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Biographie nationale de Belgique/Tome 12/LEYS (Léonard)

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LEYS (Léonard), ou Lessius, théologien, naquit, le 8 octobre 1554, à Brecht, près d’Anvers, et mourut en 1623, après avoir pris, par ses nombreux écrits, une part très active dans les interminables querelles suscitées par l’apparition du baïanisme. Il fit de fortes études et mérita les éloges de Juste Lipse ; il possédait le grec, l’histoire, le droit canon et le droit civil, et n’était étranger ni aux mathématiques ni à la médecine. En 1572, il entra dans la Compagnie de Jésus ; on l’envoya professer la philosophie à Douai, où il resta sept ans ; nous le trouvons ensuite à Louvain, occupant une chaire de théologie , de 1585 à 1605. Il y était à peine d’un an, qu’il publia, de concert arec son collègue Hamelius, une série de thèses qui visaient les doctrines de Baius, et que la faculté de théologie déclara entachées de semipélagianisme. Cette censure déplut au professeur Stapleton, qui ne cacha pas sa manière de voir dans une lettre à l’évêque de Middelbourg, insérée plus tard dans l’Histoire des congrégations de Auxiliis, du P. de Meyer (p. 32). En revanche, l’université de Douai se rangea sous la bannière de la majorité des Louvanistes, et l’on ne peut s’empêcher de reconnaître avec Feller qu’elle y mit de la passion. Dans notre article DE BAY (t. IV, col. 774 et suiv.), nous avons résumé l’histoire de cette querelle, qui, en définitive, n’aboutit pas ; inutile d’y revenir. Ajoutons seulement que Lessius en ayant appelé à Rome, Sixte-Quint fit examiner ses propositions par une congrégation qui ne trouva rien à y reprendre, et les déclara sanæ doctrinæ articuli. Nous citons Feller : « La censure fut cassée et le jugement pontifical publié à Louvain, par ordre du nonce Octavio, évêque de Cajazzo, en 1588. Quesnel et Gersera publièrent chacun une apologie historique de la censure ; mais ces deux apologies furent condamnées par Innocent XII, en 1697. Lessius fit déclarer pour lui les universités de Mayence, de Trêves et d’Ingolstadt. On peut voir ce qui regarde cette affaire amplement détaillée par Habert, évêque de Vabres, dans son livre De la Défense de la foi sur la grâce, ch. XIV, § 3. On sait que Habert n’était pas favorable aux jésuites, et sa relation acquiert par là une considération particulière : elle est tout à la décharge de Lessius ».

Nombreux sont les écrits de notre controversiste : il suffira de citer les plus marquants, et d’abord le volume intitulé : De gratia efficaci, decretis divinis, libertate arbitrii et præscientia Dei conditionata (Anvers, J. Moretus, 1610 ; in-4°), livré à l’impression sur le conseil de quelques amis, à l’occasion de la polémique suscitée par la mise en lumière du traité : De concordia gratiæ et liberi arbitrii (Lisbonne, 1588), œuvre du célèbre Louis Molina. Celui-ci eut pour lui les jésuites ; les dominicains, au contraire, arborèrent le drapeau de saint Thomas, ce qui plus tard fit dire que les catholiques ne s’entendaient pas entre eux. Lessius prit vigoureusement la défense des jésuites espagnols, mais, ce semble, dans un esprit de conciliation. Ces querelles n’offrent plus qu’un intérêt historique. Non moins important est le volume in-folio : De justitia et jure actionum humanarum. Anvers, 1621, et Lyon, 1653. Saint François de Sales faisait de cet ouvrage un cas tout particulier, à preuve une lettre qu’il écrivit à l’auteur, et dont l’original fut gardé jusqu’en 1773, au rapport de Feller, dans les archives du collège des Jésuites d’Anvers. Le P. Graveson crut pouvoir contester l’authenticité de cette pièce : on lui répondit en la faisant graver avec toute l’exactitude d’un fac-similé (1729). La lettre du saint prélat, dont Feller donne le texte, est datée d’Annecy, le 26 août 1653 ; elle est signée : Franciscus, episcopus Gebennensis. Dans le De potestate summi pontificis, l’auteur soutient la théorie de la puissance temporelle des papes. Le De gratia et prædestinatione forme deux volumes in-folio d’opuscules « pleins de lumières et de sentiment, écrits avec beaucoup de clarté, d’élégance et d’intérêt » (Feller). On cite notamment un petit traité, De capessenda vera religione, qui contribua, paraît-il, à faire rentrer dans l’Eglise mère un grand nombre de dissidents, et un morceau également remarquable sur la Providence divine. Citons encore Hygiasticon, seu vera ratio valetudinis bonæ et vitæ, una cum sensuum et judicii et memoriæ integritate ad extremam senectutem conservandæ. Anvers, 1613 et 1614 ; in-8°. Id., avec le traité de Louis Cornaro sur la même matière, traduit de l’italien par Lessius. Cambridge, 1634 ; in-8°. Sébastien Hardi a donné, à Paris, en 1701, une version française de ces deux traités ; elle a été réimprimée en 1708 dans la même ville, enrichie de notes par de La Bonodière ; — divers ouvrages de controverses, entre autres sur les cas de conscience, sur la théologie mystique, etc. ; enfin, des commentaires sur plusieurs paragraphes de la Somme de saint Thomas. Lessius laissa derrière lui une haute réputation de savoir, de talent et de piété. « On garde dans la bibliothèque de l’archevêché de Maline », dit Feller, « des Informations manuscrites sur sa vie et ses vertus. On les avait prises d’abord après sa mort, dans la croyance que l’on travaillerait un jour à sa béatification ».

Alphonse Le Roy.

De vita et moribus L. Lessii. Paris, 1644 ; in-12. — Foppens, Bibl. belgica. — Feller, Biogr. univ. – La préface du traité De gratia efficaci, etc.