Biographie nationale de Belgique/Tome 1/BATTHYANI, Charles-Joseph, comte, puis prince DE

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BATTHYANI, Charles-Joseph, comte, puis prince DE



*BATTHYANI (Charles-Joseph, comte, puis prince DE), né en 1697, fils d’Adam, comte de Batthyani, mort ban de Croatie en 1703. Il n’avait que dix-neuf ans lorsqu’il débuta dans la carrière des armes, sous le prince Eugène. En 1731, Charles VI le nomma colonel propriétaire d’un régiment de dragons. Il fit la campagne de 1734 sur les bords du Rhin et celles de 1737 à 1739 contre les Turcs, où il gagna le grade de général de cavalerie. Après la paix de Belgrade, Charles VI l’envoya en mission diplomatique à Berlin. Marie-Thérèse, au commencement de son règne, le déclara ban de Croatie et capitaine général des frontières. En 1742, il servit dans l’armée de Bohême que commandait en chef le duc Charles de Lorraine, et se distingua à la journée de Czaslau(17 mai). Les années suivantes, il alla combattre en Allemagne contre les Erançais et les Bavarois ; il remporta sur eux, le 15 avril 1745, la victoire de Phaffenhoven, qui lui ouvrit le chemin de Munich, et força l’électeur Maximilien-Joseph de conclure la paix avec l’Autriche, aux conditions que celle-ci voulut lui dicter[1]. Marie-Thérèse avait récompensé les services de Batthyani en lui conférant le grade eminent de feld-maréchal de ses armées et le caractère de conseiller d’État intime actuel : elle plaça sous ses ordres, au mois de juin, les troupes austrobelges qui opéraient sur le Bas-Rhin[2]. A l’ouverture de la campagne de 1746, elle l’envoya dans les Pays-Bas, pour y prendre le commandement de son armée, jusqu’au retour du prince Charles de Lorraine, à qui était confié le gouvernement de ces provinces : après l’arrivée de ce prince leurs efforts combinés, réunis à ceux des généraux anglais et hollandais, ne purent empêcher les progrès du maréchal de Saxe, qui, après être entré dans Bruxelles, s’empara d’Anvers, de Mons, de Namur et de Charleroi. A la bataille de Rocour (11 octobre), le prince Charles et Batthyani occupaient la droite de l’armée alliée avec les troupes impériales ; ils gardèrent leur position jusqu’à ce que la retraite eut été décidée[3].

Le comte de Kaunitz-Rittberg, ministre plénipotentiaire de l’impératrice reine pour le gouvernement général des Pays-Bas, sollicitait avec instance, depuis quelque temps, son congé ; Marie-Thérèse, le 6 juin 1746, appela à le remplacer le comte de Batthyani, à qui elle conféra le pouvoir de suppléer le duc Charles, lorsqu’il aurait à s’éloigner des Pays-Bas[4]. Dans la lettre qu’elle écrivit aux états et aux conseils de justice de ces provinces[5], pour leur annoncer la nomination de Batthyani, elle leur dit « qu’elle était bien persuadée que ce ministre plénipotentiaire leur serait tout à fait agréable, tant par ses mérites et bonnes qualités personnelles que par sa valeur et longue expérience militaire, si nécessaires dans la situation où les affaires se trouvaient. » Au mois de novembre, le prince Charles partit pour Vienne : Batthyani se vit alors investi à la fois du commandement en chef des troupes autrichiennes et du gouvernement des Pays-Bas[6].

Ces provinces étaient, à cette époque, presque tout entières au pouvoir de la France ; il ne restait plus à l’impératrice-reine que le Luxembourg, le petit district de la Gueldre et une partie du Limbourg ; le gouvernement était réfugié à Aix-la-Chapelle. Aussi Batthyani eut-il beaucoup moins à s’occuper d’affaires administratives que de dispositions militaires. Au mois de décembre, ayant remis le commandement des troupes autrichiennes au général comte de Palfy, il se rendit à la Haye, pour conférer, avec le duc de Cumberland, généralissime des forces britanniques, et le prince de Waldeck, qui était à la tête du contingent hollandais, sur les préparatifs de la campagne suivante[7]. Il y retourna, pour le même objet, au mois de mars 1747[8]. Les généraux alliés avaient résolu de marcher en avant ; ils firent sortir l’armée de ses cantonnements le 22 avril[9]. Ils ne rencontrèrent pas d’abord d’obstacle, et ils poussèrent des détachements d’un côté vers Léau, Jodoigne et Tirlemont, de l’autre, jusque près d’Anvers, d’Arschot et de Diest ; le maréchal de Saxe s’occupait, en ce moment, de conquérir la Flandre zélandaise. Mais ils reconnurent bientôt que Maurice ne bornait pas là ses vues, et que son dessein était d’assiéger Maestricht. Il importait à l’armée alliée de prendre une position qui lui permît de secourir cette place : le 24 juin, elle leva le camp qu’elle occupait sur les rives de la Nèthe, et se dirigea vers le Vieux-Demer pour gagner les hauteurs de Bilsen ; elle arriva le 29 aux environs de Hasselt, où s’établit le quartier général. Les Autrichiens formaient la droite ; les Hollandais étaient au centre ; la gauche était formée des troupes anglaises, hanovriennes et hessoises[10]. Les alliés avaient passé le Demer, et s’étendaient sur la gauche de cette rivière, depuis Bilsen jusqu’à Wittighem et Rosmalen, lorsque, le 2 juillet, à dix heures du matin, les Français attaquèrent avec impétuosité leur aile gauche, secondés par le feu de quelques pièces de campagne qu’ils avaient amenées sur les hauteurs voisines de Hoesfeldt. Repoussés vigoureusement, ils revinrent à la charge sans plus de succès ; dans le même temps, ils essayaient en vain d’entamer la droite des alliés, où commandait Batthyani. Mais les renforts que le maréchal de Saxe recevait successivement déterminèrent les généraux alliés, vers deux heures de l’après-midi, à se retirer sous le canon de Maestricht. Cette retraite, que Batthyani couvrit avec les troupes austro-belges, s’effectua dans le meilleur ordre[11]. Telle fut l’affaire du 2 juillet 1747, que les Français appellent la bataille de Laeffeld et qui a reçu le nom de combat de Herderen ou d’Elderen dans les relations hollandaises. Elle n’eut pas de résultat décisif, les pertes ayant été à peu près égales dans les deux armées. Le reste de la campagne se passa sans autre événement marquant. Pendant l’hiver, Batthyani établit son quartier général à Verviers. Au mois de février 1748, il alla de nouveau à la Haye, où il concerta, avec le duc de Cumberland, le stathouder, le prince Frédéric de Hesse et le prince Louis de Brunswich-Wolfenbüttel, le plan des futures opérations militaires. Tout étant réglé entre eux, il quitta la Haye le 7 avril, pour aller rejoindre ses troupes, dont il avait laissé le commandement au général comte de Chanclos[12]. Il se trouvait à Ruremonde, lorsqu’il reçut un courrier du comte de Kaunitz, porteur de la nouvelle que, le 30 avril, les plénipotentiaires des puissances belligérantes avaient signé à Aix-la-Chapelle des préliminaires de paix qui furent plus tard convertis en un traité définitif[13].

L’archiduc Joseph, fils aîné de Marie-Thérèse et de François de Lorraine, était entré dans sa huitième année ; l’impératrice jeta les yeux sur le comte de Batthyani pour les importantes fonctions d’ayo ou gouverneur du jeune prince[14]. Batthyani prit le chemin de Vienne, après avoir installé à Ruremonde, le 30 octobre 1748, la jointe à laquelle fut commis le gouvernement des Pays-Bas jusqu’au retour du prince Charles de Lorraine[15]. Créé l’année suivante chevalier de la Toison d’or[16], élevé en 1764 à la dignité de prince de l’Empire[17], décoré de la grand’croix de Saint-Etienne, lorsque cet ordre illustre fut rétabli par Marie-Thérèse[18], il mourut à Vienne le 15 avril 1772, emportant au tombeau les regrets de ses souverains qu’il avait servis avec distinction dans les différents emplois dont il avait été revêtu[19]. Il ne laissait pas de postérité : ce fut son neveu, Adam-Wenceslas, comte de Batthyani, qui hérita de son titre de prince[20].

Gachard.


  1. Wurzbach, Biographisches Lexicon des Kaiserthums Oesterreich, t. I, 1856, p. 178. — Gazette des Pays-Bas, numéro du 30 avril 1772.
  2. Voir Biogr. nat., tome 1er, p. 417.
  3. Gazette d’Utrecht, numéro du 15 octobre 1745.
  4. Archives du royaume.
  5. Le 11 juin 1746. (Let. écrites par les souverains des Pays-Bas aux états de ces provinces, p. 254.)
  6. Lettre de Marie-Thérèse à Batthyani, du 19 novembre 1746. (Archives du royaume.)
  7. Gazette d’Utrecht, numéros des 23 et 27 décembre 1746 et 13 janvier 1747.
  8. Ibid., numéros des 17, 21 et 24 mars 1747.
  9. Ibid., numéro du 28 avril 1747.
  10. Ibid., numéros des 27 et 30 juin 1747.
  11. Gazette d’Utrecht, numéros des 7 et 11 juillet 1747.
  12. Ibid., numéros des 1er, 15, 19, 26, 29 mars, 2 et 9 avril 1748.
  13. Ibid., numéro du 7 mai 1748.
  14. Lettre de Marie-Thérèse an comte, du 9 octobre 1748. (Archives du royaume.)
  15. Voir Biogr. nat., t. 1er, p. 418.
  16. Calendrier de la Cour de Bruxelles, année 1757.
  17. Gazette des Pays-Bas, numéro du 23 janvier 1764.
  18. Par lettres patentes de Marie-Thérèse, du 6 mai 1764. (Gazette des Pays-Bas, numéro du 21 mai 1764. — Calendrier de la Cour de Bruxelles, année 1767.)
  19. Gazette des Pays-Bas, numéro du 30 avril 1772.
  20. Ibid.