Augusta Holmès et la femme compositeur/16

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Librairie Fischbacher (p. 71-73).


XVI

« Pologne » — « Irlande »


Ne pouvant classer chaque ouvrage d’après l’époque où il fut composé — l’absence d’indication à ce sujet est déjà mentionnée — j’ai, en dehors des mélodies, divisé en deux parts les compositions d’Holmès : les bonnes, dont je m’occuperai tout à l’heure, et les… médiocres, par lesquelles je commence.

Dans le domaine purement symphonique, Augusta Holmes a donné « Andante Pastoral » — son œuvre de début, chez Pasdeloup, en 1877, que je n’ai pu retrouver[1]Pologne et Irlande. Ces deux dernières rentrent dans la catégorie des morceaux à programme et, par conséquent, s’efforcent de caractériser des sentiments définis et de s’adapter à des situations déterminées. Elles feraient supposer que la privation des voix et des paroles gênait l’auteur. Il y a des personnes qui ne pensent qu’en parlant ; évidemment Holmès poète inspirait Holmès musicienne. À défaut d’un libretto, elle s’appuya sur un canevas en prose, mais les broderies sonores ne le recouvrent que bien imparfaitement et pauvrement.

Comme Irlande, Pologne ne dépasse pas les proportions d’un premier temps de symphonie, mais se divise en divers mouvements : Introduction pompeuse, Allegro, Adagio et Allegro final, le tout s’enchaînant sans interruption ; ce morceau accuse durement la plus mauvaise manière d’Holmès : indigence harmonique, négligence de goût, banalité dans la construction, abus du gros effet.

Irlande ne vaut guère mieux : ce poème symphonique dénote également une âme plus sensible aux malheurs des nations opprimées qu’aux délicatesses musicales, aussi indignée envers l’oppresseur qu’indulgente pour la façon d’exprimer son indignation, et soucieuse d’orienter l’auditeur vers ces louables sentiments, plus que de le satisfaire par une audition conforme aux lois de l’esthétique. Un cor évoque la méditation d’un pâtre ; ses souvenirs, d’abord mélancoliques, s’animent bientôt et le rapportent à un passé d’allégresse et d’insouciance, symbolisé par une gigue si vulgaire, qu’on se réjouit de voir succéder à cette gaîté de mauvaise compagnie une marche funèbre. Cette marche, appropriée au deuil de la cousine pauvre de l’Angleterre, est intéressante comme rythme et développement ; c’est la seule page de valeur, car l’allegro, annonçant ensuite la révolte du peuple asservi, et, pour conclure, la marche chargée de nous faire assister à la résurrection des héros vengeurs, nous déconcertent à force de négligences et de trivialités. Pour comble, une instrumentation déplorable et un déchaînement de trompettes qui ne redresserait peut-être pas les morts mais grâce auquel les moribonds trouveraient la force de fuir.



  1. La musique d’Holmès fut éditée un peu partout, chez Grus, Durand, Enoch, Heugol, Gregh, Maquet, Leduc, Girod, Ricordi, d’autres peut-être. De là, grandes difficultés pour réunir au complet des compositions d’autant plus dispersées, que certains des éditeurs cités ont cédé leur maison à des successeurs ignorant parfois où gisent les œuvres d’Holmès, et celles qui furent éditées chez eux.