Lorsque je voyais sur un mot
Planer la forme biconvexe
D’un vulgaire accent circonflexe,
Cela me rendait très perplexe,
Étant alors jeune marmot.
Comme en de sombres paysages,
La chauve-souris des sabbats
Vole en rasant le sol très bas,
Ces accents prennent leurs ébats,
Porteurs de funestes présages !
Tantôt ils semblent occupés
À d’incroyables gymnastiques :
Prenant des poses fantastiques,
Ce sont alors de longs moustiques
Dont bras et pattes sont coupés !
Tantôt les ailes étendues,
Ainsi que l’aigle, roi des airs,
Qui s’en va semer les éclairs
Dans l’immensité des déserts,
Ils semblent planer dans les nues !
Leur forme change à tout moment :
C’est un chapeau de commissaire,
Puis un capuchon débonnaire,
Une bosse de dromadaire,
Ou le fronton d’un monument !
Dans les vieux manuscrits gothiques,
Ils coiffent comme un abat-jour
Les cinq voyelles tour à tour
Qui, sous leurs griffes de vautour,
Font des rondes épileptiques.
Ces accents-là font mon malheur,
Et j’ai tenté mainte escarmouche
Contre leur bataillon farouche
Qui vous force d’ouvrir la bouche
Pour dire âne, hôte ou contrôleur !
Vains efforts ! L’accent circonflexe
Étendra toujours sur les mots
Ses bras étrangement jumeaux,
Au grand désespoir des marmots.
..............
Et je suis toujours très perplexe !…
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