Ballades (Charles d’Orléans)/Ballade XXII

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Poésies complètes, Texte établi par Charles d’HéricaultErnest Flammarion (p. 138-139).

BALLADE XXII.

     Chascun s’esbat nu mieulx mentir,
Et voulentiers je l’aprendroye,

Mais maint mal j’en voy advenir,
Parquoy savoir ne le vouldroye.
De mentir par deduit ou joye
Ou par passe temps ou plaisir,
Ce n’est point mal fait, sans faillir.
Se faulceté ne s’y employe.
     Faulx menteurs puisse l’en couvrir,
Sur les montaignes de Savoye,
De neiges tant que revenir
Ne puissent par chemin ne voye,
Jusques quérir je les renvoye !
Pour Dieu, laissiez les là dormir,
Ils ne scevent de riens servir,
Se faulceté ne s’y employe.
     Pourquoy se font ilz tant haïr ?
Veulent ilz que l’en les guerroye ?
Cuident ilz du monde tenir
Tous les deux boutz de la courroye ?
C’est folie, que vous diroye !
Leur prouffit puissent parfournir,
Et laissent les autres chevir,
Se faulceté ne s’y employe.


ENVOI.

     Paix crie, Dieu la nous ottroye,
C’est ung trésor qu’on doit chérir,
Tous biens s’en pevent ensuïr.
Se faulceté ne s’y employe.