Bertile

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Enfantines
(p. 23-27).




BERTILE




 
Voici que ma maison est vivante et folâtre,
Et que Dieu l’aperçoit ;
L’oiseau du paradis, le bonheur, vient s’abattre
Et chanter sur mon toit.

Hier, dans mon jardin, une fleur est éclose
Sur le plus frais rosier ;
Hier un bel enfant, autre céleste rose,
Est né dans mon foyer.

Bonjour, petit enfant, petit roseau qui penches,
Bonjour, mon diamant ;
Dis, ma Bertile, dis, colombe aux plumes blanches,
Qui viens du firmament,
Quels dons as-tu reçus de Jésus, de sa mère,
De l’ange Gabriel,
Qui t’ouvrirent en pleurs, pour t’envoyer sur terre,
Les portes d’or du ciel ?

Gabriel t’a donné ce qui fait son essence,
L’angélique douceur ;
Puis, sans doute, il a mis sa robe d’innocence
À sa petite sœur,

Sa couronne de lis, belle entre les plus belles.
Oui, pour lui ressembler,
Prends sa robe de lin ; mais ne prends pas ses ailes,
Tu pourrais t’envoler !

Jésus t’a dit : « À toi la piété, mon ange,
Oh ! sur terre, aime-moi !
Car je fus un enfant tout chétif dans son lange,
Fragile comme toi.
Aussi, toujours je veille et couvre de mon aile
Tous les pauvres petits ;
Et tous les nouveau-nés ont dans leur berceau frêle
Les clefs du paradis.

« Oh ! tu n’auras pas, toi, ma crèche et mon empire !
Nul mage ne viendra
T’apporter d’Orient l’or, l’encens et la myrrhe ;
On ne te donnera

Que des baisers ; mais, va, l’or et la perle fine,
Qui pourraient te peser,
Au front d’un nouveau-né ne vont pas, ma divine,
Aussi bien qu’un baiser. »

Et la Vierge t’a dit : « Sois pure, sois limpide,
Du front jusques au cœur.
Mais vois-tu, mon enfant, savoir qu’on est candide,
C’est perdre sa candeur ;
Aussi tu seras pure, ô ma douce colombe,
Sans t’en apercevoir :
Le lis de la vallée et la neige qui tombe
Sont blancs sans le savoir. »

Si j’avais été là, dans le ciel de lumière
D’où l’enfant descendit,
Moi, j’aurais fait un vœu profane, un voeu de mère ;
Tout haut, j’aurais bien dit :

Vierge, vous êtes sainte, oh ! mettez-lui dans l’âme
Candeur et pureté !
Mais j’aurais dit tout bas : Vierge, vous êtes femme,
Donnez-lui la beauté !

Merci, vous m’exaucez, ma fille est déjà belle !
Je l’admire et j’attends.
Tout germe, tout sourit, et tout est frais en elle
Et couleur du printemps.

Bouche en fleur, peau de soie, à la teinte vermeille,
Longs yeux noirs et jolis,
Tout est dans ce berceau : n’est-ce pas la corbeille
Où fleurit mon beau lis !