Biographie nationale de Belgique/Tome 1/AUBRY, Philippe

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AUBRY (Philippe) naquit en 1740, à Bellevaux, près de Bouillon. Il descendait de jacobines réfugiés, d’origine irlandaise. A vingt-sept ans, il remplaça son oncle à la cure de son village natal. Le jeune prêtre s’était déjà mêlé au mouvement dont était agitée à cette époque l’opinion publique en faveur du bas clergé à portion congrue (1765) ; quoique, personnellement, il n’eût pas intérêt à une répartition plus équitable des richesses ecclésiastiques. Ce même esprit de justice le guida dans un procès qu’il fit aux moines de Saint-Hubert, propriétaires des deux tiers de la commune, pour les forcer d’entretenir son église, comme leurs titres de propriété les y obligeaient (1785-1787). La réunion du duché de Bouillon à la république française, en 1795, plaça le curé Aubry dans une position délicate. Fallait-il prêter serment au pouvoir révolutionnaire ? Avec une droiture de sens et une indépendance courageuse, rares de tout temps, mais surtout à cette époque, Philippe Aubry se distingua de presque tous ses confrères en jurant obéissance aux lois nouvelles. Ce digne prêtre aimait à consacrer de courts loisirs à des travaux littéraires. Outre des mémoires écrits pour satisfaire à des enquêtes du gouvernement français sur l’utilité du partage des biens communaux, sur les défrichements, sur le droit de vaine pâture, il envoya à la Société d’agriculture de Paris un aperçu des progrès que cet art avait réalisés depuis cinquante ans dans le pays qu’il habitait (1808). En 1812, il donna à la même compagnie des renseignements sur les variétés de pommes de terre cultivées dans le département des Ardennes et dans celui des Forêts. Ces modestes élucubrations prouvent une parfaite connaissance du pays, une entente remarquable de l’économie rurale. Aubry est encore auteur d’Observations sur l’histoire de Bouillon. Rien de tout cela n’a été imprimé. L’érudition, qui n’était pour lui qu’un délassement, ne lui fit jamais oublier la charité. Dès l’apparition de la vaccine, il se chargea gratuitement d’appliquer autour de lui cette utile découverte, dont il avait compris sur-le-champ tout le prix, ce qui dénote un esprit exempt de routine. Il mérita ainsi la médaille d’or, qui lui fut décernée par le roi Guillaume en 1824. Le bon curé s’éteignit doucement en 1829, entouré des regrets de ses paroissiens. Il avait soixante-deux ans de ministère, et quatre-vingt-neuf ans d’existence.

F. Hennebert.

Ozeray, Gazette des cultes, 13 fév. 1830.