ys chantèrent à la fois.

Mais ce chant qui mourait en tintements funèbres
N’était pas l’hymne heureux d’un monde jeune et beau.
On eût dit que ces voix qui sortaient du tombeau
Célébraient tour à tour l’office de Ténèbres.

La triste foule était tombée à deux genoux.
Quelques-uns défaillaient sous la houle marine.

D’autres en furieux se frappaient la poitrine,
Et tous criaient : « Seigneur, ayez pitié de nous !

Ô Dieu, mon Dieu ! maître du ciel et de la terre,
Qui soulevez la mer immense et la calmez,
Jésus mort sur la croix pour nous avoir aimés,
Quand visiterez-vous la maison solitaire ?

Nous avons tout jeté dans le gouffre écumant,
La fleur de notre corps et la foi de notre âme.
Nous avons jusqu’au bout suivi la route infâme ;
Seigneur, vous le savez, nous souffrons justement.

La luxure nous a noyés dans son abîme,
L’orgueil a pris nos cœurs et les a desséchés ;
Nous ne pouvons porter le poids de nos péchés,
Et toujours devant nous resplendit l’ancien crime.

Oh ! l’affreux souvenir qui hurle et nous poursuit !
Ahès, le prince avec son rouge sortilège,
Les blasphèmes sans nom, l’inouï sacrilège
Par qui flamboie encor l’épouvantable nuit !…

Misérable vermine, insensés que nous sommes !
Si nous souffrons, mon Dieu, nous l’avons mérité,
Mais vous êtes aussi l’éternelle bonté
Et vous avez pleuré sur le malheur des hommes.


Ô source de miséricorde ! Ô Dieu clément !
Avons-nous donc commis le mal irréparable ?
Ne verrons-nous jamais votre face adorable ?
Languirons-nous toujours, privés du sacrement ? »

Et cette humble prière et ce cri d’agonie
Vers le ciel implacable essayaient de monter,
Un invisible vent semblait les ballotter ;
Ils roulaient, au hasard, dans la vague infinie.

Sur les eaux se levait un parterre enchanté
Où des lys de lumière étoilaient chaque branche.
L’étincelant miroir de la mer toute blanche
Réfléchissait, tranquille et pur, l’immensité.

À la pointe des flots, au loin, se fit entendre
Une musique étrange et qui serrait le cœur.
C’était comme un long rire au caprice moqueur,
Comme un appel d’amour, idéalement tendre.

L’impassible horizon s’illumina soudain,
Le soleil balaya ce qui restait de brume.
Je vis un corps suave et ruisselant d’écume
Grandir parmi les fleurs du féerique jardin.

Oh ! ce torse éclatant d’immortelle statue,
Ce visage adorable et pétri de clarté,

Ces jeunes seins, plus frais que la rose d’été !
Je reconnus Mary-Morgan, celle qui tue.

Distraite, elle peignait ses cheveux merveilleux
Qui, légers, s’envolaient sur l’Océan farouche.
Toute la volupté frétillait sur sa bouche,
Tout l’infini du mal éclatait dans ses yeux.

Elle chantait, la fée implacablement blonde,
La perte inévitable et l’impossible amour,
Et sa voix douloureuse et folle tour à tour,
Sa voix d’argent semblait venir d’un autre monde.

Parfois elle priait délicieusement :
On eût dit une lente et subtile caresse.
Puis elle commandait durement, en maîtresse,
Et bientôt s’éplorait comme une âme en tourment.

Mais diabolique ou tendre, amoureux ou terrible,
Ce chant, comme une vague immense, emportait tout.
Il vous aspirait l’âme et le cœur d’un seul coup.
Son appel vers la mort était irrésistible.

Les damnés de là-bas l’avaient-ils entendu ?
Sans doute. Car leur cri m’arrivait plus sauvage.
Une clameur montait de la mer sans rivage :
— Ahès, Ahès, l’horrible Ahès qui m’a perdu !


Elle revient, l’infâme, avec son maléfice.
Le venin fume encore aux longs crocs du serpent.
Va-t-il donc retomber, le cœur qui se repent ?
Seigneur, épargnez-nous l’horreur de ce calice !

L’ostensoir un instant s’éleva dans la nuit.
J’entendis l’oraison qui préserve des charmes.
Il passa, frénétique, un ouragan de larmes ;
Le vent souffla du large et tout s’évanouit.

Ô joie ! Ils avaient fui, les yeux de la Sirène !
L’infini de l’azur scintillait au lointain.
Les flots cabrés, pareils aux chevaux du matin,
Disaient le noble orgueil de la mer souveraine.

Mais dans cet or du jour et cet enchantement,
Quelque chose pleurait encor sur l’eau tremblante.
C’était le morne adieu de la cité dolente,
Les cloches de Kéris qui sonnaient tristement.

IV


Sonnez, cloches de deuil, dans l’eau mélancolique
Entre l’algue marine et le noir goémon !
Ô pauvres voix qu’avait fait taire le démon,
Élevez jusqu’à Dieu votre ardente supplique !


Et toi, ville engloutie aux lueurs de l’éclair,
Réjouis-toi, Kéris, et fais ta pénitence.
Espère. Le Seigneur bénira ta constance.
Et tu refleuriras, ô rose de la mer !

Ah ! je suis comme toi, la ville abandonnée,
Où l’herbe pousse autour des croix, qui meurt sans bruit ;
Celle qui de l’abîme où nul astre ne luit,
Crie en pleurant : Quand donc serai-je pardonnée ?

À l’heure où le soleil s’abaisse à l’horizon,
Elle a senti passer l’aile du mauvais ange.
Quel souffle d’au-delà balaiera cette fange ?
Qui saura retrouver les clefs de la prison ?

La chapelle en plein bois, l’église de l’aurore
Qui vit mon innocence et reçut mes aveux,
L’église de mon âme a-t-elle éteint ses feux ?
L’Angelus du printemps chantera-t-il encore ?

Hélas ! tant de faiblesse lâche et de rancœur !
Ils sont loin, les matins dorés de la colombe.
Et j’entends, plein d’effroi quand la lourde nuit tombe,
Mary-Morgan chanter sur la mer de mon cœur !


  1. Voir la très belle pièce d’Olivier Souvestre dont la deuxième partie de ce poème s’est largement inspiré.