Biographie nationale de Belgique/Tome 1/Introduction

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INTRODUCTION.







La biographie est l’histoire individualisée. Elle se meut dans une tout autre sphère que l’histoire proprement dite ; elle a d’autres règles à suivre, d’autres exigences à satisfaire. Sans négliger les annales du monde, sa mission est d’en détacher les personnages remarquables, pour pouvoir mieux caractériser leur physionomie et préciser les actions qui leur ont acquis une notorieté digne d’être signalée.

Réunie en dictionnaire, distribuée par groupes professionnels, ou classée dans l’ordre alphabétique, la vie des personnages présente ainsi une galerie de portraits finis ou d’esquisses dont le but est de répondre à la curiosité des lecteurs qui s’intéressent plus aux individus qu’aux choses.

En retraçant, au contraire, une époque donnée, les hommes n’y sauraient être étudiés autrement qu’au point de vue des événements auxquels ils ont pris part. Les particularités intimes, les petits détails inhérents à leur existence, ne pourraient y trouver place sans embarrasser un récit où l’enchaînement des faits absorbe, en quelque sorte, la personnalité des acteurs et oblige à être sobre de développements.

Ces réflexions feront immédiatement comprendre la différence qui caractérise ces deux sortes d’ouvrages, si intimement liés entre eux et pourtant si dissemblables dans leurs résultats.

Si nous osions nous permettre une comparaison, nous dirions : l’histoire est un échiquier dont les personnages sont les pions : on peut prendre intérêt aux évolutions de chacun d’eux, sans cesser de se préoccuper de l’ensemble du jeu.

Enseigner l’histoire au moyen des biographies et une méthode d’une utilité incontestable. On choisit un nom célèbre de l’antiquité, du moyen âge ou des temps modernes, auquel se rattache une série d’événements, de dates, de particularités dont ce personnage a été comme le centre et le pivot. L’esprit s’intéresse alors tout naturellement et avec prédilection au personnage mis en scène, et suis ses mouvements avec plus d’attention que si on l’entraînait dans les généralités d’un récit long et compliqué où les noms propres, nécessairement éparpillés, abondent. Déjà M. A. Baron l’entendait ainsi lorsqu’il publiait, en 1843, la Biographie universelle, refondue par lui ; il démontrait, dans la préface de cet ouvrage, l’importance des ces études individuelles.

La biographie universelle embrasse tous les siècles, toutes les nations, toutes les professions. Elle acquiert ainsi, par l’immensité de son sujet, des proportions qui doivent être soumises à des règles restrictives, quant aux choix des personnages. Autres sont les principes à suivre pour la composition d’une biographie nationale, d’une biographie professionnelle ou locale. Celles-ci, conçues sur un plan spécial, permettent d’introduire dans leur cadre des personnages tout à fait secondaires pour l’histoire générale, mais qui offrent un intérêt particulier : leur tâche est de n’omettre aucun nom dont il subsiste des traces suffisantes. De là l’admission dans un livre de cette espèce d’un nombre considérable d’hommes, peut-être dépourvus de valeur pour les étrangers, mais que le souci d’un amour-propre national bien entendu fait une loi d’accueillir. Nous citerons ici, pour exemple, cette foule d’artistes, d’homme de guerre, de lettrés, de magistrats, d’écrivains religieux ou ascétiques dont le nom n’a guère dépassé, parfois, les limites de la province ou de la localité où ils ont vu le jour, mais qui se recommandent cependant par une sorte de célébrité relative et satisfont à l’esprit de recherche des spécialités.

Ces idées s’appliquent particulièrement au dictionnaire que nous publions et dont nous allons faire connaître l’historique, le plan et les détails d’exécution.

En réorganisant, en 1845, l’Académie royale, un ministre ami des lettres, M. Sylvain Van de Weyer, membre de cette compagnie, proposa à S. M. le Roi un arrêté qui avait pour but entre autres d’ordonner la publication d’une biographie nationale. Il voulait réunir en un seul faisceau les nombreux titres de gloire, souvent négligés, que nous avons le droit de faire valoir et qui placeront ce livre, nous l’espérons, à la hauteur des monuments de même genre élevés par d’autres nations à leurs hommes distingués. Dans le rapport qui précède cet arrêté, le ministre déclare que ce travail sera confié à l’Académie.

Dès le 6 avril 1846, M. le secrétaire perpétuel fut chargé de faire, aux trois classes réunies, un rapport sur les moyens de remplir la tâche imposée à la compagnie, et, dans la séance générale du 12 mai suivant, il proposa de nommer une commission d’académiciens pour arrêter un plan d’exécution[1].

Cette commission, constituée au mois de juin suivant[2], se composait, indépendamment du président de l’Académie et du sécretaire perpétuel, de MM. Morren et Kickx pour la classe des sciences, de MM. le baron de Gerlache et le baron de Reiffenberg pour la classe des lettres, et de MM. Fr. Fétis et A. Van Hasselt pour la classe des beaux-arts.

À peine était-elle nommée que M. le baron de Reiffenberg, dont le zèle ne se refroidissait jamais, s’empressa, dans la séance du 3 août 1846, de communiquer à la classe des lettres quelques-unes de ses idées sur la manière de mettre à exécution l’arrêté de 1845[3]. Cette première tentative n’eut point de résultat. Toutefois, ― et nous saisissons cette occasion de rendre hommage à la sollicitude de M. Quetelet pour tout ce qui touche aux intérêts de l’Académie, ― M. le sécretaire perpétuel, dans la séance du 10 janvier 1848, rappela de nouveau à la classe des lettres la nécessité de commencer la Biographie nationale[4].

Diverses circonstances mirent cependant encore obstacle à la réalisation de ce projet, et celui-ci était de nouveau perdu de vue, lorsque M. le Ministre de l’intérieur crut devoir rappeler au premier corps savant du pays l’accomplissement de la mission dont il l’avait chargé[5].

À la suite de cette communication, la classe des lettres décida, dans sa séance du 1er  décembre 1851, que la commission s’assemblerait dans un bref délai afin de satisfaire au vœu exprimé par M. le Ministre de l’intérieur. Quoique ces divers faits attestassent la volonté de l’Académie de satisfaire aux prescriptions de l’arrêté royal, quelques années s’écoulèrent cependant encore et, dans l’intervalle, MM. de Reiffenberg et Morren vinrent à mourir.

Plus tard, dans la séance de la classe des lettres du 4 avril 1859, je crus pouvoir appeler l’attention de la compagnie sur l’inexécution de cette partie de l’arrêté royal de 1845, et je la priai d’en référer à la séance générale des trois classes.

M. le Ministre de l’intérieur avait, vers la même époque, insisté de nouveau pour qu’on se mit à l’œuvre. Voici le contenu de cette missive, adressée à M. le secrétaire perpétuel :

« L’arrêté royal du 1er  décembre 1845 porte que l’Académie s’occupera de la publication d’une Biographie nationale. Mon département a rappelé plusieurs fois cet objet à l’attention de l’Académie. Je vous prie, Monsieur le secrétaire perpétuel, de vouloir bien lui signaler de nouveau l’intérêt que le Gouvernement attache à l’accomplissement de cette partie de sa mission.

» Dès que l’Académie, en conformité de l’article 2 de l’arrêté royal du 1er  décembre 1845, m’aura soumis les mesures d’exécution de ce travail, j’examinerai le concours que le Gouvernement pourra lui prêter pour le faciliter.

» Un point sur lequel je crois devoir attirer l’attention de l’Académie, c’est celui de savoir si, tout en lui laissant la direction et la part principale de la rédaction de la Biographie nationale, il n’est point convenable d’admettre également la collaboration d’écrivains belges n’appartenant pas à la compagnie, qui auraient fait preuve, dans des travaux antérieurs, d’un mérite distingué.

» Agréez, Monsieur le sécretaire perpétuel, l’assurance de ma considération très distinguée.

» Le Ministre de l’intérieur,
Ch. Rogier. »

Cette nouvelle communication, qui assurait le concours du Gouvernement d’une manière si positive à l’Académie, l’engagea à compléter sans délai la commission provisoire : MM. Wesmael et le baron de Saint-Genois furent nommés en remplacement de MM. Morren et de Reiffenberg, décédés. Cette commission n’était pas chargée de rédiger ni de publier la Biographie nationale, mais seulement d’élaborer un plan d’exécution : à cela se bornait son rôle. L’Académie devait ensuite discuter ce plan et se prononcer sur les différents points qu’il contiendrait.

La commission se réunit d’une manière régulière à partir du 3 juillet 1859. Dans cette séance, elle décida qu’avant toute chose, il fallait rassembler les éléments qui pouvaient faciliter l’achèvement du travail. Elle voulut bien me confier le soin de lui faire, à ce sujet, un rapport circonstancié, suivi d’un avant-projet de règlement.

Il fut bientôt reconnu que de nombreux matériaux biographiques existaient déjà, mais tombés dans l’oubli, épars, disséminés dans des ouvrages anciens et nouveaux, des recueils périodiques, des brochures, où il fallait les rechercher patiemment.

Disons immédiatement qu’il n’y a pas d’homme de quelque mérite, décédé en Belgique pendant le dernier quart de siècle, dont on n’ait publié une notice nécrologique ; les vivants mêmes n’ont pas échappé à la manie des biographes de vouloir accorder une certaine notorité à tout le monde.

Avant d’examiner les ouvrages à consulter, il était essentiel de bien se fixer d’abord sur la signification de ces mots Biographie nationale, expression susceptible de plusieurs interprétations, lorsqu’on veut y comprendre des morts de toute catégorie. À la première vue, il semblait qu’on n’avait à s’occuper que des hommes les plus célèbres de la Belgique et qu’il ne s’agissait que de faire leur éloge. C’eût été là tout simplement reprendre en sous-œuvre la publication des Belges illustres, faite il y a quelques années et refondue plus tard dans une seconde édition de luxe. Mais en y regardant de plus près, on s’aperçut qu’une pareille entreprise s’éloignerait complétement du but indiqué. Il convenait, en effet, de composer un livre où tous les Belges remarquables, n’importe à quel titre, reçussent l’hospitalité, un ouvrage qui présentât l’ensemble de tous les hommes du pays dont la mention fût digne d’être conservée, c’est-à-dire un dictionnaire biographique consacré à la nation belge.

Cependant, M. de Reiffenberg, dans la note qu’il communiqua à la classe des lettres, le 4 août 1846, avait envisagé la question différemment.

Le travail confié à l’Académie devait être, d’après lui, un aperçu historique, un résumé dans l’ordre chronologique des faits et gestes de tous les hommes qui ont contribué à rehausser la gloire de la Belgique, tant sous le rapport artistique, scientifique et littéraire que sous d’autres également dignes d’être signalés. Il proposait donc de charger chaque classe de la rédaction et de la publication d’aperçus généraux de cette espèce, dans les conditions suivantes : la classe des lettres aurait rédigé la partie littéraire, politique et militaire ; la classe des sciences, la partie scientifique ; la classe des beaux-arts, la partie artistique.

Selon M. de Reiffenberg, le meilleur plan à suivre était celui adopté par les rédacteurs de l’Histoire littéraire de la France.

Tout en reconnaissant sa parfaite compétence, nous pensons que le savant académicien ne s’attachait qu’à un côté de la question et considérait trop exclusivement l’œuvre dont la compagnie est chargée, au point de vue de l’histoire de la littérature seule. C’est cette même manière de voir qui a fait surgir plus tard, au sein de la commission, l’idée de publier des biographies professionnelles, c’est-à-dire d’écrire la vie d’hommes appartenant à certains groupes caractérisés, et de présenter ainsi, par ordre chronologique, le tableau du mouvement des sciences, des lettres et des arts. Mais une des difficultés inhérentes à ce mode de procéder, c’est que le même individu, par la nature complexe de ses travaux, par les faits qui ont signalé sa carrière, appartient parfois à plusieurs groupes.

Revenant donc à notre point de départ, à savoir que la Biographie nationale ne devait être qu’un dictionnaire, il fut résolu qu’on indiquerait d’abord les sources qu’il convenait de consulter pour rédiger les notices.

Dans les vastes collections biographiques ou encyclopédiques, telles que celles de Bayle, Moréri, Ladvocat, Michaud, Courtin, Ersch et Gruber et tant d’autres, les Belges sont en général trop oubliés, et quand ils obtiennent droit de bourgeoisie, leur portrait est si incomplet, si inexact qu’on doit se défier des assertions qui les concernent. On en exceptera le dictionnaire de l’abbé de Feller, où, à raison de la nationalité de l’auteur, qui était Luxembourgeois, les célébrités militaires, artistiques et littéraires belges occupent une plus large place et sont mieux appréciées ; on en exceptera encore le Dictionnaire universel d’histoire et de géographie[6], où nos compatriotes sont traités avec un soin tout particulier ; il est vrai qu’un savant de premier ordre, M. Schayes, s’était chargé de cette partie.

La Belgique possède déjà quelques recueils biographiques nationaux et provinciaux ; tout le monde connaît le travail intitulé : Les Belges illustres, on peut citer encore : Ader, Plutarque des Pays-Bas ; Delvenne, Biographie du royaume des Pays-Bas ; Pauwels-Devis, Dictionnaire biographique des Belges morts et vivants ; Vander Maelen, Dictionnaire des hommes de lettres, etc., de la Belgique ; Piron, Algemeene Beschryving der mannen en vrouwen van Belgie.

Les ouvrages historiques dus à Polain, Ad. Borgnet, A. Wauters, Kervyn de Lettenhove, Stallaert, Warnkönig, Meyer, Ernst, Sanderus, Bouille, Fisen, Cousin, Poutrin, Guicciardin, Boussu, Vinchant, Gaillot, Wiltheim, Le Roy, De Vadder, Butkens, Van Ghestel, Diericxsens et bien d’autres, sont des sources qu’on ne peut s’abstenir de consulter pour la biographie des Flamands, des Liégeois, des Luxembourgeois, des Hennuyers, des Namurois, des Brabançons.

Pour les provinces et les villes, nous avons encore les ouvrages spéciaux de MM. le comte de Bec-de-Lièvre, Biographie liégeoise ; Delvaux de Fouron, Dictionnaire biographique de la province de Liége ; Ul. Capitaine, Nécrologe liégeois ; la Biographie des hommes remarquables de la Flandre occidentale, publiée par la société d’Émulation de Bruges ; Ad. Mathieu. Biographie montoise ; Iconographie montoise ; l’appendice de Marc van Vaernewyck à l’Historie van Belgis.

M. le docteur Neyen, de Wiltz, a publié, de son côté, un recueil consacré aux Luxembourgeois. On trouve également des notices intéressantes dans les différentes monographies historiques que M. Wolters a fait paraître sur le Limbourg.

Il importe enfin de signaler quelques ouvrages biographiques où les hommes sont classés par groupes de professions. Pour les peintres, les sculpteurs, les artistes de tout genre, les matériaux sont des plus abondants. Campo-Weyerman, Descamps, Houbraken, Van Mander, P. Baert, Alfred Michiels, Balkema, Kramm, Van Hasselt, Immerzeel, Éd. Fétis, Edm. De Busscher, A. Pinchart, Adolphe Siret et d’autres ont presque épuisé ce vaste sujet.

Qui ne connaît la Biographie universelle des musiciens de M. Fr. Fétis, ce monument unique dans son genre, dont la seconde édition vient de paraître.

Veut-on écrire l’histoire des hommes de lettres ? Une pléiade de biographes, latins, français et flamands se présente à l’esprit. Je ne nommerai que les plus connus : Paquot, Sanderus, Valère André, Sweertius, Vernulæus, Hoffman-Peerlkamp, de Stassart, Van Hasselt, Snellaert, de Reiffenberg, Serrure, père et fils, Blommaert, De Potter, Lecouvet, les frères De Backer, J.-E. Willems, Félix Van Hulst, Broeckx, Vander Aa, Kobus et Rivecourt, Kok, et F. Goethals.

MM. P. Vander Meersch et Vander Haeghen ont traité d’une manière détaillée l’histoire des imprimeurs.

Nos gloires militaires ont été mises en relief dans les excellentes monographies du général Guillaume et dans le travail de M. Vigneron : la Belgique militaire.

Les Bollandistes et le père Butler sont, pour l’histoire des saints, une source inépuisable à laquelle il faut ajouter un vaste travail que feu M. de Ram avait entrepris sous le titre d’Hagiographie nationale et dont le premier volume seul a paru jusqu’ici.

Qu’on nous permette d’ajouter aux précédents ouvrages celui que nous avons consacré aux voyageurs belges, et qui nous a fourni l’occasion de rappeler des services et des dévouements peut-être trop oubliés.

Mais en fait de biographie professionnelle, une regrettable lacune existe encore pour les hommes qui se sont distingués dans les sciences mathématiques, l’astronomie, la mécanique, l’industrie, la chimie, la physique et l’histoire naturelle. Nous n’avons aucun travail d’ensemble sur cette catégorie de savants, bien que cette partie des connaissances humaines ait toujours eu de dignes représentants en Belgique. Il suffit de citer les noms européens des Simon Stévin, des Philippe Laensberg, des Grégoire de Saint-Vincent, des Vanden Spiegel, des Van Helmont, des Dodonée, des Charles de l’Écluse.

Hâtons-nous de le dire, M. Ad. Quetelet vient de combler en partie cette lacune par la publication de son Histoire des sciences mathématiques et physiques chez les Belges. De leur côté, Morren, Kickx, Louyet, De Koninck, Sauveur, Kesteloot, etc., ont, dans les Bulletins, les Mémoires et l’Annuaire de l’Académie, consacré d’intéressantes notices à quelques savants contemporains.

La vie de divers jurisconsultes belges a été retracée avec soin dans plusieurs discours de rentrée de MM. les procureurs généraux de nos différentes cours de justice. Nous mentionnerons les notices de M. Raikem sur de Méan et Louvrex, de M. de Bavay sur Stockmans et Van Espen, de M. Ganser sur Philippe Wielant et de Patin, et enfin le mémoire couronné de M. Britz. Ajoutons que les préfaces des œuvres de nos principaux jurisconsultes contiennent presque toujours leur biographie.

Afin de donner un côté pratique à cette énumération générale, la commission décida de publier une liste bibliographique de dictionnaires, de recueils périodiques et d’autres ouvrages dus, la plupart, à des écrivains belges, et dans lesquels se trouvent groupés, tantôt dans un certain ordre, tantôt disséminés sans plan arrêté, un nombre considérable de biographies, de notices nécrologiques et de mémoires utiles à consulter.

À cette nomenclature déjà très-étendue, il convient de joindre les histoires communales, publiées en Belgique, surtout depuis quelques années et qui renferment des biographies locales très-étendues, telles sont les histoires d’Anvers, par Mertens et Torfs ; de Bruxelles, par Henne et Wauters ; de Bruges, par Couvez ; d’Audenarde, par Van Cauwenberghe ; de Termonde, par Wytsman ; d’Eecloo, par Neelemans ; d’Alost, par De Smet ; de Huy, par Gorissen ; de Deynse, par Vanden Abeele ; de Tongres, par Driesen ; etc.

Un ouvrage d’un intérêt incontestable est le vaste dictionnaire de M. Oettinger. Il faut avoir parcouru ce répertoire de quarante mille noms, pour être convaincu de l’utilité d’une pareille nomenclature littéraire, malgré des erreurs de détail nombreuses et inévitables. Le but de l’auteur n’a pas été de présenter la biographie des hommes remarquables du monde entier, mais seulement d’indiquer ceux dont la vie a été publiée, quel que soit leur mérite. À cet effet, M. Oettinger a placé sous chaque nom, dans l’ordre alphabétique, la liste des notices spéciales qui lui sont consacrées, avec les indications nécessaires pour les retrouver. Quant aux prélats, quant aux religieux célèbres, les Acta sanctorum, l’histoire de nos évêchés, l’histoire des différents ordres monastiques retracent abondamment leur vie.

Une part notable dans notre publication devait être réservée aux Belges qui sont allés résider à l’étranger et qui ont fait rayonner leur nom dans les arts, les lettres, les sciences, l’industrie, la carrière militaire, le sacerdoce et la magistrature. Ce nombre est plus considérable qu’on ne le suppose. En effet, les provinces belges, soumises, depuis Charles-Quint surtout, à des vissicitudes sans cesse renaissantes, virent beaucoup de leurs enfants s’éloigner de la mère patrie avec l’intention de chercher à l’étranger un ciel plus libre, un essor plus vif, une carrière plus brillante, où les honneurs, les richesses, la considération accompagnaient leurs pas. Suivant l’exemple de ceux qui, à la suite des armées du grand Empereur, parcouraient l’Europe et se faisaient un nom dans les affaires importantes du temps, nos artistes allaient s’inspirer sous le beau ciel de l’Italie ; nos savants enseignaient à Bologne, à Salamanque, à Oxford, à Paris, ou devenaient précepteurs, conseillers, ministres, diplomates au service des princes. Dans ce même temps, des papes et des souverains choisissaient leurs maîtres de chapelle parmi nos musiciens et nos compositeurs ; des prêtres et des religieux, nés sur notre sol, obtenaient le cardinalat, des évêchés, de grandes charges ecclésiastiques dans des contrées lointaines ; nous avions de courageux missionnaires qui partaient pour évangéliser et civiliser les sauvages de l’Amérique, de hardis navigateurs qui s’en allaient fonder des factoreries dans le nouveau monde, et prêter leur génie entreprenant à la Compagnie des Indes.

Tous ces titres de gloire devaient être recueillis : il y avait là pour l’Académie un devoir patriotique à remplir et pour notre publication un côté intéressant et glorieux trop longtemps laissé dans l’ombre.

Nous ferons remarquer, en passant, que plus d’un compatriote, ainsi sorti du pays natal, a vu son nom d’orthographier d’après la prononciation du pays étranger ou se traduire dans un nouvel idiome. Cette circonstance fort commune, surtout pour les noms flamands, a fait méconnaître maintes fois la véritable nationalité de l’individu et a transformé en français, en anglais, en italiens ou en allemands, des personnages que nous avions le droit de revendiquer comme nôtres.

Sous ce rapport, la Biographie nationale rendra des services réellement patriotiques. On sera étonné de voir le nombre de Belges remarquables qu’on a dépouillés de leur nationalité, soit par erreur, soit avec intention, pour en faire des célébrités étrangères.

Voici, du reste, le point de vue auquel s’est placée immédiatement la Commission dans cette vaste entreprise.

Il ne suffit point de faire connaître le lieu et la date de naissance de chaque personnage, les circonstances de sa vie, ses productions s’il est artiste, savant, homme de lettres ou philosophe ; les hauts faits d’armes qui lui sont attribués, s’il est homme de guerre ; les découvertes qu’il a faites, s’il est navigateur ou géographe ; les lois et les institutions politiques auxquelles il a pris part, s’il est homme politique, jurisconsulte ou magistrat ; les vertus dont il a brillé, s’il est prince, philanthrope, prélat, religieux ou saint ; — il convient, surtout dans les biographies d’une certaine importance, de signaler le mouvement imprimé à la civilisation par les individus dont on retrace la vie, les progrès dont les sciences, les arts ou les lettres leur sont redevables, enfin la part que chacun d’eux a prise au développement intellectuel de l’humanité.

Cette manière de concevoir et de traiter le sujet peut seule faire disparaître la monotonie inséparable des biographies rédigées dans la forme de dictionnaires ; elle montrera, en outre, qu’à toutes les époques les Belges ont rempli un rôle qui les place au niveau des autres peuples. Notre publication offrira ainsi le tableau animé de la vie scientifique, littéraire et artistique, de la vie morale et matérielle de la nation ; elle formera, en même temps, une page éloquente de ce grand livre qu’on appelle l’Histoire du monde.

Toutes les notices ne comportent certes point de pareils développements ; si à de grands artistes tels que Rubens, Van Dyck et Grétry, à de grandes figures historiques, tels que Charlemagne, Godefroid de Bouillon, Jean le Victorieux, Artevelde, Charles-Quint, il est permis de consacrer des notices étendues, certes il ne faut pas toiser de même le génie et le talent, ni vouloir donner d’aussi larges proportions à la biographie d’artistes et de savants estimables, d’écrivains laborieux, de vaillants capitaines, mais qui, hissés trop haut, ne se trouveraient plus évidemment à leur place.

Si un tel livre doit se garder d’exagérer le mérite des hommes, il ne doit pas davantage se borner à raconter la vie de personnages célèbres, ni accueillir tous les Belges qui ont obtenu quelque notoriété : c’eût été là un autre écueil. Il ne s’agit pas de composer un plaidoyer en faveur de l’excellence du caractère belge, mais de mettre en relief la mémoire des hommes distingués du pays, et d’arracher parfois à l’oubli des noms qui, pour être modestes, n’en rappellent pas moins un mérite réel. Il faut être animé d’un vif amour patriotique, mais ce sentiment ne doit pas étouffer celui, plus sacré encore, de la vérité et de la justice.

Notre recueil est donc un répertoire alphabétique où sont réunis tous les hommes qui, quelle que soit l’inégalité de leur valeur individuelle, ont acquis dans notre histoire nationale une célébrité quelconque. Si l’Académie avait compris différemment son œuvre, elle serait arrivée à des classifications arbitraires. Toutefois, il n’a pas été donné à cette généralisation du mérite personnel une extension sans bornes. Cet ouvrage n’étant pas l’histoire d’une époque, d’une province ou d’une ville, mais bien celle d’hommes pris individuellement, à cause d’une participation notoire aux événements ou au mouvement artistique, littéraire et scientifique, on n’a choisi, parmi l’infinité de noms qui apparaissent dans les annales du pays, que ceux qui ont un caractère assez précis pour former l’objet d’une appréciatian spéciale.

Ainsi, pour citer un exemple, dans les annales de nos communes, dans l’histoire des artistes, dans les relations des guerres, des faits d’armes locaux, des croisades, où arriverait-on s’il fallait nommer tous ceux qu’on y voit figurer, alors que les renseignements manqueraient pour pouvoir prendre dans leur existence une action particulière, une œuvre quelconque, un acte de courage précis, de nature à leur attribuer un caractère propre ? « En effet, comme le dit M. Éd. Fétis, dans son quatrième rapport annuel, il ne suffit pas, pour avoir une notice dans ce recueil, d’être cité à une page quelconque de l’histoire religieuse ou de l’histoire politique, pas plus qu’il ne suffit, s’il s’agit d’un écrivain ou d’un artiste, d’être mentionné dans les comptes de la maison d’un prince. Il faut s’être distingué, soit par ses actions, soit par ses œuvres ; il faut s’être détaché de la masse et avoir conquis le privilége de l’individualité. Comment écrirait-on la biographie d’un personnage qui n’est nommé que pour la participation collective qu’il a prise à un événement historique, si l’on ne possède pas de détails sur sa vie, si l’on n’a rien à rapporter qui lui soit personnel ? L’auteur de la notice fera-t-il, à l’occasion de ce personnage le récit des événements dans lesquels il a, lui dixième ou vingtième, joué un rôle accessoire ? on verra le même article se reproduire dix fois, vingt fois dans le courant de l’ouvrage. L’auteur se bornera-t-il à une simple mention ? le but que nous avons en vue ne serait pas atteint, car une biographie ne doit pas être un recueil de noms propres ; elle ne fait pas double emploi avec l’histoire politique, scientifique ou littéraire d’un pays. Tandis que l’historien cite tous les individus dont la tradition a gardé le souvenir, le biographe s’attache aux individualités. »

Moins de réserve nous a semblé nécessaire en ce qui concerne l’admission des personnages appartenant à l’histoire littéraire, c’est-à-dire l’histoire des lettres, des sciences et des arts. Nous avons suivi en ce point le précepte si sage de Bacon : « Sans l’histoire littéraire, dit-il, l’histoire universelle ressemblerait à la statue de Polyphème dont on aurait arraché l’œil ; il manquerait à l’image la partie où se peignent le mieux l’esprit et le caractère de la personne »[7].

On reproche souvent aux dictionnaires de ce genre, rédigés par un grand nombre d’auteurs, d’offrir des disparates choquant d’opinions ; mais l’unité de vues, en matière de religion, de philosophie, de politique, de littérature, d’art, est-elle praticable dans une publication faite alphabétiquement et dont les parties ne peuvent, par conséquent, être reliées entre elles d’une manière homogène ? La communauté d’idées, l’esprit de suite, l’harmonie du fond et de la forme, si désirables dans la plupart des œuvres littéraires, ne sauraient se manifester dans la rédaction d’un ouvrage consacré à tant de personnages d’ordre différent. Le véritable correctif d’un tel inconvénient existe d’ailleurs dans les convictions loyales et honnêtes des collaborateurs. Nous répétons ici ce qu’écrivait Auger, dans la préface de la Biographie universelle des frères Michaud, en 1811 : « Quant aux jugements à porter sur les personnages et sur leurs actions ou leurs travaux, il est en matière de morale et de goût des principes certains sur lesquels tous les hommes d’honneur et de sens sont d’accord et qu’ils se font surtout une loi de professer dans ces ouvrages faits en société et destinés à la masse entière du public, puisque là de brillants paradoxes, qui seraient à peu près sans gloire pour celui qui les aurait avancés, ne seraient pas sans danger pour l’entreprise commune. »

Ces principes ont été les nôtres. Toutefois, pour l’économie générale de l’œuvre, il a été établi, dans l’ensemble des notices, une certaine homogénéité d’exécution qui, tout en laissant à chaque auteur la responsabilité de ses écrits, n’a admis pour les notices, ni la polémique irritante des partis, ni les discussions oiseuses dans les questions scientifiques ou économiques : la constatation des faits et leur appréciation concise et calme, telle est la doctrine de la Biographie nationale, formulée du reste dans les instructions qui ont été communiquées à tous ceux qui ont accepté de collaborer à cette œuvre patriotique.

En entreprenant la rédaction de ce dictionnaire, il fallait surtout éviter de tomber dans les redites vulgaires, souvent fausses et tronquées qui altèrent la figure des personnages cités. Notre œuvre se distinguera des recueils antérieurs, en ce que tous ses articles auront été rédigés par des auteurs, désignés à cet effet par la Commission, qui ont travaillé soit sur des documents nouveaux, soit sur des notices précédemment publiées et dont le fond a été revu avec soin. Les faits sont du domaine public, c’est assez dire qu’on ne saurait reprocher aux auteurs de ce Dictionnaire d’avoir reproduit souvent les détails contenus dans d’autres ouvrages. Quel que soit son biographe, le personnage décrit conserve son autonomie, ses allures ; c’est seulement la manière d’apprécier son action dans la société, son influence sur les événements, son caractère individuel, ou les intentions qui l’ont guidé, qui peuvent être différemment présentés, et ici encore les auteurs ont pu se rallier aux opinions de leurs devanciers sans être accusés de plagiat. Il n’y a donc pas de témérité à déclarer que cette publication constitue une œuvre originale : la forme et le sentiment qui nous ont inspirés sont nouveaux, bien que les faits, quand ils ne sont pas rectifiés ou complétés, soient les mêmes que ceux relatés dans d’autres publications du même genre. L’histoire ne s’invente pas. Comme on l’a dit justement dans la préface de la Biographie universelle : « les faits sont un fonds commun dont nul n’a la propriété et sur lesquels tous ont un droit d’usage. » L’auteur qui raconte la vie de Rubens ou celle de Charles-Quint à sa manière, en se conformant à la vérité, ne sera pas plus plagiaire qu’un sculpteur qui imiterait la statue d’un personnage dont le marbre existerait depuis longtemps, ou qu’un peintre qui reproduirait le portrait de Charles Ier en dépit de l’œuvre immortelle de Van Dyck : on ne fait pas une biographie, on en coordonne et on en rédige les éléments.

Du reste, il a été absolument interdit de reproduire littéralement des articles anciens. Les recherches consciencieuses faites par la plupart de nos collaborateurs dans les archives, les manuscrits, les publications les plus récentes et les plus autorisées, leur ont permis de présenter souvent, sous un aspect entièrement nouveau, la vie d’un grand nombre de personnages. C’est là surtout le côté recommandable de notre dictionnaire. Mais pour certaines individualités secondaires, on n’a souvent, quant au fond, rien trouvé de mieux à dire que ce qui avait été dit déjà : il ne s’agit pas d’être neuf, mais exact.

Après ces considérations générales, il convient d’exposer, avec quelques détails, les mesures d’exécution qui ont été adoptées. À cet effet, nous allons résumer les rapports annuels qui ont été publiés sur nos travaux depuis l’installation de la Commission directrice, le 6 octobre 1860, ainsi que les procès-verbaux de ses séances.

Dans l’assemblée générale des trois classes, tenue au mois de mai 1860, l’Académie avait décidé qu’une Commission spéciale, formée de quinze membres, serait chargée de diriger la publication de la Biographie nationale. Cette résolution, soumise, avec les conséquences qui en découlaient, à la sanction de M. le Ministre de l’intérieur, reçut son approbation ; il en fut de même des dispositions réglementaires, adoptées également dans cette réunion.

La Commission choisie par les trois classes fut ensuite constituée de la manière suivante :

1o Membres de la classe des sciences : MM. Ad. Quetelet, Kickx, Stas, Van Beneden et Dewalque.

2o Membres de la classe des lettres : MM. de Ram, Gachard, le baron Kervyn de Lettenhove, Polain et le baron de Saint-Genois.

3o Membres de la classe des beaux-arts : MM. De Busscher, François Fétis, Éd. Fétis, Ad. Siret et André Van Hasselt[8].

Dans sa séance du 6 octobre 1860, la Commission composa ainsi son bureau : MM. le baron de Saint-Genois, président ; Stas, vice-président ; Éd. Fétis, secrétaire. M. Félix Stappaerts fut invité à remplir les fonctions de secrétaire adjoint.

Elle s’occupa ensuite d’examiner et de discuter une série de questions qui lui furent soumises par son président et dont la solution devait précéder l’exécution de tout travail littéraire.

Voici le programme de cette étude préliminaire ; les questions à examiner se rapportaient à quatre points fondamentaux :

A. But et organisation intérieure de la Commission ;

B. Rédaction de la liste alphabétique provisoire, mentionnée à l’article 4 du règlement ministériel du 29 mai 1860 ;

C. Collaboration des écrivains étrangers à l’Académie ;

D. Rédaction et mode de publication de la Biographie.

A. But et organisation.


Première question. — Par les mots Biographie nationale, la Commission comprend-elle la composition d’un dictionnaire rédigé dans l’ordre alphabétique général, ou bien entend-elle former un recueil de biographies où les hommes remarquables seront groupés, soit d’après l’ordre de leur profession, soit d’après l’ordre chronologique ?

Deuxième question. — Admettra-t-elle dans la liste provisoire tous les personnages qui ont obtenu quelque notoriété, ou se bornera-t-elle a y réunir des illustrations reconnues, des célébrités consacrées par l’histoire ? En d’autres termes, la future Biographie nationale sera-t-elle un dictionnaire complet ou un ensemble de notices ne comprenant que de grands hommes ?

Troisième question. — Comment le travail sera-t-il réparti entre les membres, de la Commission, tant pour la formation des listes provisoires que pour la rédaction et la publication ?

Quatrième question. — Ses membres se subdiviseront-ils en un certain nombre de sous-commissions, chargées chacune soit de certains détails, soit d’une spécialité biographique, ou bien chaque membre recevra-t-il sa tâche individuelle ?

Cinquième question. — Si la Commission centrale est partagée en diverses sous-commissions, les travaux de celles-ci devront-ils recevoir l’approbation des autres membres ?

Sixième question. — Pour établir de l’uniformité dans les travaux, n’y aurait-il pas lieu d’arrêter un règlement intérieur pour la Commission ?

Septième question. — La Commission publiera-t-elle un bulletin de ses séances qui sera annexé aux Bulletins de l’Académie ?

B. Listes alphabétiques provisoires.


Première question. — Quelles sont les indications biographiques que renfermeront les listes provisoires ?

Deuxième question. — Ne serait-il pas utile d’adresser, par voie administrative, à toutes les communes du royaume une circulaire pour les engager à signaler à la Commission les hommes remarquables qui sont nés dans leurs localités ?

Troisième question. — Quelles règles suivra-t-on pour déterminer la nationalité de chaque personnage ? En d’autres termes, s’en tiendra-t-on, pour les lieux de naissance, à la circonscription géographique actuelle de la Belgique, ou comprendra-t-on aussi parmi les nationaux les personnages nés dans des localités voisines appartenant jadis à la Belgique, mais qui en ont été séparées pour être annexées à d’autres pays ?

Quatrième question. — Admettra-t-on dans la liste provisoire et dans la Biographie des étrangers éminents qui ont passé leur vie en Belgique ou qui y ont rendu des services signalés ?

Cinquième question. — De quelle manière écrira-t-on les noms propres précédés d’une particule ou suivis d’affixes, lorsqu’il s’agira de les ranger dans l’ordre alphabétique ? Pour ceux qui commencent par les particules de, del, du, van, vander, vanden, ver, disjoindra-t-on, pour les placer entre parenthèses, les particules qui précèdent ces noms ?

Sixième question. — L’ordre alphabétique dont il est parlé à l’article 4 du règlement, pour les listes provisoires, ne pourrait-il être avantageusement remplacé par l’ordre des professions des personnages cités, afin de s’assurer plus facilement que les catégories sont complètes, — ce système n’empêchant pas, d’ailleurs, l’adoption de l’ordre alphabétique pour chaque groupe professionnel séparé ?

Septième question. — N’y aurait-il pas lieu de compléter d’abord la liste des ouvrages biographiques à consulter et d’y comprendre, d’une manière détaillée, les nombreuses monographies publiées tant en Belgique qu’à l’étranger sur nos hommes remarquables ? Cette nomenclature, ainsi complétée, ne serait-elle pas utilement placée en tête de la liste provisoire ?

C. Collaborateurs.


Première question. — Quels sont les écrivains belges, étrangers à l’Académie, qu’on appellera à concourir à la rédaction de l’ouvrage ?

Deuxième question. — Comment les biographies seront-elles réparties entre les auteurs, et quel sera le droit de priorité entre les collaborateurs qui se rencontreraient dans le choix du même personnage ?

D. Rédaction et publication.


Première question. — Les listes provisoires étant rentrées, avec les compléments et les modifications nécessaires, comment distribuera-t-on le travail de rédaction entre les membres de l’Académie et les collaborateurs étrangers à la compagnie ?

Deuxième question. — Faudra-t-il accueillir dans la Biographie tous les noms cités dans la liste provisoire ? Dans la négative, quelles règles conviendra-t-il de suivre pour l’épuration de cette liste ?

Troisième question. — La Biographie sera-t-elle en même temps publiée en français et en flamand ? Les articles fournis ou en français ou en flamand seront-ils traduits dans l’une de ces deux langues, afin que les volumes préparés paraissent simultanément dans les deux idiomes ?

Quatrième question. — Convient-il de limiter à priori l’étendue des notices ? Dans l’affirmative, n’y aura-t-il pas lieu de classer, selon leur importance, dans un certain nombre de catégories, des personnages divers dont on accueillera les noms, afin d’accorder à chacun, selon ses mérites, les développements nécessaires ?

Cinquième question. — Tout en laissant aux auteurs la liberté la plus large dans l’énonciation de leurs opinions, ne convient-il pas de fixer certaines règles, afin d’introduire dans l’ensemble de l’ouvrage une homogénéité désirable et de mettre obstacle à une fâcheuse prolixité ?

Sixième question. — Les auteurs seront-ils tenus de citer les sources où ils auront puisé les éléments de leurs notices ?

Septième question. — Le § 4 de l’article 6 du règlement organique porte que chaque notice sera signée. Cette signature, devant se répéter souvent, et parfois pour des articulets, ne suffira-t-il pas d’y apposer les initiales de l’auteur, initiales qui seraient ensuite reportées dans une table générale des collaborateurs ?

Huitième question. — Pour ne pas retarder la publication, ne conviendra-t-il pas de réunir alphabétiquement les notices remises à la Commission, lorsqu’il y en aura un nombre suffisant pour pouvoir en former un volume in-octavo de cinq cents pages (art. 8 du règlement) ?

Neuvième question. — Les biographies des personnages les plus illustres ne pourraient-elles être ornées de portraits, afin d’intéresser plus particulièrement la classe des beaux-arts à cette grande entreprise littéraire ?

La Commission discuta successivement toutes ces questions, en donnant toutefois la priorité à celles dont la solution paraissait la plus urgente.

La question capitale était celle de la forme qu’il convenait de donner à la publication. Après une discussion longue et approfondie, celle d’un dictionnaire, rédigé dans l’ordre alphabétique des noms propres, prévalut comme satisfaisant plus exactement aux prescriptions de l’arrêté royal de 1845.

On décida ensuite de commencer la liste provisoire des noms, et d’y insérer ceux de tous les Belges qui ont acquis une notoriété suffisante, à quelque titre que ce soit. Mais où commençait la notoriété ainsi exigée pour être inscrit sur la liste ? Cette importante question fit l’objet de nouvelles délibérations. Il fut reconnu que la condition requise ne pouvait être considérée comme remplie que par les personnages dont il serait possible de citer les actions ou les œuvres. Il fut décidé, d’ailleurs, qu’on userait d’une grande tolérance pour l’inscription des noms sur la liste provisoire, les éliminations pouvant avoir lieu plus tard, après un examen approfondi.

La plus stricte impartialité présida à la formation de ces listes ; des considérations de parti ou de système ne pouvaient influencer la Commission ; les mêmes règles devaient être appliquées à toutes les catégories de personnages et à toutes les époques de notre histoire[9].

La question de la nationalité des personnages présentait tout autant d’importance.

La Belgique et les Provinces-Unies ayant fait partie, pendant des siècles, d’un même État politique sous la dénomination de Pays-Bas, ayant eu des destinées analogues, une communauté non encore effacée de langue, de mœurs, d’institutions, il eût peut-être été désirable de composer, à l’imitation de nos devanciers Foppens, Valère André et Sweertius, une seule Biographie pour les deux pays, aujourd’hui placés sous des gouvernements différents. Le savant Paquot avait suivi ce système, au siècle dernier, pour ses Mémoires littéraires ; mais outre les difficultés et les complications qu’aurait amenées une œuvre conçue sur de telles bases, les biographes les plus accrédités de la Hollande, Vander Aa, Kobus et Rivecourt, Kok, Wagenaar, Siegenbeek et bien d’autres, nous ayant donné, dans leurs ouvrages, l’exemple de la disjonction des deux populations, il devenait également convenable de nous en tenir à la vie des Belges proprement dits.

Ce point arrêté, on se demanda quelle était l’extension qu’il fallait donner à l’indigénat. Les nombreux fractionnements, les modifications successives du territoire actuel de la Belgique, offraient à cet égard des difficultés très-grandes. Tout en évitant les usurpations, il fallait sauvegarder nos droits. Ne s’agissait-il pas, en effet, de rechercher patiemment les noms de nos compatriotes qui s’étaient distingués, depuis dix-huit siècles, dans toutes les carrières, dans toutes les parties de la patrie belge ? Il nous parut donc important de n’emprunter à l’étranger aucun nom de cette statistique intellectuelle et, par conséquent, de ne pas sortir de nos provinces pour opérer ce dénombrement des serviteurs du pays. Nous ne croyons pas nous faire illusion en affirmant que peu d’États de l’Europe présentent, proportionnellement à leur population, un ensemble plus remarquable d’hommes dont le souvenir mérite d’être conservé[10].

La Commission prit donc la résolution suivante :

« La Biographie nationale comprendra tous les hommes qui se sont distingués à des titres divers, soit dans l’histoire politique du pays, soit dans la carrière des lettres, des arts, des sciences, etc., nés en Belgique ou dans des territoires qui, à l’époque de leur naissance, dépendaient des provinces formant la Belgique actuelle. »

Cette question fondamentale était connexe avec celle des étrangers éminents qui, pendant leur séjour en Belgique, ont rendu des services signalés à notre pays ou qui s’y sont distingués de quelque autre manière.

De nombreuses propositions, souvent contradictoires, surgirent à ce sujet au sein de la Commission. Plusieurs résolutions furent successivement prises, modifiées et abandonnées, pendant ces quatres dernières années. Les uns voulaient absolument repousser les personnages de cette catégorie, les autres, au contraire, croyaient indispensable de les classer dans un supplément.

Le chiffre des étrangers relevés dans les listes provisoires ne montait qu’à cent vingt-cinq. En considération de ce nombre, qui était si restreint, et afin de ne pas scinder l’ouvrage, il fut décidé qu’on admettrait les noms de ces personnages dans le corps même de la Biographie, mais en les indiquant par un astérisque, de manière à les distinguer des nationaux ; cette mesure transactionnelle paraissait de nature à satisfaire à toutes les exigences.

Les premières bases de notre ouvrage étaient ainsi fixées, lorsque M. le Ministre de l’intérieur, déférant au désir des littérateurs flamands, invita l’Académie à examiner s’il n’y avait pas lieu de publier la Biographie dans les deux langues usitées en Belgique. La Commission s’occupa immédiatement de cette question, qui intéressait la moitié de la population belge, et s’arrêta à la résolution suivante, qui, sans engager l’Académie, reconnaissait cependant la convenance qu’il y avait à appeler les écrivains de la partie flamande du pays à collaborer à une œuvre nationale, j’allais dire officielle : « La Biographie nationale sera publiée en français. La Commission émet le vœu qu’il en soit donné une édition en langue flamande. »

Par le mot édition, il fut entendu que le texte flamand pourra être une traduction ou une rédaction nouvelle, selon ce qui sera réglé à cet égard lorsqu’on s’occupera de cet objet.

La formation de la liste provisoire devant être le point de départ des travaux de la Commission et la recherche des noms exigeant un temps considérable, cette partie de la tâche ne pouvait être dirigée que par une personne familiarisée avec l’histoire de notre pays ; la Commission le confia, sous la surveillance du président, à un employé aussi actif qu’entendu, M. Aug. Vander Meersch, docteur en droit.

Quant aux indications biographiques, on s’arrêta à la règle suivante : « On consignera dans la liste provisoire les nom, prénoms, professions ou qualité, le lieu et la date de naissance, ainsi que la date du décès du personnage, autant que possible. On citera à la suite de chaque notice les ouvrages spéciaux et les monographies où il est fait mention des personnages. Mais il semble inutile d’indiquer les biographies générales, les dictionnaires historiques et les encyclopédies où leur nom est cité. »

Pour régler la direction à suivre par l’employé chargé de la formation des listes, la Commission arrêta un catalogue d’ouvrages recommandables dont on aurait à faire le dépouillement.

La composition de cette nomenclature ne dura pas moins de trois ans. Tous les noms recueillis furent transcrits sur des bulletins imprimés et classés successivement dans l’ordre alphabétique.

Ces listes étaient revues d’abord par la Commission, qui décidait de l’admission ou du rejet des noms, puis insérées au Moniteur, comme le prescrivait l’article 5 du règlement organique. Cette publicité avait pour but d’attirer l’attention des lecteurs sur les omissions ou sur les erreurs qui devaient se rencontrer nécessairement dans un catalogue aussi considérable.

Une première liste provisoire, comprenant toutes les lettres de l’alphabet avec l’indication des sources, fut imprimée avec deux suppléments successifs, par le journal officiel : elle formait un volume in-4o de 160 colonnes. Après une révision minutieuse, elle devait paraître au Moniteur. Mais, d’une part, le temps requis pour examiner consciencieusement un aussi long travail ; d’autre part, les nombreux ouvrages qui restaient encore à dépouiller et, disons-le, les imperfections inséparables d’un labeur hâtif, engagèrent la Commission à renoncer à la publicité.

Plus tard, lorsqu’on eut épuisé la série des ouvrages imprimés et manuscrits, on décida qu’une nouvelle composition typographique aurait lieu et que les listes ne seraient plus publiées au Moniteur que par une seule ou plusieurs lettres à la fois.

Ce mode d’exécution, beaucoup plus pratique que le premier, eut des résultats très-satisfaisants.

On ne s’étonnera pas des lenteurs que cette opération a entraînées, quand on saura qu’on a dépouillé pour ce travail préalable plus de mille volumes et que l’ensemble des bulletins présente la mention de 11 600 noms et renvois. De longues séances furent consacrées à revoir, rectifier, compléter ou épurer les listes déjà publiées, par des hommes qui avaient à cœur de ne pas exposer l’Académie à des reproches de négligence, d’oubli ou de précipitation. Du reste, en donnant la qualification de provisoires aux listes, on avait entendu se réserver la faculté d’éliminer ensuite les personnages qui seraient reconnus comme n’ayant pas de titres suffisants et aussi de combler les lacunes signalées. Ces nomenclatures n’étaient donc considérées par la Commission ni comme complètes ni comme définitives.

Nous pouvons nous rendre ce témoignage que personne n’aura le droit de reprocher à la Commission des oublis ou des erreurs volontaires. C’est la première fois, sans doute, qu’un corps savant ait fait ainsi un appel au public pour l’engager à exercer les droits d’une critique préalable. Quant à l’importance de ce catalogue alphabétique, elle est incontestable. L’Académie, n’eût-elle publié que la liste des personnages à signaler, aurait déjà rendu un grand service et élevé un véritable monument, tant à cause de l’intérêt que présente ce travail préliminaire que des recherches immenses dont il est le résultat. On peut dire que ces listes provisoires forment l’inventaire biographique du pays : c’est le cadre d’un travail que des collaborateurs intelligents ont à remplir pour donner la vie à un corps inerte et décharné. D’ailleurs comme le dit M. Éd. Fétis, « Quelques personnes, en parcourant les listes déjà publiées, ont été surprises d’y trouver un assez grand nombre de noms qui frappaient pour la première fois leurs regards ; elles ont exprimé des doutes sur l’intérêt qu’offrirait l’ouvrage où seraient réunies des notices consacrées à tant d’hommes obscurs. Ces personnes n’ont pas songé que la Biographie nationale sera surtout un livre utile, parce qu’elle fera connaître des hommes tombés dans l’oubli, malgré les services qu’ils ont rendus à leur pays et qui leur avaient valu l’estime de leurs contemporains. Tels noms, aujourd’hui obscurs, furent jadis connus et honorés. La Biographie nationale les remettra en lumière, et c’est là, en quelque sorte, la plus belle partie de la tâche qu’auront à remplir ses rédacteurs. Nous n’apprendrons à personne que Rubens fut un grand peintre, tandis qu’on verra, non sans surprise et sans intérêt, de quel éclat brillèrent jadis certains de ces noms qu’on nous reproche d’avoir portés sur nos listes. »[11]

Il nous reste à exposer encore un détail d’exécution d’une importance majeure, nous voulons parler de la régularité à donner au classement alphabétique des noms. Ce classement laisse, en général, beaucoup à désirer dans toutes les biographies faites alphabétiquement.

La confusion est surtout sensible pour les noms précédés de particules ou d’articles. Il nous a donc semblé qu’à raison de leur formation orthographique, il fallait déterminer grammaticalement le rôle de ces particules, de ces articles et bien préciser la distinction qu’il y a à établir entre eux ; un système de classement, aussi uniforme que possible, était d’autant plus désirable dans la Biographie que les noms des personnages y appartiennent à deux idiomes principaux, très-différents : le français et le flamand.

Déjà le savant Brunet, dans la préface de sa cinquième édition du Manuel du libraire, p. XXVIII, note 1, émet quelques considérations à ce sujet, sans toutefois en tenir toujours compte d’une manière régulière dans son Dictionnaire bibliographique. Pour faire disparaître l’arbitraire regrettable qui règne, sous ce rapport, dans toutes les nomenclatures, la Commission a admis, à la suite d’une discussion approfondie, un ensemble de principes formulés.

Tout en reconnaissant la difficulté qu’il y a d’établir des principes absolus dans la matière, on louera certainement l’initiative prise par l’Académie pour que les noms précédés d’une particule, accueillis dans la Biographie nationale, soient rangés dans un ordre justifiable aux yeux des savants comme à ceux du lecteur vulgaire.

Voici les règles adoptées et qui s’appliquent respectivement aux deux idiomes parlés en Belgique :

A. Noms flamands.


Les noms flamands précédés des particules de, d’, den (équivalents des articles le, la, l’ en français) font corps avec le mot suivant, et ce dernier ne peut en être disjoint, que ce nom soit écrit d’un trait ou qu’il s’écrive en deux mots, par exemple :

De Man (L’homme) ; De Wolf (Le Loup) ; De Mulder, De Molder, De Meulenaer, De Molenaer (Le Meunier) ; De Graeve, De Graef (Le Comte) ; De Borchgrave (Le Vicomte) ; De Meyer (Le Maire, Le Mayeur) ; De Groot (Le Grand) ; De Witte (Le Blanc) ; De Backer (Le Boulanger) ; De Beer (L’Ours) ; De Koninck (Le Roi) ; De Keyser (L’Empereur) ; De Vos (Le Renard) ; De Jonghe (Le Jeune) ; De Smedt (Le Fèvre) ; Den Duyts (L’Allemand) ; De Vlamynck (Le Flamand) ; De Waele (Le Wallon).

L’article de flamand n’a donc rien de commun avec la préposition française de qui, ainsi que nous le verrons, à une tout autre acceptation et correspond à la particule flamande van et à la préposition latine ex, a ou ab.

Les noms flamands commençant par le ’t, qui est la forme elliptique de l’article neutre het, suivront la même règle, par exemple, dans les noms de ’TKint, ’T Hoofd, etc. Il en sera de même pour l’s elliptique du génitif des dans les noms ’Smeesters, ’Smolders, etc., en vertu du même principe, comme nous le verrons plus bas.

Dans les noms propres commençant par la particule van, qui correspond au de français, il y a toujours lieu de disjoindre les deux parties du nom : cette particule est une préposition et indique le lieu de naissance de l’individu, un nom de terre ou de seigneurie, un lieu d’origine enfin

Ainsi on écrira : Brussel (van) ; Assche (van) ; Gent (van) ; en plaçant le van entre parenthèses. On agira de même pour les noms français Bruxelles (de) ; Assche (d’) ; Gand (de).

Les noms commençant par vander, vande, vanden, ver[12], ne seront pas disjoints, toujours par le même principe : ces particules ne sont pas des prépositions, mais représentent évidemment l’article flamand de au génitif. Elles correspondent au génitif des articles français du, dela, dele, del. On en fera de même pour les noms commençant par les prépositions flamandes uut, uyt, uuten ou uuter, parceque, comme en français, elles font corps avec ces noms.

On écrira donc :

Vander Bruggen (Dupont) ; Vander Haghen (De La Haye) ; Vander Moere (Du Marais) ; Vanden Haute (Du Bois) ; Vande Casteele (Duchâteau) ; Vanden Hove (Delcour) ; Vereeke (Duchêne) ; Verstraete (Delarue ou Delrue) ; Uuterwulge (Du Saule).

On ne séparera pas non plus les mots commençant par der, t’, ten, te, ter dans les noms suivants : Derboven, Tenberge, Terbrugge, Tertomme, Tewater, comme les vande, vanden, vander, ver flamands, ces particules font corps avec le nom propre.

Pour résumer, les particules de, den, der, vander, vanden, vande, ver, ter, ten, te, ’s, ’t, der, uit, uyt, uuter resteront adhérentes au nom propre, parce qu’elles font fonctions d’article, soit simple, soit dans ses diverses déclinaisons, tandis que la particule simple van en sera toujours séparée, parce qu’elle fait fonction de préposition.

B. Noms français ou wallons.


Les particules de ou d’, comme le van flamand, seront disjointes du nom qui les suit ; ces particules dénotent pareillement un lieu de naissance, de seigneurie, de terre, d’origine et font fonction de préposition. Ainsi dans les noms suivants : de Bruxelles, d’Anvers, d’Antoing, d’Enghien, de Marbais : de ou d’ sera mis en parenthèses.

Del, du, dela, dele, de l’, des, suivront la règle de vander, vanden, vande, ver, etc., et ne seront pas disjoints du mot suivant, comme dans les noms : Delmarmol, Dubois, Dela Royère, Delebecque, Delvenne, Delrue, Dellafaille, Deshayes.

Le, la, l’, joints à un nom commun ou à un adjectif, représentent l’article et font corps avec les noms qui les suivent ; on écrira par conséquent : Le Jeune, Le Charpentier, Le Petit.

L’origine flamande ou wallone du nom, toujours facile à saisir pour le lecteur, détermine au premier aspect les fonctions de ces différentes particules.

En résumé, voici les trois règles fondamentales qu’on a adoptées ;

I. Les noms français commençant par le, la, l’, les noms flamands (substantif ou adjectif) précédés de de, den, ’t, ’s, seront placés à la lettre de la particule initiale, attendu que celle-ci fait fonction d’article.

II. Les noms commençant en français par du, del, de le de la, des, ou en flamand par vander, vanden, vande, ver, uyt, uter, uten, te, ten, ter, suivis d’un substantif commun, seront soumis à la même règle.

III. Quand les noms sont précédés de la préposition flamande van ou de la préposition française de, ces particules seront placées entre parenthèses.

L’application de cette règle explique le grand nombre de personnages qui figurent dans les lettres D, L et V aux mots commençant par de, d’, le, la, vande, etc.[13].

En dehors des deux catégories de noms que nous venons de signaler, il en est un grand nombre dont le classement rationnel n’est pas moins difficile, soit qu’ils aient une origine douteuse, soit que leur orthographe normale ait été altérée par le temps, soit par d’autres motifs. Ici l’usage des renvois a été largement appliqué afin de faciliter les recherches. Il en est de même pour ceux dont l’orthographe a varié notablement, par exemple, Roland de Lattre, de Lassus, Lasso, etc. Ceux qui ont reçu une désinence latine ou qui ont été entièrement traduits en latin ou dans quelque autre langue, figureront également deux fois dans notre dictionnaire : on mettra De Schepper et Scepperus, De Corte et Curtius, De Smet et Faber ou Vulcanius, De Hondt et Canisius, De Witte et Candido, toutefois, en plaçant la notice soit à l’appellation qui est devenue populaire, soit au véritable nom, si on parvient à le déterminer, ce qui est souvent difficile, surtout pour les personnages du moyen âge et de l’époque de la renaissance. Du reste, en ce qui concerne les lettrés des XVIe et XVIIe siècles, pour qui la terminaison en us était très-ambitionnée, il faut souvent s’en tenir à la forme la plus usuelle, de crainte de rendre ces personnages méconnaissables, si on les classait sous leur nom primitif.

Pour les noms composés de plusieurs mots, par exemple, Van Hoobrouck d’Asper, on les a également mentionnés deux fois à l’aide de renvois.

Si le personnage dont on publie la biographie a porté plusieurs noms, la priorité a été donnée à celui qui passe pour être le nom de famille ; à défaut de certitude à ce sujet, on l’a classé au nom sous lequel il est le plus connu, ou enfin à son surnom ou sobriquet, sauf à le faire figurer dans notre dictionnaire, au moyen de renvois, à ses différentes appellations, par exemple, Jean Van Eyck, aussi nommé Jean de Bruges, Henri Goethals, généralement connu sous la dénomination de Henri de Gand.

Les personnages historiques, tels que les princes et les prélats du moyen âge, plus connus généralement par leurs prénoms, sont également accompagnés d’un renvoi, par exemple, Godefroid de Bouillon, Jean de Bourbon, évêque de Liége, etc.

Quant aux lettrés et aux artistes de la même époque dont le prénom est suivi de la désignation d’une localité, ils sont classés à ce prénom qui est le plus populaire ; ainsi on écrira Sigebert de Gembloux, Jean de Ruysbroeck, Olivier de Dixmude, etc. Toutefois, s’il s’agit de seigneurs portant des noms de terre qui sont devenus des noms de famille, ce sont ces noms qui prévaudront, par exemple, pour les maisons d’Avesnes, d’Assche, d’Alost, de Beaumont, etc.

Pour que le système adopté n’apporte pas — admis trop rigoureusement — une

perturbation fâcheuse dans le classement habituel de certains noms, qui figurent dans les dictionnaires existants sous une forme qui s’écarte des règles tracées par la Commission, on les a généralement rangés ici dans l’ordre que nous avons adopté, et l’on a mis un renvoi à l’ancienne forme onomastique.

Nous avons suffisamment indiqué l’importance des listes provisoires qui constituent le canevas de la Biographie nationale, pour pouvoir aborder un autre côté, non moins difficile, de notre publication littéraire, nous voulons parler de la rédaction ainsi que des collaborateurs.

La répartition du travail de rédaction n’était pas la partie la moins délicate de notre mission.

Bien que la Commission fût autorisée, en vertu de l’arrêté organique du 29 mai 1860, à inviter des auteurs étrangers à l’Académie à collaborer au Dictionnaire, elle crut qu’il convenait de faire d’abord un appel aux membres de la compagnie. Tous les académiciens furent donc priés nominativement et par circulaire de faire un choix dans la liste provisoire des noms de la lettre A. Cette invitation était bornée à une seule lettre, afin de ne point mettre de la confusion dans ce premier essai de répartition. Plusieurs membres de l’Académie, absorbés par des travaux spéciaux, ne purent accepter une tâche dont on demandait l’accomplissement immédiat. Il restait donc beaucoup de noms disponibles de cette lettre, surtout parmi ceux qui avaient une notoriété restreinte ; car, ainsi que le remarque M. Éd. Fétis[14] : « Tandis qu’on se dispute, en quelque sorte, le plaisir de s’occuper d’un homme célèbre, de retracer son histoire, de juger ses actions ou d’analyser ses œuvres, il est des personnages relativement obscurs dont personne ne se soucie d’avoir à écrire la biographie. S’il y a pour ceux-là surabondance de collaborateurs, il y a disette pour ceux-ci. Pour beaucoup de ces hommes, qu’une grande célébrité ne signale pas à l’attention générale, nous avons été obligés de chercher des biographes de bonne volonté. Il arrivera souvent que ceux qui auront accepté, par dévouement, cette tâche modeste, en seront récompensés par l’attrait du travail qu’ils auront entrepris. Tel personnage, tombé dans un injuste oubli, devient, soit par son caractère, soit par ses ouvrages, l’objet d’une étude remplie d’intérêt. On éprouve une satisfaction aussi grande qu’inattendu à voir se révéler un mérite dont on ne soupçonnait pas l’importance, et à le remettre en lumière. »

La Commission recourut alors à un autre moyen. Tenant compte des travaux habituels de chacun et de sa compétence, relativement à tel ou tel genre de sujet, elle attribua à divers membres des trois classes une série de personnages dont la biographie semblait rentrer plus particulièrement dans les études de chacun d’eux. Cette démarche, faite avec plus d’insistance, eut aussi un résultat plus satisfaisant : plusieurs adhésions nouvelles vinrent grossir le nombre des collaborateurs. Toutefois, comme il restait encore bien des noms veufs de biographes, on engagea alors les membres de la Commission à user de la faculté qu’elle avait, d’après le règlement organique, d’appeler à collaborer à la Biographie nationale des écrivains nationaux, étrangers à l’Académie, mais présentant des garanties littéraires suffisantes. Les aptitudes spéciales de ces collaborateurs venaient ainsi en aide à la Commission pour remplir les lacunes qui restaient encore à combler. Il fallut ensuite, en cas de choix multiples, pour la biographie d’hommes marquants, établir un droit de priorité.

On admit les règles suivantes, afin d’éviter toute espèce de froissement et de conflit : Auront la priorité :

1o Les membres de la Commission de la Biographie nationale.

2o Les autres membres de l’Académie royale de Belgique ;

3o Les littérateurs étrangers à l’Académie.

En cas de concurrence dans la première, deuxième et troisième catégorie, la préférence est donnée : 1o aux auteurs qui se sont déjà occupés du personnage désigné ; 2o aux écrivains qui appartiennent, soit à la famille, soit à la localité ou à la province dans laquelle le personnage a vécu, soit à la profession qu’il a exercée. Ces règles sont devenues d’autant plus nécessaires que, depuis la publication des listes provisoires au Moniteur, le nombre des demandes de collaborations a constamment augmenté.

Les conditions d’admission étant ainsi décrétées, il importait de déterminer les règles générales à suivre quant à la forme et à l’étendue des notices.

« Que demande l’immense majorité des lecteurs d’une biographie ? dit M. A. Baron, dans la préface de la Biographie universelle (Bruxelles, 1843, in-8o) : Dans la forme, un juste milieu entre la prolixité et la sécheresse ; dans le fond, les faits qui doivent déterminer leur opinion sur l’homme dont on a à écrire et non pas l’opinion de l’homme qui a écrit. »

Ce sentiment d’une juste mesure semble avoir inspiré la Commission, lorsqu’elle discuta et arrêta le programme des règles qui devaient être suivies dans cette matière. Voici, d’après le rapport annuel de 1862, l’ensemble des principes qui furent adoptés à cet égard et qui, plus tard, furent convertis en instructions pour ses divers collaborateurs.

« La Commission commence par déclarer qu’elle n’entend point restreindre par des règles absolues, arbitraires, la liberté des écrivains appelés a lui prêter leur coopération ; mais qu’elle leur indiquera seulement les points sur lesquels il importe qu’il y ait accord entre eux pour l’exécution d’une œuvre reposant sur la base d’un plan uniforme.

» Les notices devront contenir tous les renseignements biographiques de quelque importance ou de quelque intérêt, exposés dans un style simple et concis. Sans préciser d’avance l’étendue de chacune d’elles, il est permis d’établir en principe que les auteurs tiendront compte de la valeur relative des personnages dont ils retraceront la vie. L’écrivain qui s’est attaché à rassembler les matériaux d’une notice biographique tombe souvent, malgré lui, dans le défaut de la prolixité. Il s’exagère l’importance du personnage qu’il a étudié dans ses actions ou dans ses œuvres, et rapporte jusqu’aux plus petites particularités de sa vie, ne pouvant pas se décider à élaguer des détails dont la réunion lui a coûté de patientes recherches. Les collaborateurs éviteront de céder à l’entraînement de cette tendance naturelle, s’ils veulent songer, en écrivant la notice d’un personnage secondaire, à l’étendue que devrait avoir proportionnellement celle de l’homme qui a laissé une trace profonde soit dans l’histoire politique, soit dans les annales des lettres, des sciences et des beaux-arts. Si l’on consacre, par exemple, deux pages à telle célébrité locale dont la gloire n’a point rayonné au delà des limites de sa province, combien n’en faudrait-il pas accorder à Charlemagne, à Froissart, à Rubens, à ces hommes dont la renommée est universelle ? Autre chose est une monographie où l’auteur, ne relevant en quelque sorte que de sa fantaisie, est libre de multiplier les traits par lesquels il croit devoir compléter la physionomie du héros de son choix, autre chose est une notice destinée à trouver place dans un dictionnaire biographique. Ce qui était un mérite dans l’un devient un défaut dans l’autre. Prenant ces considérations pour point de départ, les collaborateurs de la Biographie nationale, lorsqu’ils écriront la vie d’un personnage politique, n’entreront pas dans le détail des événements auxquels il a été mêlé. Ils se borneront à rappeler brièvement la part qu’il a prise à ces événements. Par la même raison, sans renoncer au droit légitime d’examen et d’analyse, ils s’abstiendront de discuter, au point de vue de leurs opinions personnelles, les systèmes religieux, philosophiques ou scientifiques dans les biographies des hommes dont les travaux ont eu pour objet la solution des problèmes qui se rattachent à ces divers ordres d’idées. Ils exposeront les faits dans leur ensemble, et, pour les points de controverse, ils renverront aux sources où ils ont eux-mêmes puisé.

» Les auteurs des notices s’attacheront principalement à exposer les faits avec exactitude. Dans les jugements qu’ils auront à porter sur les hommes et sur les choses, ils exprimeront leurs opinions avec calme et modération, en évitant tout ce qui ressemblerait à de la polémique.

» En tête de chaque notice, on inscrira le nom et les prénoms du personnage, sa qualité, le lieu et la date de sa naissance, le lieu et la date de sa mort.

» Dans les notices consacrées à des savants ou à des littérateurs, on citera leurs ouvrages ou du moins leurs principaux ouvrages, en indiquant les éditions qui en ont été faites, s’ils sont imprimés, et les dépôts où les manuscrits en sont conservés, s’ils sont inédits. Lorsqu’il s’agira d’un artiste, il sera fait mention de ses œuvres, avec indication des lieux où elles se trouvent.

» Les auteurs des notices feront connaître à quelles sources ils ont principalement puisé pour réunir les éléments de leur travail, et si parmi ces sources il en est de nouvelles ou de peu connues, la Commission jugera s’il est utile d’en conserver la mention.

» La Commission n’admettra que des notices inédites.

» Aux termes de l’article 6 du règlement organique, fixé par l’arrêté ministériel du 29 mai 1860, la Commission revoit et approuve la rédaction des notices avant de les livrer à l’impression. Elle peut en limiter l’étendue d’après les convenances de la publication et selon l’importance relative des personnages. Les modifications introduites dans la rédaction des notices seront communiquées aux auteurs avant l’impression.

» La Commission fera connaître par écrit aux collaborateurs les noms des personnages dont ils seront invités à écrire les notices. Le délai dans lequel ils devront fournir leur travail leur sera indiqué. Ce délai expiré, la Commission jugera s’il y a lieu de le renouveler ou s’il convient de désigner un autre collaborateur.

» La discussion qui s’est ouverte sur plusieurs des dispositions contenues dans l’instruction destinée aux rédacteurs de la Biographie nationale, a eu pour effet d’en préciser le sens et la portée. Un membre de la Commission avait exprimé la crainte qu’il n’y eût quelque chose de trop restrictif dans le conseil donné aux auteurs d’éviter la discussion des systèmes philosophiques ou scientifiques dans les notices de certains hommes qui ont pris une part considérable au mouvement des idées de leur temps. Suivant cet honorable collègue, le mérite de ces hommes ne saurait être apprécié, si l’on ne fait pas connaître l’état où se trouvait la science avant eux, pour montrer ensuite le progrès accompli sous l’influence d’une théorie nouvelle dont leurs travaux ont formé la base. Or une discussion scientifique naît infailliblement, en pareil cas, de la comparaison de deux systèmes opposés l’un à l’autre.

» À cette observation, d’ailleurs fort juste, il a été répondu que lorsqu’une circonstance semblable se présentera, lorsqu’il s’agira d’un de ces hommes rares auxquels notre collègue faisait allusion, il pourra être dérogé aux règles posées dans l’instruction. La discussion constituera alors un exposé de faits. Ce que nous avons voulu éviter, c’est que les auteurs se crussent autorisés à discuter, comme nous l’avons dit plus haut, des systèmes politiques, religieux, philosophiques et scientifiques et que, au lieu d’être un dictionnaire historique, la Biographie nationale devînt un champ ouvert à la controverse.

» Dans les listes provisoires se rencontre un certain nombre de noms patronymiques qui sont suivis d’une série de personnages de même dénomination, et à peine quelques-uns des membres des familles indiquées mériteraient-ils d’occuper une place dans la Biographie nationale. Ces noms, trop connus pour être passés sous silence, seront réunis en un seul article biographique, pour faire suite à la notice du plus renommé ou du plus notable d’entre eux.

» L’application des règles que nous avons cru devoir fixer, conservera à cet ouvrage le caractère qu’il doit avoir. La Commission sera juge des exceptions auxquelles pourraient donner lieu les notices de quelques hommes d’un mérite supérieur. »

« Au reste, ajoute M. De Busscher, dans son rapport de 1865, s’il est vrai qu’il existe pour la Commission une sorte de solidarité entre elle et les collaborateurs de la Biographie nationale, elle n’entend pas assumer la responsabilité absolue des idées, des opinions, des doctrines professées dans des biographies signées par leurs auteurs. À chacun la responsabilité de ses écrits, à la Commission celle de la direction du travail d’ensemble. »

La Commission étant ainsi arrivée à l’exécution définitive d’une œuvre dont les travaux préparatoires avaient été si longs, c’est ici le lieu de payer notre tribut de reconnaissance aux Ministres de l’intérieur qui se sont succédé depuis 1860, MM. Ch. Rogier et A. Vandenpeereboom ; ils n’ont cessé tous deux de prêter un bienveillant appui à cette entreprise éminemment patriotique. Forts du concours du Gouvernement, les membres de la Commission ont pu assurer la viabilité matérielle de l’œuvre et arrêter, sans entraves, toutes les mesures d’exécution qui s’y rattachent, tant sous le rapport de la rémunération des auteurs que des arrangements à prendre avec l’éditeur.

Afin d’obtenir une certaine unité dans l’ouvrage, surtout en ce qui concerne la coordination et la révision des notices reçues, ainsi que des détails relatifs à la partie typographique, la Commission avait d’abord projeté de confier ce travail à une seule personne qui aurait été en quelque sorte le directeur littéraire de l’œuvre. Elle aurait en ce point suivi l’exemple donné par M. Firmin Didot, qui publie, sous la direction de M. le Dr Höfer, la Nouvelle Biographie universelle. Mais ces deux publications diffèrent trop essentiellement pour être soumises à la même règle. En effet, l’éditeur français en faisant une opération industrielle avait besoin de soumettre ses divers collaborateurs au contrôle d’une autorité littéraire, tandis que notre publication, exécutée sous le patronage de l’Académie, pouvait à la rigueur se passer d’une pareille garantie. Cependant pour obtenir l’homogénéité indispensable, un autre système fut adopté à l’unanimité[15] : « Deux membres ont été adjoints au président afin de former un sous-comité, et ces trois commissaires, représentant les trois classes de l’Académie, se partagent entre eux, selon l’aptitude ou la spécialité respective, l’examen des notices destinées à l’impression. L’examen porte sur les détails plus ou moins complets, minutieux ou oiseux des biographies, sur leur étendue, sur leur admission définitive, sur le rejet de certains personnages, soit en raison de leur insignifiance, soit parce que les auteurs ne se sont pas conformés aux instructions arrêtées par la Commission. Les observations du sous-comité sont communiquées officieusement aux auteurs des notices par le président. En cas de dissentiment entre les auteurs et le sous-comité, il en est référé à la Commission assemblée, qui décide en dernier ressort. Le bureau agit alors officiellement, au nom de cette dernière, à laquelle les propositions de rejet ou d’amendement sont soumises : c’est d’elle qu’émane la décision définitive, c’est elle qui prononce la suppression. Après avoir parcouru cette filière, les notices acceptées sont remises au préposé à la correction littéraire et typographique et envoyées par lui à l’imprimeur-éditeur. »

Ce système, dont l’application a eu pour effet de ménager des susceptibilités trop vives et d’assurer en même temps à l’œuvre commune un ordre méthodique et une marche plus régulière, n’a encore soulevé aucune difficulté sérieuse, bien que la mission du sous-comité fût souvent très-délicate. En l’absence d’une direction littéraire unique, ce mode d’exécution, quoique assez compliqué, a répondu à tous les besoins. La responsabilité collective de la Commission subsiste quant à l’ensemble de l’œuvre, mais, d’autre part, les auteurs, en signant les notices, restent individuellement responsables des opinions, des jugements et des faits qu’ils avancent.

Ils sont en outre astreints à indiquer au bas des notices les sources les plus intéressantes auxquelles ils ont puisé.

Nous avons aussi cru devoir admettre dans la Biographie quelques personnages fictifs, mais ayant cependant acquis, par tradition, une certaine notoriété historique. Cette mesure a été prise dans le but de rectifier des erreurs longtemps accréditées, ou d’empêcher des usurpations qu’une critique sévère pouvait seule faire disparaître.

Quant aux personnages appartenant au même nom, ils ont été rangés, à la suite les uns des autres, dans l’ordre alphabétique de leurs prénoms respectifs, afin d’éviter la confusion dans les homonymes ; à l’exception toutefois des princes, pour lesquels l’ordre chronologique a paru le plus rationnel.

Enfin, lorsqu’il s’agit d’érudits ou de littérateurs, les titres de leurs ouvrages ont été énoncés dans leur langue respective, avec l’indication des formats et des lieux d’impression, surtout pour les ouvrages anciens.

Tel est l’ensemble des règles et des principes établis pour l’achèvement de notre publication.

Quarante-cinq séances de plusieurs heures ont, depuis cinq années, été consacrées à l’examen et à la solution de ces innombrables questions de détail.

En terminant cet exposé, nous répéterons ce que disait l’honorable M. Éd. Fétis, alors secrétaire-rapporteur de la Commission, dans son rapport annuel de 1862, afin de répondre aux personnes qui, peu familiarisées avec les travaux littéraires de grande étendue, faisaient peut-être un reproche à l’Académie de retarder si longtemps la publication de la Biographie nationale :

« Vous savez combien les travaux préparatoires d’une entreprise littéraire semblable à celle dont nous sommes chargés sont importants, longs, minutieux et quels soins doivent leur être donnés, si l’on veut éviter, pour la suite, les mécomptes et les regrets. C’est peu de faire vite : il faut bien faire. La rapidité, qui est la règle suprême des actions humaines dans le temps où nous vivons, n’est pas, ne sera jamais applicable à l’élaboration des œuvres d’érudition. Pour celles-ci, il faut, avant tout, la patience, l’attention et la conscience. Laissons courir la vapeur pour tout le reste ; mais lorsqu’il s’agit d’art, de littérature et de science, marchons paisiblement, d’un pas prudent et sûr. Nous irons, d’ailleurs, plus vite ainsi, n’étant pas exposés à faire fausse route et à rétrograder pour trouver une meilleure direction.

» Livrer prématurément une partie quelconque de l’ouvrage eût été une imprudence. Ceux qui nous reprochent de ne pas nous presser, nous critiqueraient vivement, si nous avions péché par erreur ou par omission. Nous n’avons pas recouru à la publicité pour faire connaître, au dehors, les résultats progressifs de nos efforts, parce que nous croyons qu’il ne faut en user qu’avec mesure et seulement lorsqu’on en peut attendre quelque utile effet. »

Pour terminer, nous ajouterons que, depuis sa création, la Commission a subi plusieurs modifications par les démissions et les décès de plusieurs de ses membres, et nous nous montrerions ingrat, si nous ne rendions hommage, à deux d’entre eux, qu’une mort prématurée nous a enlevés, M. le professeur Kickx et Mgr de Ram. Ce dernier a fourni au premier volume de la Biographie un contingent considérable, et sa collaboration, surtout pour l’hagiographie nationale, nous eût été d’un précieux concours pour l’avenir.

Bruxelles, janvier 1866.

Baron de Saint-Genois,
Président de la Commission.





  1. Bulletins de l’Académie, t. XV, 1e partie, p. 33.
  2. Ibid., t. XVIII, 2e partie, p. 510.
  3. Ibid., t. XIII, 2e partie, p. 203.
  4. Ibid., t. XVIII, 1e partie, pp. 389 et 506.
  5. Ibid., t. XVIII, 2e partie, pp. 685, 754 et 795.
  6. Quatre volumes et supplément, gr. in-8o, publiés à Bruxelles, par F. Parent, en 1853-1854.
  7. Michaud, préface de la Biographie universelle.
  8. Voir en tête du volume les modifications que la Commission a subies, depuis son installation, par suite de décès ou de démissions.
  9. Rapports annuels, p. 85.
  10. Rapports annuels, p. 59.
  11. Rapports annuels, p. 65.
  12. Ver est une contraction de Vander.
  13. Les règles que nous avons admises pour la disjonction de certains noms, contrarieront peut-être les personnes particulièrement préoccupées de recherches généalogiques et héraldiques. Dans les ouvrages de ce genre, il est loisible d’adopter d’autres principes, parce qu’il faut tenir compte particules nobiliaires des familles et de l’intérêt qu’elles y attachent, mais dans un dictionnaire biographique, on demande une classification uniforme, un système qui, basé sur la grammaire, échappera toujours au reproche de partialité.
  14. Rapports annuels, p. 81.
  15. Rapports annuels, p. 95.