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Barzaz Breiz/1846/Les Chouans

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Barzaz Breiz/1846
Barzaz Breiz, 1846Franck2 (p. 243-247).



LES CHOUANS.


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ARGUMENT.


La Bretagne, obéissant aux plus nobles instincts du cœur de l'homme, l’amour de l’autel et du foyer, avait cent mille hommes sous les armes, et, suivant ses vieilles hermines nationales couchées parmi les fleurs de lis de France, elle commençait cette guerre que Napoléon a nommé la Guerre des géants. Les principaux événements étaient chantés, selon l’usage, dans des ballades populaires : il en est un qui l’a été par plusieurs poëtes du temps ; c’est la mort glorieuse du général Tinténiac.

« A Coatlogon (juillet 1795), dit un témoin oculaire,[1] Champeaux, à la tête de trois mille hommes, surprend les chouans ; l’action s’engage, et ceux-ci remportent une complète victoire, due aux promptes dispositions de Georges... Mais cet avantage leur coûta cher : ils perdirent leur général qui tomba mort dans les bras de Julien Cadoudal. »

XXIII


LES CHOUANS.


( Dialecte de Vannes. )


Les vieillards et les jeunes filles et les petits garçons et tous ceux qui sont incapables d’aller se battre, diront, dans leurs maisons, avant de se coucher, un Pater et un Ave pour les chouans.

Les chouans sont des hommes de bien, ce sont de vrais chrétiens ; ils se sont levés pour défendre notre pays et nos prêtres ; s’ils frappent à votre porte, je vous en prie, ouvrez-leur ; Dieu de même, mes braves gens, vous ouvrira un jour.

Julien aux cheveux roux[2] disait à sa vieille mère, un matin : — Je m’en vais, moi, rejoindre Tinténiac, car il me plaît d’aller. — Tes deux frères m’ont abandonnée, et toi tu m’abandonnes aussi ! mais, s’il te plaît d’aller, va-t’en à la garde de Dieu ! —

Comme les chouans arrivaient de chaque partie de la Bretagne, de Tréguier, de Cornouaille, et surtout de Vannes, les Bleus venant du côté de la France les joignirent, au manoir de Coatlogon, au nombre de trois mille.

— Voici l’heure qui sonne, voici l’heure sonnée, où nous en viendrons encore une fois aux mains, avec ces misérables soldats : du courage, enfants de la Bretagne ! du courage, et voyons ! Si le diable est pour eux. Dieu est pour nous ! —

Quand ils en vinrent aux prises, il (Julien) frappait comme un homme : chacun d’eux avait un bon fusil ; lui, il n’avait que son bâton, son bâton et son chapelet de Sainte-Anne, et quiconque l'approchait était abattu à ses pieds.

Et tout percé était son chapeau, et percée sa veste, et une partie de sa chevelure avait été coupée d’un coup de sabre, et le sang coulait de son flanc ouvert, et il ne cessait de frapper, et de plus il chantait.

Et je cessai de le voir, et puis je le revis, il s’était retiré à l’écart sous un chêne, et il pleurait amèrement, la tête inclinée, le pauvre monsieur de Tinténiac en travers sur ses genoux.

Et quand le combat finit, vers le soir, les chouans s’approchèrent, jeunes et vieux, et ils ôtaient leurs chapeaux et ils disaient ainsi : — Voilà que nous avons gagné la victoire, et il est mort ! hélas ! —

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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


Le beau chant qu’on vient de lire, par un hasard extraordinaire, ne dit pas un mot de Georges, et ne consacre que deux strophes à la mort de Tinténiac. Cependant la victoire des blancs était l’œuvre du premier, qui, ayant fait porter rapidement une colonne sur les derrières de l’armée républicaine, y jeta le désordre et la mit en fuite[3]. D’un autre côté, les détails de la mort de Tinténiac, frappé d’une balle à la poitrine, au moment où il s’élançait sur un bleu qui le couchait en joue[4], étaient poétiques, importants, de nature a inspirer le poète populaire, et il semble étonnant qu’il les ait oubliés. Julien Cadoudal, le héros de la pièce, l’est, au reste, lui-même en cette circonstance ; car, si l'auteur nous le montre pleurant sur le corps de son général, il ne nous apprend point qu’il l’a défendu au péril de sa vie, et qu’il a vengé sa mort[5]. Ces anomalies nous portent à croire que notre chant est incomplet. Il passe, près des uns, pour l’œuvre d’un jeune meunier de la paroisse de Ploémeur, qui servait dans les rangs des blancs, et périt dans un des combats qui suivirent celui de Coatlogon ; prés des autres, pour avoir été composé par l’auteur du chant précédent sur les Bleus. En ce dernier cas, il aurait changé de dialecte. Il est aussi populaire en Vannes qu’en Cornouaille ; je l’ai entendu chanter dans les deux évêchés.

Mélodie originale



  1. Notice sur M. Joseph de Cadoudal, p. 24.
  2. Julien Cadoudal.
  3. Notice sur Georges Cadoudal, p. 24.
  4. Ibid.
  5. Ibid., p. 25.