Bibliographie : Abrégé de toutes les sciences à l’usage des enfants
Une encyclopédie enfantine au xviiie siècle. M. Bancal, inspecteur primaire à Apt, a fait don au Musée pédagogique d’un petit livre assez curieux. C’est une réimpression d’un Abrégé de toutes les sciences à l’usage des enfants, publié en 1767, par Formey, conseiller privé du roi de Prusse et secrétaire perpétuel de l’Académie de Berlin.
L’exemplaire offert par M. Bancal a été imprimé à Avignon en 1788. Il ne porte pas de nom d’auteur et fait partie d’une nouvelle édition « refondue, beaucoup augmentée et corrigée dans toutes ses parties, afin de la rendre propre pour l’usage des écoles des pays catholiques ». Il est intéressant de se reporter à un siècle en arrière et de voir quelle était, à la veille de la Révolution, la somme de connaissances jugée indispensable aux enfants et sous quelle forme elle était présentée. L’Abrégé de toutes les sciences est un petit manuel in-12 de 190 pages, rédigé par demandes et par réponses, qui ne répond que trop fidèlement à son titre. Au lieu de choisir les connaissances les plus immédiatement nécessaires aux enfants et d’écarter tout ce qui n’est pas à leur portée, l’auteur passe en revue toutes les sciences, depuis l’écriture jusqu’à la métaphysique, sans oublier les sciences qui peuvent paraître accessoires, comme la danse et le blason. Étant donné les proportions de l’ouvrage, on voit aisément quelle part est faite à chaque branche de cet enseignement encyclopédique. La plupart des sciences n’y figurent que par la définition qui en est donnée. Si du moins, c’était au bénéfice de la grammaire, de l’arithmétique, de l’histoire ou de la géographie ! Mais ces matières sont traitées avec une indigence de détails vraiment surprenante. Dix questions suivies de leurs réponses, voilà la part de l’arithmétique. Quant à la grammaire, on jugera de la façon dont elle est enseignée par la réponse à cette question : « Quelles sont les règles de la grammaire ? — Dans les langues vivantes, l’usage est la meilleure règle ; dans les langues mortes, comme le latin, les règles sont fixes et contenues dans toutes les bonnes grammaires de ces langues. » L’énumération des membres de la famille royale, quelques mots sur la révocation de l’édit de Nantes et les remarques générales suivantes remplissent tout le chapitre consacré à l’histoire de France : « C’est le plus beau et le plus grand royaume de toute l’Europe. Il est parfaitement bien situé pour le commerce, ayant d’un côté l’Océan, et de l’autre la Méditerranée, et étant arrosé par un grand nombre de rivières, et ayant un fameux canal qui joint les deux mers. Il contient environ vingt millions d’habitants. La couronne a des possessions en Asie et en Amérique, et la nation est très industrieuse. Le clergé y est très nombreux. Les revenus ordinaires de l’État passent les 250 millions de livres de France, mais ses dépenses sont considérables. » La géographie est traitée d’une façon tout aussi sommaire, et, si l’écolier veut avoir quelques détails sur son pays, c’est ailleurs qu’il devra les chercher. Mais pourvu qu’il ait de la mémoire il pourra puiser dans son Abrégé des notions très suffisantes sur les sept merveilles du monde, la mythologie et le blason ; car les chapitres consacrés à ces matières tiennent dans l’ouvrage une place relativement considérable. Les règles du blason surtout, jugées sans doute plus utiles à connaître que les règles de la grammaire, sont exposées très en détail et expliquées à l’aide de figures. L’enfant peut ignorer le nom des « nombreuses rivières » > qui arrosent la France, mais il saura, du moins, donner des livrées aux domestiques, conformément à ses armoiries. Il ne commettra pas la faute de mettre couleur sur couleur, ni métal sur métal et retiendra que la principale pièce de l’écu doit fournir la couleur pour la veste et les culottes, les passements, les parements et aiguillettes se prenant des moindres figures de l’écu ». Comme on le voit, ce petit livre s’adressait aux enfants de la noblesse. Le nombre de ses éditions prouve malheureusement qu’il eut du succès. Il est juste d’ajouter qu’il s’améliora en se répandant. Le Musée pédagogique possède une édition de 1805 qui est bien supérieure à celle de 1788. Si l’on y trouve toujours l’énumération sèche et fastidieuse de toutes les branches des connaissances humaines, du moins les notions élémentaires qui sont la base de toute instruction sont exposées avec plus de détails. La partie géographique est plus développée, mais toute l’histoire de France tient encore dans les réponses à dix questions, suivies de l’énumération des rois. Quelle différence entre ce manuel à la fois si vide et si bourré de choses inutiles et nos petits livres élémentaires si simples, si clairs et si précis !