Aux Vieux de la vieille/01/04/03

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Perriquet, Imprimeur-Libraire, Éditeur (p. 151-177).

CHAPITRE iii.

Eylau. — Friedland. — Tilsitt.

Après quelque temps de séjour à Varsovie, l’ordre vint d’en sortir de nouveau et de marcher en avant. On nous cantonna dans de mauvais villages que les habitants avaient abandonnés, emportant avec eux denrées et bestiaux.

La faim ne tarda pas à se faire sentir parmi nous ; nos misères allaient recommencer.

Un jour, je partis avec douze hommes de mon ordinaire pour fouiller les forêts qui s’étendaient à une lieu de notre gîte et que nous supposions servir de refuge aux habitants ; nous étions bien armés et prêts à tout : il y avait un pied de neige sur le sol.

Après quelques recherches, nous trouvâmes dans les bois la trace récente de pas ; nous la suivîmes avec de grandes précautions, et elle nous conduisit à un camp de paysans polonais établi sur le revers d’une petite montagne. Ils ne nous attendaient guère : leurs marmites étaient sur le feu. Saisis d’étonnement et d’effrot, ils n’osèrent se défendre. Nous enlevâmes leurs chevaux, leurs vaches, leurs moutons, leur farine, et nous les forçâmes d’amener tout cela au village ; nous y arrivâmes avec deux cents bêtes au moins ; c’était une superbe capture.

Nos officiers décidèrent que nous partagerions avec les paysans. On ne prit que la moitié de leur farine, de leurs bœufs et de leurs moutons, on leur laissa même tous leurs chevaux, sauf quatre qui nous servirent pour la correspondance ; mais on exigea que quatre des habitants restassent près de nous pour nous guider au besoin.

Avec la farine capturée nous fîmes immédiatement du pain. Il y avait si longtemps que nous n’en avions mangé, que la plupart le dévorèrent au sortir du four. Cette imprudence coûta la vie à deux de nos camarades qui furent littéralement étouffés, et que les soins les plus empressés ne purent arracher à la mort.

Nous trouvâmes dans la maison que nous habitions des pommes de terre enfoncées sous le carrelage d’une chambre.

Les paysans polonais avaient caché tout ce qu’ils avaient pu avant de déserter leur village ; nous n’avons pas eu à nous, louer d’eux ; ils nous auraient laissé mourir de faim sous leurs yeux. Quelle différence avec les Allemands ! Ces derniers ne quittent jamais leur maison, et rien n’égale leur humanité. — J’ai vu, dans les guerres d’Allemagne, un maître de poste tué par des balles françaises. Sa maison servait d’ambulance, et sa femme, à côté de son lit de mort, cherchait du linge pour nos blessés, en pleurant et en répétant : C’est la volonté de Dieu ! Ce trait n’est-il pas sublime ?

Le 30 janvier, nous quittâmes nos cantonnements. Le général Dorsenne avait reçu de Napoléon l’ordre d’arriver près de lui en toute hâte. Nous le rejoignîmes dans les premiers jours de février. On avait dit d’abord que les Russes se sauvaient du côté de Kœnigsberg pour s’embarquer, mais la nouvelle était fausse ; ils nous attendaient tranquillement dans une forte position en avant d’Eylau. Notre armée les en délogea à grande peine et les rejeta de l’autre côté du village. Quant à la garde, elle suivait de près le mouvement de l’armée sans y prendre aucune part. Ce n’était que le prélude de la bataille gigantesque à laquelle nous allions assister.

Le 7 février, l’empereur nous fit camper (la garde seulement) sur une montagne, en face d’Eylau, à droite de la grande route ; cette montagne forme une espèce de pain de sucre à pentes très-rapides ; elle avait été prise la veille ou l’avant-veille par nos troupes, car nous trouvâmes une masse de cadavres russes étendus çà et là dans la neige et quelques mourants faisant signe qu’ils voulaient être achevés. Nous fûmes obligés de déblayer le terrain pour établir notre bivouac. On traîna les corps morts sur le revers de la montagne et l’on porta les blessés dans une maison isolée située tout au bas. Malheureusement, la nuit vint, et quelques soldats eurent si froid, qu’ils s’imaginèrent de démolir la maison pour avoir le bois et se chauffer. Les pauvres blessés furent victimes de cet acte de frénésie ; ils succombèrent sous les décombres.

L’empereur nous fit allumer son feu au milieu de nos bataillons ; il nous demanda une bûche par chaque ordinaire. On s’en était procuré en enlevant les palissades qui servent l’été à parquer les bestiaux. Il nous demanda aussi des bottes de paille pour s’asseoir et quelques pommes de terre ; nous lui en portâmes une vingtaine qu’il fit cuire lui-même dans le feu, les remuant par intervalles avec le bout d’un bâton, et les partageant avec son état major.

De notre bivouac, je voyais parfaitement l’empereur, et il voyait de même tous nos mouvements. À la lueur des bûches de sapin, je faisais la barbe à mes camarades, à ceux qui en avaient le plus besoin. Ils s’asseyaient sur la croupe d’un cheval mort qui était resté là et que la gelée avait rendu plus dur qu’une pierre. J’avais dans mon sac une serviette que je leur passais sous le cou ; j’avais aussi du savon que je délayais avec de la neige fondue au feu, Je les débarbouillais avec la main, et je leur faisais l’opération. Du haut de ses bottes de paille, l’empereur assistait à ce singulier spectacle, et riait aux éclats. J’en rasai, dans ma nuit, au moins une vingtaine.

Le 8 février, les Russes nous souhaitèrent le bonjour de grand matin, et nous saluèrent d’une affreuse canonnade. En un instant, tout le monde fut sur pied ; l’empereur monta à cheval et nous porta en avant sur un lac gelé, à un quart de lieue environ de la montagne où nous avions bivouaqué ; il réunit là toute sa garde : infanterie, artillerie et cavalerie.

Ce lac se trouvait à droite d’Eylau (par rapport à nous et au mouvement que nous venions de faire) ; il n’en est séparé que par une chaussée ; mais le village s’étend plus loin que le lac. Le terrain monte, et les maisons, suivant la pente du terrain, s’élèvent peu à peu jusqu’à l’église, qui se trouve à l’extrémité et comme isolée sur la hauteur.

De l’autre côté du lac et d’Eylau apparaissent de petits monticules, et, au-dessus, un immense plateau sur lequel se livrait la grande bataille. Nous étions à la droite de l’armée française, et l’engagement le plus sérieux avait lieu sur notre gauche. De même, l’artillerie russe n’était pas en face de nous ; elle était placée sur je ne sais quel point du plateau beaucoup plus à gauche que l’église. — Nous ne profitions guère de cette disposition, car les Russes avaient une formidable artillerie ; on disait même qu’ils avaient amené de Kœnigsberg vingt-deux pièces de siège. Quoiqu’il en soit, leurs batteries faisant feu de notre côté, les obus incendiaient les maisons du village, les boulets passaient au-dessus ou au travers, et tout venait tomber comme grêle sur le lac où nous nous trouvions.

C’était, dans nos rangs, un épouvantable ravage. Bien que nous eussions les pieds sur la glace ou dans la neige, nous ne songions guère au froid ; il semble même que cette température si rigoureuse excitait notre courage. Mais quelle position affreuse ! rester, pendant deux heures, immobiles, attendant la mort sans pouvoir se défendre, sans pouvoir se distraire. De tous côtés les hommes tombaient, et des files entières disparaissaient.

Au milieu de ce désastre, je pourrais citer de nombreux traits d’héroïsme ; — en voici deux qui sont encore présents à ma mémoire :

M. Sénot, notre tambour-major, était derrière nous à la tête de ses tambours. On vint lui dire que son fils était tué. C’était un jeune homme de seize ans ; il n’appartenait encore à aucun régiment, mais, par faveur et par égard pour la position de son père, on lui avait permis de servir comme volontaire parmi les grenadiers de la garde. — Tant pis pour lui, s’écria M. Sénot ; je lui avais dit qu’il était encore trop jeune pour me suivre ; et il continua à donner l’exemple d’une fermeté inébranlable, Heureusement la nouvelle était fausse : le jeune homme avait disparu dans une file de soldats renversés par un boulet, et il n’avait aucun mal. Je l’ai revu, depuis, capitaine adjudant-major dans la garde.

Au même instant, notre fourrier eut la jambe emportée ; il coupa tranquillement un lambeau de chair qui restait pendant, et nous dit, sans sourciller : J’ai laissé trois paires de bottes à Courbevoie, j’en ai pour longtemps, maintenant ! Puis il ramassa, sur le champ de bataille, deux fusils en guise de béquilles, et s’en alla tout seul à l’ambulance.

Les boulets et les obus finirent par défoncer la glace, notamment dans la portion du lac qui est la plus rapprochée d’Eylau. Un grand nombre des chasseurs à cheval disparut dans ce gouffre, quand l’empereur se décida à nous faire faire un mouvement.

Il nous porta en avant sur la hauteur, notre gauche appuyée à l’église. Lui-même s’installa près de nous, avec son état-major, observant l’ennemi et donnant ses ordres.

Il eût la témérité de se porter encore plus à gauche, vers le cimetière, où se livrait un combat épouvantable. Là tombèrent une multitude énorme de Francais et de Russes ; ces derniers surtout furent horriblement maltraités. Les baïonnettes de nos soldats étaient teintes de leur sang, et nous restâmes maîtres de la position.

Les boulets continuaient de ravager nos rangs, bien que nous fussions un peu protégés par l’église. Un, entre autres, coupa le bâton de notre aigle, et passant entre les jambes du sergent-major qui le tenait, fit deux trous à sa capote, par devant et par derrière, sans le blesser aucunement.

Mais tout cela n’était rien au prix des désastres que l’armée éprouvait sur d’autres points. À la droite, presque en face de nous, le 14e de ligne fut taillé en pièces. Les Russes pénétrèrent dans le carré formé par ce régiment, et ne firent pas un prisonnier ; ils sabrèrent jusqu’au dernier homme. Le 43e perdit aussi la moitié de son monde.

On conçoit quel déficit ces pertes affreuses laissèrent dans notre ligne. Les Russes s’avancèrent jusque vers nous : l’empereur lui-même était en péril. Nous poussâmes des cris frénétiques : en avant ! vive l’empereur ! en avant ! en avant !

Napoléon se décida à engager le deuxième régiment[1] des grenadiers à pied et un régiment de chasseurs de sa garde, sous la conduite du général Dorsenne. Ils se précipitèrent sur la garde impériale russe, à la baïonnette, sans tirer un seul coup de fusil, et ils en firent une horrible litière.

En même temps, l’empereur lança deux escadrons de grenadiers et deux escadrons de chasseurs à cheval (de la garde). La charge fut tellement impétueuse que les grenadiers traversèrent complètement les lignes de l’armée russe, et allèrent se reformer derrière elle pour la percer une seconde fois et revenir à nous. Ils perdirent quelques hommes qui furent démontés, faits prisonniers et conduits à Kœnigsberg ; mais le gros des escadrons arriva près de nous, en bon ordre, couvert de sang et de gloire.

Ces efforts prodigieux arrêtèrent les progrès des Russes et calmèrent leur fureur. Il était temps. Le courage de nos troupes était à bout. Sans la garde, elles eussent peut-être succombé ; nos rangs à nous-mêmes se dégarnissaient à vue d’œil.

Nous ne perdîmes pas le champ de bataille, mais nous ne le gagnâmes pas, et le soir l’empereur nous ramena à la même position que nous occupions la veille, sur notre montagne en pain de sucre. — Tu n’as pas plaisanté avec mes vieux soldats, dit-il à Dorsenne, je suis content de toi. Les Russes sont battus ; malheureusement nous avons trop souffert !

Vers la nuit, il nous vint un corps de troupes fraîches. Le maréchal qui le commandait (je ne sais plus lequel) accourut à l’empereur, et lui demanda où il devait se placer. — Si tu veux de la place, répondit l’empereur, il faut t’en faire. Va sur le champ de bataille. Mets-toi en première ligne, et, dès que tu seras en bataille, fais feu de tous tes bataillons et de toute ton artillerie ; je vais t’envoyer mes chasseurs à cheval pour te soutenir.

Le maréchal exécuta ponctuellement les ordres de l’empereur. Un feu épouvantable éclata tout-à-coup dans l’obscurité. Les Russes, épouvantés de cet incident imprévu se retirèrent vers Kœnigsberg, abandonnant leur grosse artillerie, et de nouveaux cadavres s’accumulèrent dans la plaine. — Quel champ de bataille que ce champ d’Eylau ! ce n’était partout qu’un cri de douleur ; on ne peut s’en faire une idée.

Le lendemain de ce jour funeste fut consacré à ensevelir les morts et à porter les blessés à l’ambulance ; nous nous acheminâmes vers le village. De tous côtés la neige était massée sous les pas des hommes et des chevaux. De tous côtés des hommes gisaient étendus.

On creusait d’énormes fosses, de véritables tranchées qu’on remplissait de cadavres, et que l’on couvrait ensuite de terre, si bien que la plaine était toute semée de buttes funèbres, que nous retrouvâmes l’année suivante encore visibles et fort apparentes. Nous enterrâmes ainsi le 14e de ligne tout entier et le colonel sur son régiment.

Pendant que nous accomplissions ce triste devoir, nous étions exténués de faim, de fatigue et de froid. — Heureusement, vers midi, arrivèrent de Varsovie des tonneaux d’eau-de-vie qu’amenaient des juifs avec une escorte de grenadiers. Les choses furent disposées pour que chacun pût boire à son tour et qu’il n’en résultât aucun désordre. On mit un tonneau devant nous debout et défoncé ; à côté, deux grenadiers tenaient un sac. Nous avancions six par six ; chacun en passant laissait tomber un écu de six francs dans le sac, et puisait un verre dans le tonneau. Mais défense de recommencer ! On conçoit qu’à pareil prix les juifs firent fortune et en même temps ils sauvèrent l’armée.

Une trève fut convenue avec les Russes. Il n’était pas possible de continuer la guerre, les armées avaient trop souffert.

Avant de quitter le champ de bataille, Napoléon fit partir en traîneau les blessés, les malades et les pièces de canons prises à l’ennemi.

Ce fut le 17 février seulement que nous nous mîmes en marche vers Thorn et Mariembourg, où nous devions être provisoirement cantonnés.

Nous séjournâmes ensuite à Osterode et enfin à Finkenstein. L’empereur s’y établit au milieu de nous, partageant nos privations et vivant parfois de l’aumône de ses soldats. Là, comme partout, les paysans polonais avaient caché leurs provisions, enfoui des vivres de toute espèce. Nous étions réduits à sonder la terre avec nos baguettes de fusil et à faire de perpétuelles recherches. Dès qu’une cachette était découverte, on en donnait avis aux chefs ; ils présidaient à l’enlèvement des objets et à leur transport dans les magasins.

L’empereur avait beau faire tous ses efforts pour nous procurer des subsistances. Elles n’arrivaient qu’à grande peine dans ce pays lointain et ravagé par la guerre. Souvent les rations manquaient.

Un jour, je convins, avec une vingtaine de camarades, d’aller à la chasse dans la forêt voisine ; la neige couvrait la terre, je comptais sur cette circonstance pour découvrir le gibier et l’approcher facilement. Nous atteignîmes quelques lièvres et un troupeau de daims ; mais avec nos fusils de munition, chargés à balle, tous les coups manquaient. Cependant, je crus reconnaître qu’un lièvre avait été blessé et qu’il n’irait pas loin ; je suivis sa trace, il avait disparu dans un bouquet de petits sapins hauts de quatre à cinq pieds et très-serrés l’un contre l’autre. Je veux me glisser dans ce taillis ; quel est mon étonnement ! Le premier arbre que je saisis pour le détourner s’ébranle et me reste, pour ainsi dire, dans la main ; j’en prends un autre, même résultat. Aussitôt j’appelle mes camarades. Tenez, leur dis-je, voyez ce qui arrive ; bien certainement, il y a là-dessous une fameuse cachette. Il faut nous orienter de facon à la retrouver, nous rentrerons au camp et nous reviendrons avec les outils nécessaires pour déterrer le trésor.

Cela était plus facile à dire qu’à faire. Comment marquer la route ? Nous résolûmes d’enlever avec nos sabres l’écorce des sapins sur tout notre passage, et d’observer en même temps les divers endroits que nous traversions.

Tout en levant le nez en l’air, nous remarquâmes des planches qui se trouvaient fixées à la cîme de quelques sapins. La première attira légèrement notre attention. Une seconde nous étonna davantage, et le nombre venant à augmenter, nous voulûmes savoir ce que c’était. Rien de plus aisé, car les branches des sapins étaient ordinairement coupées à quelque distance du tronc et formaient échelle de bas en haut. L’un de nous s’aventura à grimper. Nouvelle découverte ! nouvelle surprise ! c’étaient des espèces de boîtes remplies de viandes salées ou de linge ou de provisions quelconques ; nous emportâmes quelques objets et nous rentrâmes au bivouac le cœur bien joyeux.

On devine que notre premier soin fut d’avertir nos chefs. Ils ne doutèrent pas que nous n’eussions découvert la cachette où les Polonais avaient enfoui les ressources du village. Aussi, dès le lendemain, deux lieutenants partirent avec cinquante hommes guidés par nous, et munis de bêches, de pioches, de tous les outils nécessaires. Nous parvînmes à retrouver notre chemin. On enleva les petits arbres. On détourna la terre, et l’on aperçut une espèce de cave de plus de cent pieds de long, pleine de farine, de riz, de jambon, de café, de toile, etc., etc. Il fallut près de vingt-quatre heures pour mettre tout à découvert.

Un des lieutenants nous quitta pour faire son rapport. Des traîneaux nous furent expédiés, et, peu à peu, notre capture fut transportée à Finkenstein. Combien nous nous régalâmes aux dépens des Polonais !

Cette aventure donna l’idée de fouiller tous les endroits où l’on pouvait supposer quelque cachette : on décarrela les maisons, on bouleversa les granges et les écuries. Presque partout les recherches furent couronnées de succès.

Néanmoins elles ne suffisaient pas à satisfaire tous nos besoins. La famine reparaissait à de fréquents intervalles. Depuis quatre mois nous ne pouvions pas changer de linge. La vermine commençait à paraître.

Il fallait la présence de l’empereur, au milieu de nous, pour soutenir nos forces et chasser le découragement.

Quand le printemps arriva, nous le saluâmes avec des transports de joie. Les vivres commencèrent à paraître. Tous les matins la breloque se faisait entendre, et c’est un signal qui ne trouve jamais le soldat paresseux ou maussade.

Dès que les neiges furent complètement fondues, l’empereur fit venir des ingénieurs et dresser un camp magnifique dans une belle position, en avant de Finkenstein. On traça de grandes lignes le long desquelles nous devions établir nos baraques, et, tout au milieu, l’on réserva une place pour faire un palais à l’empereur. Jamais on n’aura l’exemple d’une activité semblable à celle que nous déployâmes.

La résidence impériale, toute construite en briques, s’éleva comme par magie. En quinze jours nos baraques furent montées : grâce aux planches de sapin que nous avions recueillies dans les environs. Il est vrai qu’elles abondent dans ce pays ; on les emploie à faire des enclos que nous eûmes seulement la peine de démolir.

Nous construisîmes, pour les officiers supérieurs, des logements très-confortables. Les rues étaient, on peut le dire, tirées au cordeau. Chacune portait le nom de l’une des victoires remportées depuis le commencement de la guerre.

Bientôt, il nous arriva du vin et de l’eau-de-vie. Autant nous avions souffert, autant nous vivions dans l’abondance ; la joie brillait sur toutes les figures.

L’empereur lui-même paraissait fort heureux ; souvent il venait nous voir manger la soupe. Que personne ne se dérange, disait-il. Je suis content de mes grognards, ils m’ont bien logé, moi et mes officiers !

Nous passâmes le mois de mai à faire la belle jambe dans ce camp magnifique. Les riches Polonais et les belles dames s’empressaient de nous visiter. Nos costumes avaient reçu quelques réparations ; nous étions frais et pimpans comme à Paris.

Mais le 5 juin le bruit se répandit que le maréchal Ney avait sur les bras une armée russe tout entière, et qu’il lui avait fallu toute son intrépidité ordinaire pour empêcher une déroute. Aussitôt l’ordre de se préparer au départ fut donné, et le 6, à trois heures du matin, nous levâmes notre camp.

Pendant quelques jours, ce ne fut pour nous que marches et contre-marches. Une fois, pendant une halte, le maréchal Lannes arriva je ne sais d’où, et il eut avec l’empereur une vive discussion à quelques pas de notre ligne. Le sang d’un Français, disait-il à l’empereur, vaut mieux que toute la Pologne.

— Si tu n’es pas content, répondit Napoléon, va-t-en ?

— Non, reprit Lannes, tu as encore besoin de moi ! (Il n’y avait que ce grand guerrier qui tutoyât l’empereur.)

Le 14 juin, au matin, nous apprîmes qu’une grande bataille était engagée sur les bords de l’Alle. Tous les corps de l’armée s’avançaient dans cette direction ; nous mêmes reçûmes l’ordre de nous y porter en toute hâte.

Pour déboucher dans la plaine de Friedland, il fallait traverser un grand bois percé d’une route très large ; on entendait le canon retentir avec violence, et l’on disait que les troupes françaises, déjà engagées, avaient besoin de secours. Nous marchions au pas de course.

Chemin faisant, nous rencontrâmes beaucoup de grenadiers Oudinot qui étaient blessés. Quelques-uns avaient leurs vêtements brûlés et la figure noire comme du charbon. Il paraît que des caissons avaient sauté au milieu de leurs rangs, et les avaient mis dans cet état. Les malheureux voyaient à peine ; ils allaient à tâtons. Quand ils nous reconnurent, ils nous crièrent : allez vite ! allez vite ! nos camarades ont besoin de secours. Ces paroles redoublèrent notre ardeur et la rapidité de notre course.

Au sortir du bois, nous vîmes s’ouvrir devant nous une plaine magnifique dans laquelle on se battait de tous côtés. Nous arrivions au beau milieu de l’action.

L’empereur nous donna une heure de repos, pendant laquelle le combat se ralentit peu à peu. Il en profita pour visiter ses lignes, revint au galop près de nous, changea de cheval et donna le signal d’une charge à outrance sur l’armée russe.

Il s’agissait encore de lui faire prendre un bain, non pas à la glace, comme à Austerlitz, mais dans les flots de l’Alle.

Ney fut le héros de la journée ; c’est lui qui se chargea de couper les ponts de Friedland, et d’enlever aux ennemis toute retraite facile.

Quant à notre bataillon, il n’eut qu’à marcher de çà, de là, sur le champ de bataille, tantôt pour appuyer l’un, tantôt pour appuyer l’autre, sans tirer un seul coup de fusil.

Cette mémorable bataille ne finit que fort tard à la lueur de l’incendie de Friedland. Les Russes profitèrent de la nuit pour décamper au plus vite. Notre empereur, selon son habitude, coucha sur le champ de bataille, et s’occupa de faire soigner les blessés.

Le lendemain, il lança quelques escadrons à la poursuite des ennemis ; nos vaillants cavaliers ne purent atteindre que l’arrière-garde et les traînards ; ils y rencontrèrent des Kalmucks, espèce de sauvages à figure plate, nez épaté, oreilles pendantes, armés de carquois et de flèches. Les gilets de fer tombèrent sur eux comme la foudre et les firent prisonniers ; nous les vîmes ramener de l’autre côté du fleuve, et nous obtînmes la permission de les visiter. C’était un véritable objet de curiosité pour nous.

Le 18 juin, toute notre armée se trouva près de Tilsitt, en face des Russes, dont elle n’était séparée que par le Niémen.

Tilsitt est une belle ville, avec des rues larges, droites, bien bâties, et des environs fertiles. Elle se trouve entre un lac à droite et le Niémen à gauche. On nous fit camper au bout du lac.

Le 19, un envoyé de l’Empereur de Russie passa le fleuve pour parlementer. Il fut présenté au prince Murat d’abord, et ensuite à Napoléon qui était installé dans la ville. L’Empereur répondit sur le champ aux propositions qui lui étaient faites et nous donna l’ordre de nous tenir prêts pour le lendemain, en grande tenue.

Nos officiers nous annoncent qu’il s’agissait de recevoir l’empereur Alexandre, qu’on préparait un radeau sur le fleuve, que les deux souverains allaient se voir et s’entendre pour la conclusion de la paix. Quelle joie dans nos cœurs ! c’était donc fini !

Les chefs vinrent parmi nous veiller à ce que rien ne manquât à notre tenue, que les queues fussent bien faites et les buffleteries bien blanches.

Quand tout fut prêt, vers les onze heures du matin, nous nous portâmes sur les bords du fleuve. Là, nous attendait le plus beau spectacle que jamais homme ne verra.

Au milieu du Niémen se trouvait un grand radeau, garni de larges et magnifiques tentures, et, sur le côté gauche, un pavillon. Aux deux rives était amarrée une barque richement décorée.

Napoléon arriva vers une heure de l’après-midi, et se plaça avec son état-major dans l’une d’elles, montée par les marins de la garde. Alexandre occupa l’autre.

Au même signal, les deux empereurs se mettent cn marche. Ils avaient chacun le même trajet à parcourir et le même nombre de degrés à monter pour atteindre la plate-forme du radeau. Mais notre Napoléon arriva le premier.

Lorsque les deux souverains eurent gagné tous deux le lieu du rendez-vous, on les vit s’embrasser comme deux frères. Les troupes, accumulées sur les deux rives, poussèrent des acclamations frénétiques. Toute la vallée en retentit.

Après l’entrevue, qui fut très longue, chaque empereur se retira de son côté.

Le lendemain, même cérémonie. Cette fois, il s’agissait du roi de Prusse, qui venait implorer la clémence du vainqueur. Il était bien sot près du grand homme. Heureusement qu’Alexandre était là pour prendre sa défense. Il avait l’air d’un coupable qui vient recevoir la correction. Qu’il était maigre, de niaise figure et d’apparence misérable. Mais que la reine, son épouse, était belle ! Je l’ai vue de près et je reviendrai sur son compte.

Cette deuxième entrevue fut courte, On convint qu’on neutraliserait Tilsitt, qu’Alexandre en occuperait une moitié et Napoléon l’autre ; que la garde impériale russe passerait sur la rive gauche pour faire le service auprès de son souverain, comme nous auprès du nôtre. Napoléon se chargea, en outre, de donner l’hospitalité à ses nouveaux alliés. C’était glorieux pour lui de loger et nourrir deux souverains après les avoir bien battus.

Le lendemain, toute la garde se rangea sur trois rangs, des deux côtés de la grande rue de Tilsitt, et Napoléon alla au-devant d’Alexandre jusque sur le bord du fleuve. Le roi de Prusse ne s’y trouvait pas. Quel beau coup-d’œil ! ces deux empereurs, ces princes, ces maréchaux, tous revêtus des plus riches costumes !

L’empereur de Russie, en passant devant nous, dit à notre colonel Frédéric, du premier régiment : vous avez là une belle garde, colonel !

— Et bonne, sire, ajouta Frédéric.

— Je le sais, répondit Alexandre.

Le roi de Prusse vint peu après rejoindre les deux empereurs, et Napoléon régala ses hôtes d’une belle revue de sa garde, ainsi que du troisième corps d’armée commandé par le maréchal Davoust. Nous étions en grande tenue, brillante comme à Paris. Les troupes du maréchal ne nous le cédaient en rien. Napoléon eut droit d’être fier.

Quand la revue fut terminée, le défilé commença par division. Le troisième corps passa le premier. Les vieux grognards fermèrent la marche : c’était comme un rempart mouvant. À chaque division de la garde qui passait devant eux, l’empereur de Russie, le roi de Prusse, et tous leurs généraux, saluaient avec empressement. Les compliments nous pleuvaient de toutes parts.

Je vis, à cette occasion, les quatre plus beaux hommes que j’aie rencontrés dans ma vie : l’empereur Alexandre, le prince Murat, Poniatowski, et M. Belcourt, capitaine adjudant-major du premier régiment de grenadiers de la garde.

Un jour, Napoléon nous donna l’ordre de faire tous les préparatifs nécessaires pour offrir un repas à la garde impériale russe. Nous construisîmes de vastes tentes, toutes sur la même ligne, avec les ouvertures tournées du même côté. On nous accorda huit jours de maraude, et huit lieues de pays en arrière pour nous procurer des vivres.

Nous partîmes en bon ordre, et, dès le lendemain, on vit arriver au camp plus de cinquante voitures chargées de provisions considérables en viande, farine et eau-de-vie, conduites par des paysans qui se prêtèrent de bonne grâce à cette réquisition, et qui furent renvoyés tous contents. On les indemnisa de leurs pertes et de leurs peines.

Le 30 juin, à midi, le repas était sur la table. Le service était on ne peut plus brillant, Nous avions confectionné des surtouts en gazon, garnis de fleurs, avec le nom des deux empereurs tressé en guirlandes. Au front de chaque tente brillaient deux étoiles, avec les noms des deux grands hommes, et, à chaque porte, le drapeau russe et le drapeau français.

Nous allâmes au-devant de nos invités, et nous les prîmes par-dessous le bras, pour les conduire. Comme ils n’étaient pas si nombreux que nous, nous en avions un pour deux. Ils étaient si grands, que nous avions l’air de leur servir de béquilles. Moi, qui étais le plus petit des grenadiers français, j’étais obligé de lever la tête en l’air pour voir la figure du mien.

Ils semblèrent confus de nous trouver dans une tenue si brillante. Nous étions superbes. Il fallait voir surtout nos cuisiniers poudrés à blanc, tablier blanc par-dessus l’uniforme, bonnet de coton sur l’oreille, et gaine au côté. C’étaient, du reste, des gens distingués dans le métier culinaire. Quand nous étions casernés, chaque ordinaire {dix-neuf ou vingt et un hommes généralement) leur faisait douze francs par mois ; et, de plus, ils étaient exemptés du service. Ce jour-là, ils s’étaient surpassés.

Nous plaçâmes nos convives à table, chacun entre deux Français. La gaieté ne tarda pas à nous gagner. Nos géants affamés ne surent bientôt plus se contenir. Oubliant toute réserve, ils se mirent à dévorer.

Pour toute boisson, nous avions de l’eau-de-vie, et pour tous verres des gobelets de fer blanc, qui contenaient un quart de litre. Avant de leur présenter ces gobelets, nous étions obligés d’y boire une gorgée ; ils s’en emparaient aussitôt, et, dans leurs mains, le liquide disparaissait rapidement. Ils l’accompagnaient de bouchées de viande grosses comme un œuf.

Leurs uniformes devinrent trop étroits : nous leur fîmes signe de se mettre à l’aise, en déboutonnant nous-mêmes quelques boutons de nos gilets. Ils ne se le firent pas répéter deux fois, et nous vîmes alors tomber un tas de sales chiffons, dont ils se plastronnaient, pour avoir une poitrine plus majestueuse.

Au milieu du repas, deux aides-de-camp vinrent nous annoncer la visite de nos deux souverains, et nous prévenir de ne pas bouger. Napoléon et Alexandre les suivirent de près ; ils firent le tour des tables, examinant tout avec curiosité. En sortant, Alexandre s’écria : Grenadiers, voilà qui est digne de vous !

La fin du repas dégénéra en une dégoûtante orgie. Nos Russes se conduisirent comme des sauvages.

Nous emmenâmes ceux qui pouvaient encore se soutenir, et nous les conduisîmes à leur caserne. Les autres restèrent sous les tables.

Un de nos farceurs eût l’idée de se déguiser en Russe. Il changea d’uniforme avec un de nos convives, et parut ainsi dans les rues de Tilsitt, au milieu des groupes qui sortaient du festin.

Ayant un besoin à satisfaire, il s’arrêta en recommandant à un camarade de ne pas lâcher son Russe. Puis, au bout d’un instant, il se mit à courir pour les rattraper. Un sergent russe passait ; il continue son chemin sans faire attention à celui-ci, et est tout étonné de se voir appliquer des coups de canne sur les épaules. Se sentant frappé, il saute sur le sergent, qui s’était fâché ainsi, parce qu’il n’avait pas été salué d’après la coutume militaire de son pays. Il le terrasse, apostrophe en bon français, et l’eût tué si l’on n’eût pas mis le hola !

Cette scène avait pour témoins les deux empereurs, qui s’étaient mis à leur balcon pour voir passer la joyeuse bande, et qui riaient aux larmes. L’empereur Alexandre disait : c’est bien fait ! Pourquoi s’avise-t-il de troubler le plaisir de ces braves gens ? — Tout le monde fut content, les Russes surtout.

Lorsque Napoléon eut terminé ses affaires, il fit ses adieux à l’empereur de Russie, et il partit le 9 juillet de Tilsitt, se dirigeant vers Kœnigsberg. Nous reçûmes l’ordre de le suivre, et, aussitôt, l’on nous mit en route. Nous passâmes par Eylau, et nous vîmes les tombeaux des victimes du 5 février, Ce pays, si funeste pour nous, était alors couvert d’une magnifique verdure. Au milieu s’étendait un beau lac, sur lequel nous avions manœuvrés avec toute notre artillerie. Ce changement complet de la nature nous remplissait d’étonnement.

Nous traversâmes le champ de repos où dormaient nos camarades morts pour la patrie reconnaissante. Un silence religieux régnait dans nos rangs. Nos chefs nous firent porter les armes !

Arrivés à Kœnigsberg, nous fûmes logés chez l’habitant. La ville était pourvue de provisions de toute espèce ; on avait pris d’énormes convois de vivres que les Anglais, ne sachant pas la guerre finie, expédiaient aux Russes.

Un jour, nous reçûmes l’ordre de planter des arbres dans la grande rue et de la sabler, pour recevoir la reine de Prusse, qui venait visiter Napoléon. Elle arriva à dix heures du soir. Qu’elle était belle ! On pouvait dire : belle reine et vilain roi. Mais je crois qu’elle était roi et reine.

L’empereur vint la recevoir au bas du perron, et lui présenta la main. Elle passa la nuit au palais. Cependant, elle ne put faire plier Napoléon. On nous dit qu’il l’avait nommée reine de Silésie. Ce n’était pas cela qu’elle voulait.

J’eus le bonheur de me trouver, le soir, de faction au bas du perron, de façon à la voir de près, et, le lendemain, quand elle sortit, j’occupais la même porte. Quelle charmante figure ! quelle démarche majestueuse ! J’avais alors trente ans, et j’aurais donné une de mes deux oreilles pour rester avec elle aussi longtemps que l’empereur.

Ce fut la dernière faction que je fis comme soidat.

Le général Dorsenne, qui était colonel-général des grenadiers à pied de la garde, reçut l’ordre de nous faire distribuer des souliers et des chemises qui se trouvaient dans les magasins russes et prussiens, et de nous passer en revue, avant que nous ne quittions Kœnigsberg. Il fit prévenir, à son tour, les capitaines de passer l’inspection par compagnie, et de nous réunir sur la grande place au jour et à l’heure indiqués.

À cette occasion, le capitaine Renard alla trouver l’adjudant-major, M. Belcourt, et s’entendre avec lui à mon sujet. Ils me firent venir et m’annoncèrent que j’allais passer caporal dans la même compagnie, en récompense de mes services.

— Mais, leur dis-je, je ne sais ni lire, ni écrire !

— Vous apprendrez !

— Ce n’est pas possible ! je vous remercie.

— Vous serez caporal aujourd’hui, et dans le cas où le général vous demanderait si vous savez lire et écrire, répondez hardiment que oui ; les vélites se chargeront de vous instruire.

Quand vint l’heure de la revue, M. Belcourt et mon capitaine allèrent au-devant du général et lui parlèrent de moi. Faites-le sortir des rangs, dit-il.

Il me toisa des pieds à la tête, et, voyant ma croix, il me demanda depuis combien j’étais décoré.

— Je l’ai été aux Invalides, général, et le premier des légionnaires !

— Le premier !

— Oui, général !

— Faites-le reconnaître caporal, de suite.

l était temps. Je tremblais devant cet homme si dur et si juste. Tous mes camarades furent surpris de me voir passer caporal dans la même compagnie ; personne ne s’en doutait. Les anciens caporaux m’entourèrent et

LA CHANSON D’AUSTERLITZ.

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  >>
me promirent obligeamment de m’aider de leurs conseils.

Je fus fêté de tout le monde.

Voilà comment s’ouvrit ma petite carrière militaire. Je dois à mon capitaine Renard et à M. Belcourt, d’être sorti des rangs où je croyais toujours rester.


FIN DE LA PREMIÈRE LIVRAISON.
  1. M. Thiers raconte que cette charge fut exécutée par le premier régiment. C’est là une erreur. Je faisais partie de ce premier régiment, et je suis sûr de n’avoir pas tiré un coup de fusil, ni donné un coup de baïonnette de la journée.