Aux auteurs de la Chronique de Paris (18 janvier 1790)

La bibliothèque libre.
VARIÉTÉS.
Aux Auteurs de la Chronique de Paris

Messieurs,

Les loix commencées s’achevent dans l’aſſemblée des repréſentans de la nation française, & la fin de ce ſiecle ſera probablement heureuſe pour une partie des habitans de l’Amérique & de l’Europe. A cette époque mémorable, ces deux parties du monde auront vu naître une révolution preſque générale dans l’eſprit humain. Elles auront vu ſortir pluſieurs peuples du cahos où ils étoient plongés par le deſpotisme des miniſtres, des adminiſtrateurs-chefs & ſubalternes, des grands, des prélats, de la cour de Rome, de l’ordre judiciaire, &tc. &tc. Le poids des charges a enfin détruit la ſuperstition d’une obéiſſance aveugle. Le beſoin univerſel d’une ſage liberté a renverſé le vil culte qu’on rendoit à la volonté arbitraire. Les potentats eux-mêmes, eſclaves & victimes des adulateurs qui environnoient les trônes, devront proche en proche, le triomphe des loix & le retour de l’ordre à la ſaine philoſophie. Ne nous diſſimulons cependant pas que c’est l’autre continent qui a ſu, avant nous, en reſſentir les effets, &c que les américains auront la gloire d’étre devenus les nouveaux légiſlateurs du monde, dans le ſiecle qui va finir. Mais la diete que l’immortel Henri IV vouloit établir en Europe pour juger les procès des ſouverains, sans faire couler le ſang des peuples, manquera encore au bonheur de l’humanité. Le bon abbé de Saint-Pierre, le ſublime J. J. Rousseau auront-ils vainement sollicité l’érection de ce tribunal ſi nécessaire à la félicité univerſelle ?

Le premier vœu que je forme ce matin 1er  Janvier 1790, en ouvrant les yeux, est que les rois ſe réuniſſent pour faire ce préſent à la terre.

Comte de Sanois.

Près Chartres, ce prem. Janvier 1790.


Séparateur