Aux « Plus vastes »

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Le Père Peinard du 4 juillet 1897Série 2, numéro 37 (p. 3).

Aux « Plus Vastes »

Les Plus Vastes, c’est les magasins du Louvre.

Et foutre, si vastes qu’ils soient, ils ne sont jamais aussi vastes que la crapulerie des patrons de la boîte.

Reluquez leur dernière, — dont les quotidiens n’ont pas jaspiné, afin de ne pas perdre le pognon que rapportent les annonces.

Les quotidiens, — quelle que soit leur opinion, — sont attachés avec des saucisses à la Banque de France, à Rothschild, aux magasins de nouveautés, etc.

Et ils ne jacassent que si l’un ou l’autre des financeurs n’y voit pas d’inconvénient. Donc comme les singes du Louvre n’aiment pas le bruit, les quotidiens ont fermé leurs pissotières.

Y avait pourtant de quoi gueuler, cré pétard !

Ces jours derniers, une vendeuse des Plus Vastes fut chippée à barboter. Or, pour détourner l’attention de son fricotage, elle dénonça une kyrielle de vendeuses qu’elle accusa de complicité.

Alors, sans plus de magnes, les patrons du Louvre expédièrent des bandes de roussins à eux perquisitionner chez toutes les complices supposées ; dans leurs piôles, tout fut fichu sens dessus dessous !

Et les pauvrettes qui, sous des dehors un tantinet élégants, cachaient leur dèche noire, ont dû faire taire leurs susceptibilités et subir l’affront du perquisitionnement, — sinon on les aurait fichues à la porte,… et peut-être au bloc !

Les policiers du Louvre firent chou-blanc sur toute la ligne !

Mais foutre, la question n’est pas là : ce qui est abominable, c’est que, grâce à la puissance de leurs millions, plus rien n’arrête les richards.

Que devient la liberté — celle que garantit le Code — pour les patrons du Louvre ?

Ils entretiennent à leurs frais une police privée qui arrête et perquisitionne à son gré.

Nous voilà revenus en plein au régime féodal ; les capitalos s’arrogent le droit de justice… Encore un peu et, dans un coin de leurs bagnes, ils creuseront oubliettes et cachots.

Dame, pourquoi se gêneraient-ils ?

Ils n’ont pas à craindre que la gouvernance entrave leurs projets ; elle les laissera opérer à leur guise, — car elle fait partie de leur valetaille.

Seul, le populo peut mettre le holà aux exactions des modernes féodaux.

Quand donc se décidera-t-il à foutre les pieds dans le plat ?