Biographie nationale de Belgique/Tome 1/BAERLE, Gaspard VAN

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BAERLE (Gaspard VAN), poëte et érudit, plus connu sous le nom latinisé de Barlæus, né à Anvers le 12 février 1584, mort à Amsterdam le 14 janvier 1648. Son père, secrétaire communal[1] à Anvers, quitta cette ville lorsqu’elle retomba sous la domination espagnole et, comme bon nombre de Belges partisans de la réforme, il alla s’établir en Hollande. Le jeune Gaspard acheva ses études à l’Université de Leyde et remplit immédiatement après les fonctions de ministre réformé dans un village ; mais la variété de ses connaissances et la vivacité de son esprit ayant bientôt appelé sur lui l’attention, il fut, à l’âge de vingt-huit ans, nommé vice-recteur du collège de théologie, fondé par les états, à Leyde, et devint, cinq ans plus tard, (1617), professeur de logique à l’université de la même ville.

La controverse religieuse soulevée par Arminius et Gomarus, l’un niant la prédestination, l’autre l’affirmant, au contraire, divisait alors tous les esprits et fournissait une arme dangereuse aux passions politiques. Van Baerle, qui s’était déclaré partisan de la doctrine arminienne, dite des remontrants, fut entraîné dans la chute de ce parti et excommunié par le concile de Dordrecht. A la suite de cette persécution, il se rendit en France, s’y adonna à l’étude de la médecine et obtint le bonnet de docteur à l’Université de Caen. Pendant ce temps, l’orage politique s’était graduellement apaisé en Hollande ; Van Baerle put rentrer dans la demeure qu’il avait conservée à Leyde, et il y ouvrit, sans être troublé, une école particulière destinée à initier les jeunes gens aux études philosophiques ; c’est sans doute pour eux qu’il publia alors plusieurs petits traités d’instruction.

Les voyages, la persécution même, n’avaient fait qu’agrandir le vaste savoir et la réputation de notre savant ; aussi la partie la plus brillante de sa carrière ne s’ouvrit-elle qu’après cette époque. On l’appela, en 1631, à occuper la chaire de philosophie à l’Université d’Amsterdam (Athenæum illustre), institution alors naissante et dont Van Baerle contribua puissamment à étendre la renommée. Pendant les dix années qu’il passa dans cette ville, il y fut entouré de l’estime publique, et sa maison devint un centre intellectuel où se réunissaient intimement les célébrités contemporaines, entre autres, Vondel, Hooft, Vossius et Huyghens. Tout à la fois homme d’imagination et de savoir, Van Baerle avait voulu enrichir son intelligence des connaissances les plus dissemblables, et il allia au goût des sciences naturelles de profondes études littéraires. Helléniste très-estimé, il sut aussi prendre place parmi les littérateurs latins des plus élégants, et sa nombreuse correspondance témoigne de la correction avec laquelle il employait la langue de Cicéron[2]. Médecin instruit, géographe, historien, il se fit aussi connaître comme physicien, et publia en 1600, à l’imprimerie plantinienne d’Anvers, un ouvrage rédigé en hollandais et traitant des observations ou expériences magnétiques de la terre. Malgré la supériorité manifestée dans tant de directions différentes, c’est néanmoins comme littérateur, et surtout comme poëte, que ses contemporains l’ont vanté le plus. L’engouement a même été tel sous ce rapport qu’on a comparé ses œuvres à celles des poëtes classiques les plus accomplis. Ses élégies sacrées, ainsi que ses poésies, qui ont été réunies sous le titre de Poemata, furent publiées, dès 1628, à Leyde. Elles le furent une seconde fois, en 1631, et eurent une troisième édition en 1645, à Amsterdam. Les discours latins ou Orationes, dont on vante le style élégant, parurent une première fois en 1643 et la seconde fois en 1652. Il a publié, en outre, diverses traductions en vers latins et quelques poésies flamandes.

Les fatigues, les agitations et l’exaltation naturelle de Van Baerle finirent par déranger ses facultés intellectuelles. A la suite de la maladie qui le saisit au mois de novembre 1647, il se croyait fait de verre et redoutait qu’on approchât de lui de peur d’être mis en pièces. Il expira trois mois après, pendant les premiers jours de l’année 1648, et sans que l’on sache avec certitude s’il mourut d’épuisement ou, comme l’affirment certains biographes, de mort violente, en tombant au fond d’un puits.

Félix Stappaerts.

Moréri, Le Grand Dictionnaire historique, éd. 1re. — M. V. Gaillard, Mémoire couronné : De l’Influence exercée par la Belgique sur les Provinces-Unies. — Ad. Quetelet, Histoire des sciences math. et physiq. chez les Belges.


  1. ERRATA ET RECTIFICATIONS DU Ier VOLUME : au lieu de : secrétaire communal, lisez : avocat
  2. Cette correspondance a été réunie et publiée en 1667, à Amsterdam, sous le titre : Epistolœ.